Dominique Pitoiset, Directeur de l'Opéra de Dijon : “Accompagner des projets et des personnalités”
Dominique Pitoiset, vous avez pris la Direction générale et artistique de l'Opéra de Dijon le 1er janvier 2021. Quel premier bilan tirez-vous de cette année perturbée, mais qui vous a tout de même permis de mettre en place votre première saison comme Directeur ?
La situation était assez complexe à mon arrivée, il valait donc mieux avoir de l'expérience : arriver dans une maison pour voir tous les titres d'une programmation (qui en plus n'était pas la mienne) tomber les uns après les autres était une expérience assez particulière. Les annonces publiques d'annulation récurrentes sont évidemment déplaisantes pour toutes et tous. Nous avons su reporter quelques titres, pas trop d'ailleurs. En effet, assez rapidement durant le second confinement, j’ai réalisé qu’il y aurait sinon un embouteillage à la sortie, qui laisserait les artistes les plus précaires et les plus fragiles sur le bord de la route : il valait donc mieux repenser les termes de certaines créations, ce qui obligeait à certaines décisions difficiles (que certains ont qualifiées de courageuses mais qui étaient plutôt compliquées à affronter en arrivant dans une maison dont je ne connaissais pas l'équipe). J'ai proposé assez vite à Bruno Hamard (ancien Directeur de l'Orchestre de Paris) de me rejoindre, car étant moi-même metteur en scène, il m'est apparu compliqué de cumuler toutes les fonctions sans avoir une direction générale adjointe qui puisse me seconder pour mettre en œuvre mon projet.
Comment avez-vous vécu votre processus de nomination ?
J'ai été sollicité par la ville de Dijon et son Maire François Rebsamen pour rédiger un projet pour cet établissement, qui est déjà très encadré du fait de son cahier des charges de Théâtre Lyrique d'intérêt national, de ses obligations à l'égard de la ville et de la région. J'ai rédigé un projet assez fourni et complet, d'environ 80 pages, qui a été discuté, questionné et accepté. Il y a ensuite eu une autre difficulté : j'avais bien évidemment conditionné cette nomination au résultat du second tour des municipales car la décision a été prise avant ce second tour, qui a été reporté du fait de la pandémie. Cela a généré entre-temps beaucoup de pagaille, voire même des polémiques assez inutiles à mon sens. Cela nous a toutefois permis de faire le tour d'un certain nombre de questions : j'ai posé en préalable la question des équipements, la question structurelle. Le premier semestre 2021 a finalement été l'occasion de rencontrer les équipes et d'échanger : nous n'avons ainsi pas seulement passé notre temps à annuler des représentations.
Quel est votre rapport avec la ville de Dijon et avec son Opéra ?
Je connais bien cette ville, pas seulement pour y être né mais parce que j'y ai dirigé le Centre Dramatique National qui est toujours hébergé dans une église de 300 places (réformée bien sûr). Je dirigeais également le Festival Théâtre en mai, qui était important, ambitieux : celui de toute la nouvelle génération dont je faisais encore un peu partie à ce moment. Je connais le Centre Chorégraphique, qui est né au moment où j'officiais au CDN, et qui est toujours sans lieu. Je connais la situation de la scène jeune public et d'autres qui ont su grandir avec le temps mais restent entre labellisation, structuration, mission de développement. L'Opéra semblait l'institution la mieux dotée et elle l'est. La création de l'Auditorium comme deuxième salle de l'Opéra de Dijon a été une des raisons de mon départ de Dijon, pour dire les choses simplement. Nous, tous les autres responsables de projets artistiques et culturels de la ville, savions que cela obérerait notre développement et cela nous avait profondément désespérés. D'autant que le coût était exorbitant.
Qu’en pensez-vous aujourd’hui en tant que Directeur de l’Opéra (qui réunit le Grand Théâtre et cet Auditorium) ?
Force est de constater que sa qualité artistique indéniable et formidable l'emporte. C'est un joyau acoustique : Renaud Capuçon qui était encore dernièrement sur le plateau de l'Auditorium pour un concert nous disait que ce lieu est un bonheur, l'une des meilleures salles du réseau. Mais ce lieu a été pensé un peu comme une Délégation de Service Public : les bureaux sont très exigus, il n'y a pas de salle de répétition, les halls d'accueil du public sont énormes, engendrant d'importants coûts de fonctionnement. Il a fallu repenser un certain nombre d'éléments, tout simplement en lien avec nos engagements écologiques. Cela concerne les bâtiments mais aussi les ateliers, la vie au quotidien de nos artisans, des personnels, l'optimisation des matériaux, le recyclage, l'accueil des artistes et des publics.
Qu’avez-vous entrepris pour y remédier ?
Il nous fallait impérativement une salle de répétition. Nous avons fait le deuil des budgets susceptibles de nous offrir une salle à l'endroit prévu par les architectes, projet qui ne s'est jamais réalisé. Nous avons donc dégagé toute l'arrière-scène où étaient entreposés des décors, en replaçant le matériel dans des espaces perdus à l'intérieur ou dans des conteneurs à l'extérieur. Ainsi, nous avons désormais un espace de répétition à l'arrière de la grande scène, qui nous permet de programmer davantage en mobilisant moins le plateau. Cela permet aussi aux équipes d'être au quotidien ensemble dans le bâtiment, et de reconsidérer l'éducation artistique et culturelle, cet espace pouvant leur être dédié pour des ateliers pratiques : nous copions un peu ce que fait Hortense Archambault à Bobigny, c’est-à-dire une forme d'expérience sensible permettant de rencontrer l'altérité et de jouer ensemble. Cela permet également de reconsidérer la question des droits culturels en termes de dignité dans la rencontre égalitaire avec l'autre : c'est difficile pour nous autres "sachants" de susciter des rencontres. Moi qui ai dirigé plusieurs maisons, écoles, en ai créé une à Bordeaux, ai enseigné en Italie, en Russie, en Allemagne et ailleurs, j'ai expérimenté cet écart de plus en plus important avec ces nouvelles générations qui ont besoin d'avoir une relation qui passe par autre chose qu'un certain type de répertoire.
Comment allez-vous continuer d'exploiter l'Auditorium ?
Les spectacles de danse, avec de très beaux titres, me semblaient un peu noyés dans la programmation : cela avait du sens de travailler avec le Centre Chorégraphique qui n’a ni le lieu ni les moyens de faire ces projets. Je voulais proposer du théâtre musical et me suis rapproché pour cela du Centre Dramatique. Dijon n’avait plus de titre circassien depuis 14 ans : j'ai programmé le groupe XY il y a quelques jours et ils ont triomphé. Nous n'avions pas assez de places à vendre. Enfin, j'ai voulu ouvrir l’Opéra aux musiques du monde, avec d'autres partenaires (Zutique, la SMAC, la Vapeur) pour coréaliser des titres qui ouvriront des jauges bien plus importantes avec des musiques du monde rayonnantes. Nous avons proposé la première date d'une des dernières tournées européennes de Gilberto Gil en ouverture de saison : le succès a été énorme, tout comme lorsque nous avons programmé de la danse hip hop avec Mourad Merzouki. Des spectateurs venaient pour la première fois, se demandant même dans quel sens s'ouvrent les portes de l’Auditorium. Ils dansaient dans les couloirs et les travées en disant que nous avions un peu désacralisé cette “Cathédrale de la musique savante”. C'est un dialogue qu'il faut établir.
Au-delà de l’Auditorium, vous disposez également du Grand Théâtre : comment allez-vous l’utiliser ?
Mon ambitieux projet débutait par une reconsidération structurelle : pourquoi laisser le Grand Théâtre (ancien Opéra de Dijon) au point mort et se dégrader ? J'en étais triste en revenant à Dijon car ce théâtre ressemblait désormais à un vieux navire soviétique resté trop longtemps en rade, au port. Je suis d'autant plus touché que j'ai grandi à deux pas de là : mes grands-parents habitaient dans la rue qui longe le Grand Théâtre, j'y ai passé beaucoup de mes après-midis ou soirées d'enfance, et c'est là que j'ai vu mes premiers opéras, assisté à des concerts et que nous allions même avec l'école voir des films de fin d'année. Adolescent, quand j'ai dû trouver des ressources pour financer mes études j'y suis devenu coursier : cette dimension affective est importante pour moi. Je souhaite un projet partagé avec d'autres. Nous avons avec l'Auditorium un lieu tellement performant qu'il paraît trop grand pour cette petite métropole en développement. Remplir des jauges de 1.600 personnes oblige à un certain nombre de considérations en termes de programmation. Lorsque je rédigeais mon projet, ce qui a pris une bonne année, j'entendais toujours dire : “c'est toujours les mêmes artistes, ça ne nous intéresse pas, ce n’est pas pour nous”.
Pourtant, les taux de remplissage étaient bons, n'est-ce pas ?
Je ne le conteste pas. Un noyau de fidèles, de mélomanes, a profité du travail de mon prédécesseur pour rencontrer des artistes de grande qualité. Mais nous avions besoin de notre petite salle, avec une jauge de 500 à 600 places : le Grand Théâtre. Pour y réengager des travaux, il fallait que le Centre Dramatique, le Centre Chorégraphique et les circassiens puissent aussi en disposer, que les jeunes puissent s'y retrouver, que nous puissions y faire des événements d'entreprise, les fêtes de la ville (d'autant qu'il est sur une place historique, en face du Musée rénové).
Quelle place l'opéra garde-t-il dans ce projet ?
C'est la colonne vertébrale. Dans un premier temps surgit la peur d'une grosse scène nationale de diffusion sans création, en déshabillant Pierre pour habiller Paul. Mais l'Opéra de Dijon est un théâtre de création et souhaite le rester. J'ai d’ailleurs tenu à travailler avec notre Chœur permanent, à travers des ateliers : c'est le meilleur moyen de se rencontrer. J'ai aussi commandé à Benoît Rossel un film documentaire qui va bientôt sortir, Ainsi soit-il, sur ce qu'est la vie dans un opéra de province, dans une petite maison de production lyrique pour des artistes permanents choristes.
Comment vos programmations lyriques se structureront-elles ?
Très simplement, je fonctionne au trimestre (avec trois trimestres par saison). Chaque trimestre, nous proposons une grande forme à l'Auditorium avec de grands titres rayonnant du répertoire dit populaire, une forme ambitieuse mais plus modeste financièrement (en raison des recettes moindres) au Grand Théâtre et une ou deux petites formes mobiles (soit des accueils, soit des productions en circulation). Nous avons des projets avec Vincent Dumestre, Valérie Lesort, Les Cris de Paris, ou encore Aurélien Bory, dans des formes qui pourront trouver leur place dans d'autres réseaux à condition d’être soutenues par l'Opéra. Au Grand Théâtre, nous aurons des formes plus mobiles, non pas seulement pour circuler dans d'autres maisons de plus petites tailles mais aussi pour circuler sur d'autres scènes régionales et ailleurs sur d'autres réseaux. Ces formes lyriques plus petites pourront d’ailleurs inviter des artistes moins accomplis : une ville comme la nôtre doit être plus sensible à l'émergence de jeunes talents qu'à la présence de grands artistes confirmés. C'est le sens des projets que nous menons avec l'Académie de l'Opéra de Paris cette saison, avec L'isola disabitata, Le Couronnement de Poppée mais aussi Cosi fan tutte où plusieurs solistes sont issus de cette insertion professionnelle.
L’Opéra de Dijon est labellisé Théâtre Lyrique d'intérêt national depuis 2017 : êtes-vous attaché à cette appellation ?
Après lecture de mon projet, la Ministre de la Culture et la Présidente de la Région ont validé la reconduction de cette convention pour 5 années. Nous sommes en cours de discussion sur les enjeux de cette convention, afin d’éviter qu’elle ne devienne un peu creuse : au-delà de son cahier des charges, offre-t-elle des moyens renforcés, une perspective d'Opéra national ? Nous en sommes loin ici à Dijon.
Est-ce pour vous un objectif que l'Opéra de Dijon devienne Opéra national ?
Ce pourrait en être un mais cela impliquerait des outils renforcés par des moyens renforcés : il nous faudrait retravailler, avec notre Conseil d'administration et nos tutelles, la place de l'Orchestre Dijon-Bourgogne, notre premier partenaire artistique. Cet Orchestre a toujours eu du mal à exister ici à Dijon, et n'a jamais eu les moyens de ses ambitions. Il y a eu une occasion assez récente de fusion avec l'Orchestre Victor Hugo de Besançon, qui est placé sous la direction de Jean-François Verdier, que je connais bien car il a dirigé l’une de mes mises en scène lyriques. Lorsque je suis arrivé aux affaires, la rupture était consommée. Moi qui suis né d'une mère bisontine et d'un père dijonnais et qui ai constaté enfant entre mes familles cette opposition qui doit dater des Ducs de Bourgogne, je trouvais cette rupture embarrassante. Or, je ne voulais pas laisser en l'état la convention qui étouffe l'Orchestre : nous en avons donc négocié une nouvelle. L’Orchestre est désormais un orchestre de fosse, lyrique, avec trois titres assurés chaque saison : cela lui permet de travailler beaucoup plus, avec des services plus longs et des directeurs musicaux au long court. D'un autre côté, l'Orchestre Victor Hugo s'inscrit également dans la programmation de l'Opéra de Dijon.
Cette labellisation est aussi une appartenance à un réseau : comment collaborerez-vous avec les autres opéras ?
Cette période Covid oblige à être davantage en réseau avec les directions des opéras de France pour trouver des connivences : nous le faisons déjà par des coproductions avec Aix-en-Provence, Bordeaux, Nice, Strasbourg, Nancy et avec la Philharmonie (autour du gamelan), jusqu'à la Suisse. Ce réseau d'intérêt part de réflexions communes : ce ne sont pas seulement les titres qui l'emportent, mais les échanges.
Allez-vous poursuivre votre partenariat avec l'Académie de l'Opéra de Paris dans les prochaines saisons ?
Ce n'est pas gravé dans le marbre mais si c'est possible, nous le poursuivrons avec grand plaisir. Je crois que la Directrice de l'Académie, Myriam Mazouzi, n'aurait pas de réticences non plus à ce que nous continuions. Artistiquement, c'est formidable et tout va bien. Mais il reste à voir comment Alexander Neef veut faire évoluer l'Académie.
Così fan tutte de Mozart est à l'affiche de l'Opéra de Dijon du 6 au 12 février 2022 : comment les répétitions se déroulent-elles en cette période où la crise épidémique se poursuit ?
La période reste en effet compliquée : j'ai encore dû remplacer une chanteuse en urgence, et une autre doit s'isoler pendant 10 jours. Je suis contraint de travailler dans des délais beaucoup plus réduits. Je cours beaucoup et je dors peu, mais c’est pour la bonne cause.
Pourquoi avez-vous choisi de programmer et de mettre en scène vous-même ce titre ?
Je cherchais pour ma première mise en scène en tant que Directeur un titre du répertoire qui soit populaire, qui me permette de rencontrer les équipes et de voir notre fonctionnement, qui soit une première rencontre avec le Chœur et l'Orchestre Dijon Bourgogne en fosse. Je voulais aussi une maîtrise financière, ce qui est le cas avec seulement six protagonistes, et que le tout puisse se jouer sur le plateau de l'Auditorium. Il faut relire L'Espace vide de Peter Brook pour comprendre immédiatement qu'on peut jouer Cosi, non pas sans rien mais même dans un espace vide. Cosi ce n'est que du jeu, même s’il y a Mozart, évidemment, qui, par sa maniaco-dépression chronique, va chercher de l'humanité à des endroits extrêmement troublants. Mais il y a aussi le vieux da Ponte : quelle malice permanente, quelle étude des comportements !
Quels ont été vos axes de travail pour cette mise en scène ?
J'ai souhaité, du fait de la pandémie, requestionner les sentiments et la nature de nos émotions, ce qu'Eva Illouz appelle La fin de l'amour. Qu'est-ce qui sépare aujourd'hui les jeunes générations ? Ne serait-ce qu'à l'échelle de la métropole Dijonnaise, le nombre de femmes seules élevant un enfant dans des situations économiques difficiles s'est multiplié, atteignant près de 20 à 25% : cela pose la question des solitudes. Cosi est une œuvre sur le Surveiller et punir [référence à Michel Foucault, ndlr] mais aussi sur l'épreuve du désir. Les deux premiers couples questionnent le contrôle de soi quand on veut correspondre à une norme. Le troisième "couple" de l'œuvre [Despina et Don Alfonso, ndlr], a selon moi consommé une rupture, est dans un conflit de désamour, et prend en otage les deux jeunes couples hyper-normés sur la nature de leurs sentiments. Ils se dévoilent autres dans un théâtre. Comme disait Marivaux, "Ils font semblant de faire semblant, Monsieur !". J'ai cherché cette mise en abyme car je souhaite mettre en scène durant ces trois saisons de mon mandat trois titres très différents quant aux styles musicaux mais qui ont à voir avec cette question de l'amour : Cosi cette année, Armide de Lully avec Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre et Stéphanie d'Oustrac en soliste la saison prochaine, et puis j'ai bon espoir pour que Kaija Saariaho m'accorde les droits de L'Amour de loin, ouvrage qui me passionne, m'émeut, m'impatiente, sur la question de la muse, de l'éloignement et comment nous nous consumons dans une idée de nous-mêmes en train d'aimer.
Comment traduisez-vous tout cela concrètement dans la mise en scène de Cosi fan tutte ?
Je me suis demandé ce qui a conditionné le début de cet opéra. J'ai pensé au tableau de Poussin sur la Femme adultère, que le Christ défend en disant "Que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre". J'ai donc décidé que nous jouerions devant le tableau, au Louvre. J'ai donc fait construire la grande salle d'un musée à l'occasion d'une Exposition Poussin (à laquelle j'avais assisté il y a quelques années au Louvre). C'est un peu documentaire avec une reproduction hyper-réaliste jusqu'aux planchers en chêne (je suis moi-même photographe et j'adore le photo-réalisme). Il n'y aura pas de costume d'époque, le chœur campera des touristes avec des audioguides visitant les galeries. Nous avons obtenu des reproductions de six tableaux de Poussin grâce au cadeau génial de la Réunion des Musées nationaux. Le Christ et la femme adultère est au centre avec les pharisiens et la volonté de mise à mort de l'infidèle, qui génère la première réplique : "La mienne elle ne fera jamais ça !". Alfonso est le guide du musée, tandis que Despina est assise en train de lire une littérature très contemporaine à proximité d'un autre tableau : Vénus endormie surprise par des satyres. De l'autre côté, les tableaux plus érotiques de Poussin mettent en jeu et en lumière le corps féminin. Dans la galerie au fond, il y aura La Danse de l'humanité bien entendu et la futilité de nos vanités devant la finitude. D'un autre côté, mon tableau préféré de Poussin : Les Bergers d'Arcadie avec la dimension plus philosophique de la mise en garde face à l'ambition. Je ne suis pas un critique d'art, mais je ne peux m'empêcher de penser que la peinture de Poussin est politique et a peu à voir avec Dieu. Il y aura un acte de jour et un acte de nuit (entre La Nuit au musée et surtout L'Ange exterminateur). La forêt est existentielle.
Pourquoi avoir confié la baguette à Guillaume Tourniaire ?
J'apprécie beaucoup son travail : il est brillant dans ce répertoire qu’il a dirigé à Lille. Il fait partie de ces chefs français davantage connus à l'étranger. Nous avons la chance de l'avoir sur la totalité des répétitions : nous sommes donc là encore dans une idée de partage et de connivence artistique.
Comment abordez-vous la suite de la saison ?
Aujourd'hui le public est là, avec de l'enthousiasme (même si nous n'avons malheureusement pas encore pu rouvrir notre bar). Je suis très heureux d'être où je suis et je croise les doigts pour la suite : que cette aventure accueille de nombreux artistes de qualité venant d'horizons différents. Nous aurons un Don Pasquale par Amélie Niermeyer du 10 au 15 mai et je serai très heureux de faire découvrir le projet passionnant de cette metteuse en scène. Viendra également l'opéra Julie du 4 au 7 mai, du compositeur Philippe Boesmans sur un livret de Luc Bondy (qui avait signé la mise en scène pour la création). J'avais sollicité Silvia Costa (nous sommes dans la même agence) pour mettre en scène un titre et elle m'a parlé de ce projet avec Nancy, et j'ai donc proposé à Matthieu Dussouillez de continuer ainsi à tisser son lien avec Dijon. Elle a été l'assistante de Romeo [Castellucci, ndlr] qui est un ami de très longue date et que j'ai fait venir en France pour la première fois ici, à Dijon, pour Théâtre en mai, alors qu'il était dans un garage du côté de Modène. Je pense que ma mission est d'accompagner de tels projets et personnalités.
montage des décors de Cosi fan tutte | (© Dominique Pitoiset - Opéra de Dijon) |