Jean Teitgen dans Lohengrin à Angers Nantes : "Garder un répertoire le plus large possible"
Vous chantez actuellement Lohengrin de Wagner à Nantes et Angers dans une version concertante dirigée par Pascal Rophé (lire le compte-rendu d'Ôlyrix). Quel est votre rapport à Wagner ?
C’est une musique que j’adore. D’un point de vue vocal, c’est assez extrême. C’est à mon sens plus difficile de chanter Heinrich dans Lohengrin que Raimondo dans Lucia di Lammermoor, qui est pourtant également un rôle difficile. Dans Wagner, il faut avoir presque deux tessitures, quel que soit le rôle : il faut être à la fois baryton et basse pour Heinrich, les filles doivent être à la fois soprano et mezzo, et le ténor doit pouvoir être barytonant pour sonner dans les graves : ce sont des tessitures vraiment étranges !
Quelles sont les autres grandes difficultés de ce rôle ?
Il est difficile d’arriver à garder une ligne de chant élégante du fait de l’exigence de la partition, qui oblige à être physiquement très engagé. Il faut arriver à trouver la détente là-dedans : c’est un vrai défi.
Votre voix puissante paraît très adaptée à ce répertoire : envisagez-vous de le développer ?
Je vais voir où le vent me mène ! Cela dépendra de ce que l’on m’offrira : si un directeur m’offre de chanter le Roi Mark [dans Tristan et Isolde, ndlr], j’irai avec plaisir. Mais pour l’instant, on ne me le propose pas. Par ailleurs, j’essaye de rester généraliste et d’avoir un répertoire le plus vaste possible : ça m’intéresserait tout autant de chanter Banco dans Macbeth de Verdi, par exemple.
Ce Lohengrin est donné en version concertante : qu’est-ce que cela change pour le chanteur ?
Lorsque l’orchestre est dans la fosse, le public l’entend et le voit moins : nous sommes donc plus exposés. Après, tout dépend de la mise en scène : si le metteur en scène respecte les personnages et qu’il ne vous demande pas d’adopter des positions contre nature ou de faire des choses contre le rôle, c’est très agréable de chanter dans une mise en scène. Autrement, ça peut aussi vite devenir un enfer.
Jean Teitgen (© DR)
Il existe une filiation entre Lohengrin et Parsifal, tant d’un point de vue musical que dramatique (Lohengrin est le fils de Parsifal) : est-ce un opéra que vous aimeriez aborder, et dans quel rôle ?
Le rôle de Gurnemanz est probablement le plus adapté à ma voix. Klingsor serait probablement un peu haut. C’est un rôle passionnant, mais il est tellement extrême qu’il faut bien réfléchir avant de l’accepter. Il faut être sûr de bien le faire. On ne peut pas accepter et se dire qu’on se débrouillera : il faut avoir essayé chez soi avant, ou avec un chef de chant, et avoir bien étudié la partition.
Je pense que ma voix résisterait à un tel rôle. J’ai chanté à Rouen avec une Elsa magnifique [il s’agissait de Barbara Haveman, ndlr] qui disait : « Un ou deux Wagner par an, ça suffit ! ». En effet, c’est tout de même costaud. Il faut le faire en début de saison, comme ça on peut chanter le reste ensuite presque facilement (il rit). Pour faire toute sa carrière sur ce répertoire, il faut en tout cas être très résistant !
Comment percevez-vous le personnage d’Heinrich ?
C’est un chef de guerre sur le retour. Un nouveau monde arrive avec Lohengrin qui est le sauveur et qui va reléguer Heinrich au second plan. Mais il reste un grand homme, un roi d’une grande noblesse, qui est valeureux et bienveillant envers son peuple. La partition montre la noblesse du personnage : c’est grand, avec beaucoup de douceur lorsqu’il s’adresse à Elsa. C’est un personnage que j’aime bien. La gageure, c’est de conserver une certaine ligne de chant malgré la tessiture, y compris dans le grand air du début. Ce n’est pas évident ! J’essaye, comme beaucoup d’interprètes du rôle, de le chanter un peu comme du répertoire italien, avec un certain legato [chant liant les notes entre elles, ndlr], un peu comme si l’on pleurait en chantant. J’y vois certaines similitudes avec Raimondo [dans Lucia di Lammermoor, ndlr] : c’est assez intéressant d’essayer de chanter Wagner comme ça et de ne pas être systématiquement dans la puissance vocale.
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