Roberto Alagna (2/2) : « Je vais faire Lohengrin et voir si cela m'ouvre des portes »
Roberto Alagna dans le Cid au Palais Garnier © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris
En 2015, vous avez été très présent à l’Opéra national de Paris, dans Le Cid de Massenet qui vous a permis de chanter pour la première fois au Palais Garnier, puis dans Le Roi Arthus de Chausson et enfin dans L’Elixir d’amour à Bastille en novembre. Quel souvenir gardez-vous de ces productions ?
Je suis toujours heureux de chanter à Paris, c’est ma ville. Et je trouve même que c’est un petit peu injuste de faire mes débuts à Garnier après plus de trente ans de carrière, mais l’important était de le faire. J’ai été heureux des trois productions. Elles sont différentes. Ce sont des œuvres à l’opposé les unes des autres. L’Elixir d’amour représente un souvenir tout particulier pour moi : c’est dans la production londonienne reprise à Paris que j’ai rencontré Aleksandra [Kurzak, ndlr]. J’ai aussi appris qu’elle attendait notre enfant lors d’un Elixir qu’elle chantait. Presque tous les événements avec Aleksandra sont liés à L’Elixir d’amour ! Pour moi, cette "potion" fonctionne vraiment. Par ailleurs, je suis toujours heureux de retrouver à Paris les partenaires, les amis, l’orchestre, les gens du théâtre. Le futur me réserve une belle collaboration avec l’Opéra de Paris. Nous avons beaucoup de projets : Carmen en 2016/2017, une soirée de gala, deux représentations du Trouvère juste avant Lohengrin à Bayreuth, Otello et Samson et Dalila en 2018/2019.
Allez-vous vous investir dans le cycle Berlioz ?
J’aurais vraiment aimé faire le Benvenuto Cellini mais je n’étais pas libre à cette période. Ils m’ont aussi proposé Les Troyens et je n’étais pas libre non plus. C’est dommage parce que je l’ai déjà chanté et que cela aurait été formidable pour moi de le reprendre. Ils m’ont même proposé La Clémence de Titus, ce qui est une grande marque de confiance puisqu’ils envisagent des répertoires où l'on ne m’attend pas vraiment.
Le Roi Arthus a été l’occasion pour vous de travailler pour la première fois avec Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra de Paris, qui avait insisté pour que vous soyez Lancelot dans cette production. Comment s’est passée cette rencontre artistique ?
C’était superbe. On a fait un bon travail. Nous avons souvent parlé de technique, notamment des tempi. C’est quelqu’un de très doué et ouvert. Je connaissais bien l’œuvre par la direction de son père Armin Jordan. On en parlait souvent. Il m'est même arrivé de le mettre en confrontation directe avec lui, c’était assez drôle. A un passage, je lui ai dit : « Philippe, pourquoi tu ne le ferais pas comme ça ? », il m’a répondu : « On ne peut pas le faire comme ça » mais j’ai objecté : « Pourtant ton père le faisait ! » et il a éclaté de rire. C’était vraiment une collaboration, y compris dans la prosodie. Celle-ci est marquée par un style particulier à Chausson consistant par exemple à ne pas prononcer les « e » muets. Philippe était de l'avis qu’il fallait les dire, je pensais le contraire. Nous avons choisi de ne pas les prononcer. A cette occasion nous avons eu un vrai échange. Il avait au départ une vision un peu wagnérienne qui a évolué et est devenue plus française, peut-être à mon contact, avec ma façon de déclamer. Pour lui, c’était une sorte de Tristan, et il a raison car beaucoup de moments sont repris et développés de duos de Tristan. Chanté par un chanteur wagnérien, on a en effet l’impression d’entendre un peu Wagner. Avec des chanteurs français, l'œuvre prend vraiment une couleur française, et se situe dans la continuité des Gounod, Massenet ou Lalo.
Avez-vous d’autres projets avec Philippe Jordan ?
Outre Les Troyens et Benvenuto Cellini, il souhaitait aussi que nous fassions Otello ensemble, mais c’était lui qui n’était pas libre à la période où moi je l’étais. C’est dommage, mais nous allons nous retrouver car on aime bien travailler ensemble. Il est venu me voir dans L’Elixir et on en a reparlé. Je l’admire. Il a beaucoup de talent. C’est quelqu’un qui a un charisme. En tant que chanteurs, il est aussi plaisant de le voir diriger. C’est très appréciable d’avoir un chef avec lequel on a un échange, un sourire, un regard. Il faut qu’il y ait cette relation de séduction entre l’artiste et le chef, que chacun séduise l’autre, sinon ça ne marche pas.
Roberto Alagna et et Dmitri Hvorostovsky dans Otello à la Salle Pleyel en 2014 © DR
En septembre dernier vous avez amorcé une tournée « Shakespeare’s stars » construite autour des personnages d’Otello et de Romeo notamment. Avez-vous autant de plaisir à chanter en récital, sans décors ni narration , que dans un opéra mis en scène ?
Oui, c’est autre chose. Dans ce spectacle-là, il y a une sorte de plateau sur la scène et on joue vraiment, on improvise. C’est ce qui fait le charme de ce genre de tour de force : deux heures de spectacle sans entracte autour des deux œuvres. Mais j’adore aussi le récital "classique" où la voix prend toute la dimension, c’est-à-dire que le personnage passe à travers la voix seule. Quand on aime cet art, on l’aime sous toutes ses formes. C’est comme si on me disait : « Est-ce que tu préfères un CD, un DVD, le cinéma ou le théâtre ? » J’aime tout ! C’est d’avoir le choix qui est formidable.
En juin, vous avez donné à la Philharmonie de Paris un programme consacré aux grands airs et duos de l’opéra français au côté d’Irina Zhytynska. Avez-vous été ému de chanter pour la première fois dans cette salle parisienne ?
On est toujours ému de chanter dans une nouvelle salle. Pour nous, les salles d’opéra et de concert, ce sont des temples. Cet art est pour moi un art sacré. Je dis souvent que le chant, l’opéra, la musique, sont de l’ordre de la prière. La salle de la Philharmonie est magnifique. J’espère revenir y chanter. Nous y avons un projet de récital avec Aleksandra et nous envisageons aussi d'y chanter un opéra en version de concert.
Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak dans L'Elixir d'Amour © Vincent Pontet
Aleksandra Kurzak va-t-elle devenir votre partenaire de scène privilégiée ?
Non, ce que nous privilégions aujourd’hui avec Aleksandra, c’est d’être ensemble dans la même ville pour pouvoir être avec notre enfant et avoir une vie de famille. Aujourd’hui, ma carrière est faite. Je ne cours pas après les honneurs mais plutôt derrière une vie privée normale. Nous privilégions les théâtres qui sont proches de chez nous, ou bien nous chantons ensemble ou en alternance dans différents ouvrages. On peut le faire à Paris, à Vienne, à Londres, à New York, à Berlin. Ensuite, ce sont les directeurs qui choisissent. Comme Aleksandra évolue vers un répertoire davantage lyrique, nous allons avoir plus d’opportunités. Nous allons chanter ensemble dans Paillasse, Carmen, Otello, Turandot et La Juive.
On a le sentiment que l’avis d’Aleksandra est celui que vous privilégiez pour vos prochaines prises de rôle. Ainsi votre décision d’accepter Lohengrin à Bayreuth en 2018 semble reposer davantage sur ses encouragements que sur la persévérance de Christian Thielemann…
C’est vrai. Le festival m’a appelé trois fois, j’ai refusé trois fois. Thielemann m’a appelé aussi. Ils ont fait beaucoup de tentatives et à chaque fois je refusais parce que je ne ressentais pas le besoin de faire Lohengrin, je n’y avais jamais pensé. Cela fait des années qu’on me propose Wagner. J’ai toujours refusé parce que ce n’est pas mon monde. De plus, pour faire face à la charge de travail, je suis amené à privilégier les œuvres que je peux apprendre rapidement, et si elles sont en allemand j'y consacrerai naturellement plus de temps. Ce n’était pas quelque chose qui m’attirait, même le fait de chanter à Bayreuth.
Je n’ai jamais vraiment eu d’ambition. Tout ce qui m'est arrivé, on me l'a proposé
En fait, je suis plutôt timide et réservé. Je n’ai jamais vraiment eu d’ambition. Tout ce qui m’est arrivé, on me l’a proposé et j’ai dit « oui » ou « non » mais je n’ai jamais essayé de provoquer les choses ou de frapper aux portes. Donc, j’ai refusé plusieurs fois Lohengrin et à un moment Aleksandra m’a dit : « Fais-le ! Tu vas aller à Bayreuth, peu de Français l’ont fait. Moi, j’aimerais y aller au moins une fois t’écouter dans Lohengrin. Et puis, je vais t’aider avec l'allemand ! » Elle est le meilleur coach possible : elle parle couramment allemand, elle a chanté dans la troupe de l’Opéra de Hambourg pendant plusieurs années. Elle a aussi été premier violon pendant douze ans dans un orchestre en Pologne. C’est une musicienne. Pendant son adolescence, elle a aidé sa mère - qui est également chanteuse - à apprendre tous ses rôles, en l’accompagnant au piano. Elle a ce bagage, donc je serais bête de ne pas l’utiliser !
Sait-on si Anna Netrebko sera votre partenaire pour incarner Elsa dans Lohengrin ?
C’est ce qu’on m’avait dit au départ. Elle doit faire ce rôle auparavant à l’Opéra de Dresde donc je pense qu’elle va tester et en fonction de cette première expérience elle dira « oui » ou « non ». J’adore chanter avec Anna. Nous allons chanter Manon Lescaut et Le Trouvère ensemble et nous avons d’autres projets. On m’a proposé de chanter Adrienne Lecouvreur avec elle à Vienne prochainement et je ne suis pas libre car je chante au même moment dans Adrienne Lecouvreur ... mais à Monte-Carlo ! Mon rêve serait de découvrir une voix dans ce répertoire. J’aime être surpris par mes partenaires. Si Anna fait ce Lohengrin, je serai très heureux et si je suis surpris par quelqu’un d’autre, je le serai aussi.
Selon ce Lohengrin, vous déciderez-vous à incarner d’autres personnages wagnériens comme Tristan ?
J’avais déjà reçu des propositions de Daniele Gatti pour Les Maîtres Chanteurs et de Yannick Nézet-Séguin pour Lohengrin. On m’avait aussi proposé la version française de Tannhäuser, il y a plus de vingt ans à Monte-Carlo mais je l’avais refusée à l’époque car c’était trop tôt, puis de nouveau il y a trois ans, avec une tournée en Allemagne. Peut-être qu'il serait intéressant de faire ce Tannhäuser en français à Bayreuth. Je pense que cela n’a jamais été fait alors que c’est Wagner lui-même qui a réalisé cette version. En fait, comme Anna, je vais essayer de faire ce Lohengrin et nous verrons si cela m’ouvre les portes d'un nouveau répertoire. Tristan est une partition difficile à chanter à cause de sa longueur. Dans les duos, il y a des moments assez hauts avec des la héroïques. Il faut de l’endurance et là réside toute la difficulté de Tristan.
Comment allez-vous choisir vos rôles dans les années qui viennent ?
Je suis toujours assez ouvert aux propositions. Aujourd’hui, ce que je voudrais, c’est chanter le répertoire que je n’ai pas encore chanté et qui devrait être le mien : Fedora, La Fanciulla del West, Il Tabarro, La Force du destin, Luisa Miller (prévu à Monte-Carlo). On m’avait aussi proposé Mefistofele mais je n’étais pas libre.
Roberto Alagna est Vasco de Gama © DR
Dans votre carrière, vous avez régulièrement participé à la redécouverte de raretés, ainsi en 2015 avec Le Roi Arthus et Vasco da Gama. Avez-vous envie de mettre encore en lumière des œuvres moins connues ?
Aujourd’hui, la vie des chanteurs est très difficile avec tous ces déplacements et cette course effrénée contre la montre.
Une œuvre que j’aime depuis longtemps et que j’aimerais faire un jour, c’est Néron de Rubinstein. Et puis, un compositeur contemporain, Patrick Burgan, a composé pour moi Enigma d’après la pièce Les Variations énigmatiques d’Eric-Emmanuel Schmitt que l’on essaie de monter dans un théâtre au Canada. Je dois chercher des disponibilités. C’est un projet formidable avec deux ténors. Le problème, c’est que Paris me demande aussi des dates et je n’en ai pas, pareil pour Vienne, New York et Londres. Pour que je vienne, on concentre les représentations sur une plage raccourcie, alors que je préfère rester un peu plus longtemps dans une ville. Par exemple, en ce moment, j’ai trois Tosca en une semaine avec une seule répétition puis je m’envole. C’est usant. Vous savez ce que je regrette ? L’époque où l'on chantait tout son répertoire dans un seul théâtre et où l’on rentrait chez soi le soir, retrouver sa famille. On finissait des représentations et on en reprenait d’autres avec des répétitions pendant deux à trois semaines. Aujourd’hui, la vie des chanteurs est très difficile avec tous ces déplacements et cette course effrénée contre la montre.
Maintenant que vous ne chanterez plus d’opéra à Orange et que vous y reviendrez seulement pour des récitals, votre chemin pourrait-il vous mener jusqu’à Salzbourg ?
Salzbourg me demande quasiment tous les étés. Ils m’ont proposé Tosca, Le Trouvère avec Daniele Gatti et Anna Netrebko. Je ne suis jamais libre, encore une fois, c’est ça le problème ! J’ai signé pour trois ans avec Bayreuth et en 2018 quand je terminerai mon premier Lohengrin je partirai tout de suite au Metropolitan Opera à New York pour l’ouverture avec Samson et Dalila.
Pourriez-vous décider vos prochains engagements par rapport à des metteurs en scène afin de renouveler l’interprétation de rôles que vous avez souvent abordés ?
Je ne demande jamais avec qui je chante ni quels sont les metteurs en scène… J’aime bien être surpris. Quand j’arrive, j’aime retrouver des amis ou des gens avec lesquels j’ai déjà travaillé mais j’aime aussi découvrir de nouvelles personnalités, de nouveaux tempéraments, de nouvelles visions des œuvres. C’est ça qui fait grandir, qui nous enrichit. Les œuvres sont tout le temps différentes. Moi-même, je n’interprète jamais de la même façon un même rôle. Je n’ai jamais eu un mauvais rapport avec quelqu’un. Quand il y a eu des problèmes, c’était plutôt de l’ordre privé que de l’ordre artistique. Généralement, les metteurs en scène se disent plutôt heureux de collaborer avec moi. Je suis un passionné, les gens le savent.
Sur quels critères repose la réussite d’une mise en scène ?
Il faut que le sentiment véhiculé entre les artistes soit moderne, c’est le principal. Ce n’est pas une question de décors ou de vision de l’œuvre. Je n’aime pas quand l’œuvre est dénaturée. On peut faire quelque chose avec un décor d’une autre époque, transposer, à partir du moment où l'on raconte l’histoire. Cela me dérange quand c’est trop abstrait, et que le public doit lui-même imaginer ce qui se passe. Quand on dit : « Prends ton épée » et qu’il n’y en a pas, cela me gêne. On peut changer, avoir une arme ou quelque chose qui symbolise l’épée mais j’aime avoir les accessoires, les costumes, les décors. Je suis aussi preneur des transpositions, comme mon frère l’a fait dans Orphée et Eurydice. Sa vision, comme chez Cocteau, était magnifique. Moi, j’aimerais bien faire une Aïda « Mad Max ». Cela ne me dérangerait pas parce qu’on est aussi dans un monde, un univers. Mad Max avait eu du succès parce que le film nous projetait dans un monde intemporel. Ce qui me dérange, c’est quand on a l’impression d’être dans la rue, en costume de ville et de ne pas le retirer pour monter sur scène. Alors, il faut vraiment un metteur en scène avec du génie qui arrive à nous transporter malgré cela.
L’opéra, c’est fait pour rêver.
L’opéra, c’est fait pour rêver. Après, il y a la question de la beauté esthétique des mises en scène. Par exemple, dans Le Roi Arthus, certains n’ont pas apprécié la mise en scène. En même temps, avec cette musique qui pouvait sembler très noire, j’ai trouvé que ce côté jardin donnait une sorte de fraîcheur, de lumière. Certes, je n’aurais pas détesté être un vrai chevalier en armure mais à la fin tout me plaît parce qu’on se lie d’amitié, on entre dans le monde du metteur en scène. Il défend son œuvre et on essaie de le faire avec lui.
Roberto Alagna dans le rôle-titre d'Otello à Orange © DR
Quels sont vos meilleurs souvenirs de mise en scène ?
Il y en a beaucoup mais déjà pour son personnage, je citerais le Cyrano de Bergerac d’Alfano mis en scène par mes frères. On est à la fois dans la tradition, on voit la pièce de Rostand, on respecte l’œuvre et en même temps c’est moderne. Tout est là ! Et puis, j’ai adoré l’Otello d’Orange que j’ai revu à la télévision. Je me suis aperçu que la mise en scène de Nadine Duffaut était formidable tant par la caractérisation des personnages que les tableaux magnifiques à voir, et la captation est superbe. Vous verrez, cet Otello, dans quelque temps, on en reparlera !
Jonas Kaufmann est venu assister à la dernière de L’Elixir d’amour. Avez-vous été touché qu’il vienne découvrir votre travail ?
Entre collègues, c'est une chose que nous faisons tout le temps. Je suis souvent allé écouter Jonas, la première fois dans La Rondine, puis dans La Traviata, Tosca, Carmen. Et lui est venu me voir dans Carmen et Madama Butterfly au Met. Nous nous connaissons depuis des années. On se retrouve dans les théâtres au Met ou à Vienne parce qu’on est là au même moment, ou bien à Paris dernièrement.
Vous verra-t-on un jour ensemble sur scène, à l’occasion d’un gala par exemple ?
J’avais proposé de faire Enigma avec Jonas. Je lui en avais parlé quand il était venu me voir à une répétition de Madama Butterfly au Met. Après, je l’ai proposé à Vittorio Grigolo qui a décliné. Ce sont des choix et puis aussi des histoires de calendriers.
Existe-t-il une fraternité artistique entre les chanteurs lyriques les plus demandés au monde ?
Il y a une fraternité entre tous les chanteurs, mais entre ténors, il y a encore autre chose, c’est presque mystique, comme une secte.
Il y a une fraternité entre tous les chanteurs, mais entre ténors, il y a encore autre chose, c’est presque mystique, comme une secte. Il y a quelque chose qui nous unit tous. Avec Bryan Hymel, c’est la même chose. On est en contact, aussi avec les enfants, sa femme, la mienne. C’est moi qui ai suggéré à Alain Lanceron de le prendre en ténor exclusif pour Warner. Et c’est comme ça avec beaucoup de chanteurs. On vient tous se saluer. On se suit. Hier soir, Martina Serafin a eu un accident au saut final de Tosca : elle s’est mal réceptionnée. Je suis resté avec elle jusqu’à la fin alors qu’elle me disait : « Roberto, vas-y, ce n’est pas grave ». C’est triste car nous avons fait un beau spectacle, nous étions contents, et maintenant elle se retrouve à l’hôpital. C’est une famille, les chanteurs d’opéras. On se retrouve dans les mêmes villes, on mange ensemble, on se connaît depuis longtemps, on est tous amis.
Avez-vous encore un rêve à réaliser ?
J’ai chanté toute ma vie, cela fait maintenant trente-deux ans, et j'avais déjà fait huit ans de cabaret avant. Aujourd’hui, je me dis : « Tiens ! Cela doit être sympa, demain je ne chante pas. » Mon rêve, c’est de prendre des vacances et de me dire que je n’ai pas besoin de faire attention à ma voix. D’être tranquille, de rire aux éclats et de jouer avec ma fille.
Ôlyrix s’adresse aux passionnés d’opéra mais aussi à ceux qui ont envie de découvrir cet univers. Quelle œuvre conseilleriez-vous pour débuter ?
Cela dépend aussi de la mise en scène. Si on veut se faire plaisir à coup sûr, je dirais L’Elixir d’amour de Donizetti dans la mise en scène de Laurent Pelly. On se régale. Je le sais parce que beaucoup de gens sont venus pour la première fois à l’opéra et pendant les dédicaces ils m’ont dit qu’ils avaient adoré et qu’ils reviendraient à l’opéra. La Bohème, La Traviata ou Rigoletto sont également des œuvres qui fonctionnent bien. Une jeune femme de mon entourage est venue pour la première fois à l’Opéra lors du Cid donné à Garnier et elle m’a dit : « Maintenant, je vais regarder tous les opéras » alors que ce n’est pourtant pas un ouvrage si facile d'accès. Cela dépend des interprètes, de l’humeur de la soirée. Quand nous avons donné Le dernier jour d’un condamné à Avignon, une œuvre difficile, moderne, que personne ne connaît, une école est venue assister au spectacle. Les jeunes sont venus me voir et étaient presque choqués d’avoir aimé un opéra. Je leur ai dit : « Vous savez, ce que vous avez écouté ce soir n’est pas un opéra facile, allez voir La Bohème ou La Traviata et vous allez adorer ». Ils ont aimé parce que c’était traité d’une certaine façon, sans entracte, il y avait le message de Victor Hugo et l’époque moderne. Je ne sais pas quelle est la vraie recette mais c’est l’instant qui doit être miraculeux.
Propos recueillis par Alice de Chirac le 3 décembre 2015
À écouter : « Noël », 1 CD + 1 DVD, Decca.
Lire ou relire la première partie de l'interview de Roberto Alagna.
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