Philippe Sly : « J’ai failli m’abîmer la voix »
Philippe Sly, vous êtes actuellement en répétition pour Jephtha à l'Opéra Garnier dans la mise en scène de Claus Guth et sous la direction musicale de William Christie. Comment décririez-vous cette œuvre ?
Il s’agit du dernier oratorio de Haendel. L'intrigue y est compacte parce que l'histoire est brève dans la Bible. Haendel a toutefois changé la fin de l’histoire : un ange intervient pour sauver la fille de Jephtha, dont on ignore le sort dans la Bible, du sacrifice auquel elle est vouée. Au début, mon personnage, qui est le frère de Jephtha, est roi, mais il réalise que son peuple a perdu sa pureté vis-à-vis de Dieu et qu’il lui faut retrouver sa faveur. Il perd progressivement son pouvoir et le sens de sa vie. Le contraire se produit pour Jephtha : il y a un croisement entre les destins de ces deux personnages. Claus a utilisé cette relation comme base pour sa production, alors que ce n'est pas du tout développé dans la Bible, et il explore profondément la psychologie des personnages.
Quelle est, pour vous, la clef de compréhension de l’œuvre ?
Le thème le plus intéressant est celui du sacrifice, parce que dans un sens, nous en faisons tous dans le présent pour assurer un avenir plus joyeux, plus noble et plus honorable. L’œuvre pose la question de la nécessité et de la pertinence de ces sacrifices. L'histoire de Jephtha pousse la réflexion à l’extrême, mais d'une manière générale, il s'agit d'une idée très importante et intéressante, présente également dans la Bible, que l’on peut lire comme une théorie philosophique.
Jephtha est un oratorio : qu’est-ce que cela change ?
Dans les oratorios de Haendel, la musique du chœur est plus développée et plus séduisante que dans d'autres compositions lyriques. Chez Haendel, le chœur est dans l'oratorio un personnage très important, alors que dans ses opéras, il tient une place minime. Il y a dans ces derniers beaucoup de récitatifs accompagnés, tandis que dans l'oratorio, la musique est plus étendue. Je trouve cela mieux équilibré. Il y a de plus dans Jephtha une histoire très construite et chronologique.
Claus Guth signe la mise en scène : sera-t-elle aussi extravagante que celle de La Bohème (à découvrir ici en compte-rendu) ?
Nous suivons ici le texte d’assez près, bien que nous ne soyons pas ancrés dans une époque donnée. Nous nous focalisons sur les thèmes de l’œuvre. Nous illustrons des idées fixes, moment par moment. Cela crée de très belles images, qui s'enchaînent tel un rituel. Nous ne sommes pas vraiment dans le réalisme sans pour autant être dans un rêve. Le religieux est en retrait par rapport au caractère psychologique de l’œuvre, qui est plus exploré, avec des personnages archétypaux. Ce sera en tout cas très esthétique.
Pouvez-vous nous parler des décors de cette production ?
Le décor est très sombre, de telle sorte que les images que l'on voit sont très spécifiées. Il ne s'agit pas d'un vaste décor, mais plutôt d’images pleines d'émotions. C'est un décor simple et précis dans sa conception.
Comment s'est passé le processus d'appropriation de votre rôle et de l'œuvre de Haendel ?
Deux mois avant mon arrivée, j'ai travaillé le rôle et la musique. Ce qui compte, à la fin, c'est d'être complètement libre lorsque l'on répète. Parfois, des collègues arrivent sans être prêts. Ils ne connaissent pas la musique avec exactitude, ils ne sont du coup pas présents dans le travail de répétition. Tout au long de mon travail personnel, je croyais que mon personnage était une sorte de chaman, un prêtre, un leader religieux. Mais pour Claus, je suis davantage un roi qui n'a pas la force de s'approprier son rôle, sa responsabilité. Ce roi est quelqu'un de faible et de peureux. Cette conception du personnage a complètement changé les couleurs de mes décisions musicales lors des répétitions. Il faut donc toujours s'adapter et être complètement ouvert.
Est-ce déstabilisant lorsque le personnage ne ressemble pas à la caractérisation que l’on a travaillée ?
Quand je répète chez moi, je travaille avec différents tempi et je me donne la tâche de préparer toutes les possibilités musicales. Dans la pratique, cela ne me donne pas plus de travail. Je ne travaille pas les intentions mais seulement le plan technique et vocal. Je m’entraîne à chanter plus lentement, plus doux, plus fort, plus legato, plus staccato. Finalement, lorsque la musique nous appartient, on peut faire n'importe quoi avec. Et ce qui compte, c'est qu'elle ne nous appartienne pas dans une seule version.
Le fait d'écouter différentes interprétations enrichit-il l'interprétation ?
Oui, on réalise le potentiel de la musique. J'ai écouté six versions de Jephtha au début afin de mieux appréhender le champ des possibles, puis j’ai arrêté d’en écouter pour retrouver ma liberté d’interprétation. C'est beau d'avoir accès à tout ce matériel. À la fin, on est son propre maître, son propre professeur, et c'est à nous de décider et d'explorer.
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Vous avez déjà chanté à Garnier, dans Così fan tutte (en janvier et septembre 2017). Débuterez-vous à Bastille prochainement ?
Ce n’est pas encore prévu, mais je reviendrai de nouveau à Garnier. Le répertoire que j'ai choisi est en effet plus joué à Garnier, en particulier le répertoire mozartien.
Au mois de juin, vous retrouverez votre rôle de Don Giovanni à Lyon, dans une mise en scène de David Marton. Comment appréhendez-vous cette production ?
Je suis très heureux de faire mes débuts à Lyon, et c'est une chance de pouvoir aborder de nouveau ce rôle. Nous allons nous rencontrer avec David Marton pour discuter de la mise en scène. J'ai beaucoup de travail à faire par rapport au rôle de Don Giovanni parce que j’ai pris le rôle à Aix l’été dernier, et j'ai beaucoup appris, notamment sur la manière de survivre sur scène à ce rôle, de se sentir bien du début à la fin. Je suis passionné par le théâtre et je me laisse prendre par le jeu. À Aix, je n'avais pas assez chanté le rôle du début à la fin pour savoir à quel point il faut parfois faire des réserves. Lorsque l'on se lance sur la scène, il faut garder la tête froide mais le cœur chaud. Or, je n'ai pas encore trouvé cet équilibre. Je sais pourtant qu’il est possible d’être complètement présent dans le jeu et, en même temps, ne pas s'abîmer ni la voix ni le corps sur ce rôle. Pour chanter, il faut garder une certaine posture, un certain alignement. Or, je rentrais parfois dans la brutalité, dans la violence du geste. Ce n'est pas bien parce qu’on arrive au milieu de l’œuvre avec la voix fatiguée. À partir de là, on pense davantage à sa voix et moins au jeu, c'est vicieux. Cela m'est arrivé pour la première. Il a fallu, entre les représentations, apprendre à gérer cela : jouer pour le public tout en utilisant la représentation comme un exercice. C’était très inconfortable.
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Comment cette collaboration avec Lyon s'est-elle décidée ?
J'ai effectué une audition pour le directeur de casting il y a quatre ans. Cette audition concernait un autre rôle, Raimbaud dans le Comte Ory. Finalement, je n'ai pas chanté ce rôle-là, mais ce que j'avais fait lui avait plu et il m'a recontacté pour Don Giovanni.
L’œuvre de Mozart est au cœur de votre répertoire. Pourquoi avoir fait ce choix ?
D’abord, la pédagogie vocale conçoit actuellement le répertoire de Mozart comme étant destiné aux jeunes. Il se dit que pour apprendre à chanter, il faut chanter Mozart. En réalité, c'est un répertoire très difficile, qui offre beaucoup de possibilités d'interprétation. Nous sommes avant l'âge du bel canto, et il faut vraiment être dans le jeu. La tentation, dès lors, c'est de surjouer ou de surinterpréter, ce qui peut nuire à la vocalité si on n'est pas bien appuyé sur le souffle.
Quel serait pour vous l'élément technique essentiel à maîtriser pour aborder son œuvre ?
Pour chanter Mozart, il faut savoir chanter legato : faire en sorte que les notes soient liées les unes aux autres. C'est difficile de faire cela parce que les partitions de Mozart sont souvent véloces. Souvent, les jeunes s’abîment la voix en chantant Mozart. Souvent, ils utilisent leur interprétation théâtrale pour cacher des limites techniques.
Si pour vous, Mozart convient peu aux jeunes chanteurs, pourquoi est-il le socle de votre répertoire ?
Plus que d’un choix personnel, cet état de fait découle principalement des propositions que l’on me fait, et dont je suis content car j’aime profondément ce répertoire. C'est de l'opéra très théâtral, et cela me plaît beaucoup. C'est tellement rempli de nuances que le jeu devient très important. De plus, j'ai une certaine facilité théâtrale et une présence sur scène. Les directeurs de casting se disent que je vais pouvoir me donner et amener quelque chose au rôle qui n'est pas uniquement une voix.
Selon vous, quel répertoire vous caractériserait-il le mieux ?
Même si j'aime beaucoup Mozart, il faut équilibrer ce répertoire avec d’autres musiques. C'est pour cette raison que je chante beaucoup en récital. Les deux se complètent bien. J'ai besoin du vocalisme de l'opéra dans ma manière de chanter Schubert, mais, en même temps, j'ai besoin de la facilité des nuances chez Mozart. C'est également le cas dans le répertoire de Berlioz, que j'ai parcouru en Méphisto dans La Damnation de Faust et dans un petit rôle dans Les Troyens. Ce répertoire est plus vocal, cela me force à bien apprendre à chanter et à être ancré à la fois dans mon chant et dans mon corps. J'ai également chanté beaucoup de Haendel. J'aime beaucoup travailler son répertoire, parce qu'il soigne la voix. À chaque fois que je chante du Haendel, je réapprends à bien chanter. J'ai conscience que beaucoup de jeunes chanteurs affirment cela à propos de Mozart. Or, chez Mozart, un interprète peut mal chanter et être embauché. Dans le bel canto, si on chante mal, on ne peut pas l'être. Il y a quelque chose de truqué chez Mozart, surtout pour les barytons/basses. Dans Don Giovanni, on peut être mauvais chanteur et bon acteur, et être embauché quand même. C'est un rôle où le charisme joue énormément.
Ce Jephtha vient conclure une année où vous avez été très présent en France, en commençant par votre rôle dans Così fan tutte. Quels souvenirs gardez-vous de cette production ?
Je garde beaucoup de souvenirs. La période de répétition était très longue : elle s’était étalée sur trois mois. Nous nous étions rencontrés deux fois à Bruxelles avant les répétitions ici, et nous avions même déménagé à Bruxelles pendant une période. Anne Teresa De Keersmaeker avait beaucoup travaillé de son côté, mais à la fin, nous avons dû tout redécouvrir et retravailler ensemble. Là encore, j’étais trop dans le mouvement durant la première reprise : j’ai failli m’abîmer la voix. Il a fallu que je retrouve un équilibre dans la reprise de septembre dernier. J'ai adoré cette expérience du Così fan tutte, mais je trouve que malgré ces deux reprises, nous n'avons pas encore fini le travail. Il manque encore une dramaturgie : nous n’avons eu le temps que de compléter la chorégraphie. J’aurais aimé avoir une relation plus intime avec mon danseur : nous n’avons pas eu le temps de le travailler assez à mon sens. Il faut dire qu'il y a dans chaque projet toujours d’avantage a travailler et à découvrir !
Va-t-il y avoir une nouvelle reprise ?
Oui. Elle a été proposée à l’ensemble de la distribution. J'ai accepté d'y chanter, mais je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres artistes.
Pensez-vous que cette reprise vous permettra d’aller plus loin que la première ?
Oui. Il nous faudra créer à la fois une poésie lyrique et une chorégraphie à Garnier, reprenant ainsi les inscriptions du fronton. Je sais que nous pouvons faire les deux et retirer le meilleur des deux mondes. À mon sens, la clef est dans la relation entre le chanteur et le danseur qui le représente.
Vous évoquiez votre participation au concert des Troyens à Strasbourg (compte-rendu du concert à découvrir ici), dont la distribution était impressionnante. Comment l'avez-vous rejointe ?
Alain Lanceron, le Président de Warner Classics, m’avait proposé à John Nelson [le chef d'orchestre, ndlr]. Ce dernier m'a présenté le projet par Skype et m'a un peu mis la pression. Mais après la première journée de travail il était soulagé.
Il y a un CD qui a été édité de cette prestation (dont vous trouvez le compte-rendu ici). L'avez-vous entendu ?
Je n'ai pas encore tout écouté, mais j'ai pu sentir que l'énergie des représentations avait été conservée. La qualité du son est également très bonne, sans que nous ayons eu à refaire de nombreux patchs [petites séances ultérieures d'enregistrement en studio pour améliorer certaines parties, ndlr] : j'ai horreur des opéras qui sont trafiqués. J’en suis très content et je suis satisfait de ma performance.
Que retenez-vous de cette expérience ?
Pour moi, cet opéra était une découverte. La première fois que je l'ai écouté dans son intégralité, c'était pendant la première représentation. Il y avait des moments où la musique m'étonnait. J'ai entendu beaucoup de références à Indiana Jones, à Star Wars. Je me suis rendu compte à quel point Les Troyens avait influencé ces compositeurs de musiques de films. Lors de l'air des Nubiens, on se demande d'où sort cette espèce d'orientalisme typique du XIXe siècle. C'était vraiment impressionnant. Il y a tant de couleurs dans cette œuvre. Je retiens aussi la découverte de Michael Spyres. C’est un ténor fantastique et il est très gentil : c'est une belle personne.
Quels souvenirs gardez-vous de l'ambiance du Festival d'Aix-en-Provence ?
C'était très bien, mais j'étais tellement dans ma bulle que je n'ai pas vu un seul spectacle et n’ai donc pas trop profité de l’ambiance du festival. J'avais la tête dans mon travail [découvrez ici notre compte-rendu de la production, ndlr]. Après chaque représentation je me listais les points à travailler et les nouveaux buts à accomplir pour la représentation suivante. Jean-François Sivadier [le metteur en scène, ndlr] venait à chaque représentation, et je lui demandais une heure avant mon maquillage de me donner son retour sur la précédente. Ainsi, avant chaque représentation, je le rencontrais et nous discutions pendant une heure. Et aujourd'hui encore, je trouve que j'ai à peine commencé à travailler ce rôle. Ces discussions sont pour moi les souvenirs les plus marquants du festival.
Cette prise de rôle à Aix vous a-t-elle mis la pression ?
C'est un rôle qui est assez mythique dans notre milieu. Souvent les gens me disaient que j'étais trop jeune pour l'incarner. Cependant, Jean-François voyait en Don Giovanni l’œuvre du jeune Mozart conçue à partir du livret du jeune Da Ponte. La pression que j'ai ressentie ne m'était pas imposée de l'extérieur mais plutôt par moi-même. Ce n'est qu'après le début des représentations que j'ai ressenti cette pression-là.
Le fait de prendre ce rôle à Aix, qui est une scène très visible sur le plan international, vous a-t-il surpris ?
J'étais très surpris parce que j'avais seulement 28 ans : on m'a proposé le rôle quand j’avais 25 ans. Ce choix m'a étonné. Il s'explique par le fait que la précédente production de Don Giovanni était un Don Giovanni beaucoup plus âgé. Ils souhaitaient faire l'inverse. Jean-François leur a soumis l'idée, et ils ont accepté un Don Giovanni plus jeune. J'étais là au bon moment.
Lorsque vous avez un peu de temps entre deux productions, quelles sont vos occupations ?
Il y a les choses que j'aime faire et les choses que je dois faire. D'abord, je dois rester actif sur le plan physique. Je fais beaucoup de natation et j'aime beaucoup l'escalade, les randonnées en montagne et le camping. À côté de cela, j'adore faire à manger et faire du pain au levain. À Aix, par exemple, pendant Don Giovanni, j'étais très heureux parce que j'avais un four à ma disposition. Je faisais du pain tous les matins et j'en apportais à mes collègues, c'était un petit rituel.
Au-delà de ces projets, de quoi la suite de votre saison sera-t-elle faite ?
J’ai un projet que je produis moi-même. Il s’agit de Winterreise avec un ensemble Klezmer, et qui sera mis en scène par Roy Rallo, qui travaille à l'Opéra de San Francisco. Nous aimions l'idée de cet ensemble de trombones, de violons, d'accordéons et de clarinettes. Dans la musique de Winterreise, il y a le thème connu de l'étranger. Il m'a fait penser au juif Ashkénaze et à la culture tzigane. Ces éléments sont présents dans cette musique. Les musiciens sont sur scène, jouent sans partition et font partie de la mise en scène autant que moi. Nous allons créer le spectacle en co-production au Domaine Forget au Québec et à la Ferme de Villefavard en Limousin. Après, nous allons le produire a l’Opéra de Rouen et à l'Opéra de Vichy, parce que Martin Kubich, qui travaillait à la Ferme, est maintenant dans cette maison. J'ai bien travaillé Winterreise, avec beaucoup de pianistes et de chanteurs. Les arrangements sont terminés et nous pouvons maintenant répéter. Nous avons deux semaines pour explorer l’œuvre et pour créer quelque chose.
Avez-vous des prises de rôles prévues la saison prochaine, ou des débuts dans de nouvelles maisons ?
Effectivement, je ferai mes débuts à l'opéra de Hambourg. Il y aura ensuite le Canadian Opera Company de Toronto, puis j'irai à Dallas et à Los Angeles. Je reviendrai également à Garnier. En réalité, je fais beaucoup de concerts mais peu d'opéras : je n'aime pas faire plus de trois productions par an. Par ailleurs, je vais chanter dans quatre œuvres contemporaines au cours des quatre prochaines années. Il s’agira à chaque fois de créations majeures dans de belles maisons : je suis ravi qu’on pense à moi pour ce type de projets.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune chanteur lyrique ?
Comme musicien, je trouve que le plus difficile est de se trouver dans un état de calme absolu mais où tout est possible : il faut être complètement vide et à l'écoute. Pour bien chanter, il faut savoir se relâcher en restant dans un état de grande attention. Trouver cet état-là est difficile parce qu'on veut tellement montrer de l'émotion, qu'on se perd parfois dans ce qu'on projette. Dans cet état-là, le chant se fait tout seul parce que le corps sait comment chanter. C'est dans cet état de vide que le souffle se fait naturellement, tout seul. L'inspiration de l'idée et l'inspiration du souffle sont liés : on peut se trouver dans un présent éternel.