Wozzeck à Monte-Carlo : le Tambour-Major
Après avoir présenté Wozzeck qui donne son nom au drame, et son enfant qui donne sa vision à la mise en scène de Michel Fau, nous abordons la galerie des terribles personnages qui plongent le protagoniste tourmenté dans l’horreur : le Capitaine, le Médecin et avant cela le Tambour-Major. Bien entendu, ce personnage de Tambour-Major a été pensé par Michel Fau en cohérence avec le principe de sa mise en scène : “Comme tout l'opéra est mis en scène vu par l'enfant de Marie qui est en permanence sur le plateau, Marie est une poupée qui va se briser, et le Tambour-Major est un soldat de plomb fantasmagorique. Büchner (l’auteur de ce drame) nous raconte que l'être humain est souvent caricatural : les personnages ressemblent presque à des marionnettes, à des automates. Le Tambour-Major est ainsi et très provocateur, dévastateur car il agresse physiquement Marie et Wozzeck. Ce n'est qu'un personnage négatif (c'est pour cela que ce théâtre n'est pas réaliste et quotidien mais figuraliste, allégorique).”
C'est le ténor américain Daniel Brenna qui incarnera à Monaco ce rôle et nous le présente : “Dès sa première entrée, le Tambour-Major est admiré par Marie et Margret (la femme de Wozzeck et son amie) alors qu'il défile dans la ville avec, comme son nom l'indique, un rythme de marche joué sur des tambours et des cymbales. Marie et le Tambour-Major flirtent durant leur rencontre, elle le compare à un taureau et à un lion, mais c'est aussi un paon. Il est très confiant dans son apparence, sa stature et il se sent en droit d’obtenir cette admiration, mais ensuite il va pousser les choses plus loin que Marie ne l'avait apparemment prévu. Elle cède toutefois, ne pouvant repousser ses avances. Cela rappelle un peu Brünnhilde cédant à Siegfried dans le duo du « faux Gunther » (Le Crépuscule des Dieux de Wagner). Brünnhilde capitule en disant : « comment aurais-tu pu te défendre, misérable femme », Marie cède aux avances agressives du Tambour-Major en disant en substance : « je m’en moque, c’est égal ».
Le Tambour-Major donne à Marie des boucles d'oreilles qui créent beaucoup de tension domestique avec Wozzeck. Ce dernier affiche pourtant sa relation avec la femme de Wozzeck jusqu’au point où Wozzeck devient un voyeur de la relation entre sa femme et l'amant. Ivre d'alcool et de domination physique, le Tambour-Major réveille la caserne pour réprimander Wozzeck avec des récits de sa conquête de Marie et chantant « Je suis un homme » (alors que Wozzeck chante « Je suis un pauvre diable »), insinuant le manque de confiance en soi de Wozzeck. Il décrit avec lascivité son intrigue amoureuse passionnée et lorsqu'on lui demande son nom, le Tambour-Major répond simplement « Demandez à Wozzeck », forçant l'homme moqué à boire de l'alcool et à siffler.
Je trouve que le rôle du Tambour-Major est extrêmement bien écrit vocalement, il fait vraiment du bien à chanter. Pour moi, le plus difficile est de siffler en buvant (de l'eau) dans l'air d’ivresse. La musique du Tambour-Major est à l'image de son personnage : séduisante, mélodieuse, angulaire et agressive, bien adaptée à un heldentenor.”
Nos prochains épisodes poursuivent la présentation des personnages par leurs interprètes et Rendez-vous est pris les 25, 27 et 29 mars 2022 pour l'entrée de Wozzeck au répertoire de l'Opéra de Monte-Carlo.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Wozzeck
2. L'Enfant
3. Le Tambour-Major
4. Le Capitaine et le Médecin
5. Andres
6. Marie et Margret
7. Les deux ouvriers
8. Le Fou
9. Le Chœur
10. L’Orchestre