En Bref
Création de l'opéra
Après Siroe (1728) et un an avant Ezio (1732), Poro, re delle Indie (1731) est considéré comme le meilleur des trois opéras de Haendel composés sur un livret de Metastasio. Il s’agit en l’occurrence du texte conçu initialement pour le compositeur napolitain Leonardo Vinci sous le titre Alessandro nell'Indie. Quelques mois après Haendel, Johann Adolph Hasse devait lui aussi présenter, à Dresde, sa propre mise en musique du texte, cette fois-ci intitulée Cleofide.
Considérablement raccourci et adapté de manière à satisfaire les goûts plus « shakespeariens » du public londonien, adepte du mélange des genres et de la complexité psychologique, l’ouvrage de Haendel avait été, avec ses 16 représentations, un des grands succès de la saison 1730-1731. Redonné plus tard dans l’année, au mois de décembre, puis considérablement modifié pour une reprise en 1736, la version de Haendel met en effet davantage l’accent sur la relation Poro/Cleofide et notamment sur les faiblesses humaines de Poro, en proie au désespoir et aux affres de la jalousie, que sur l’héroïsme, la clémence, la générosité et la grandeur d’âme d’Alessandro. C’est cet aspect que la version de Vinci, le premier des 60 compositeurs à avoir écrit de la musique sur ce livret, avait mis en avant en 1729.
Clés d'écoute de l'opéra
Le livret tel qu’il fut réécrit pour Haendel par un auteur anonyme n’est pas de la plus grande clarté, et sans doute fallait-il compter sur la connaissance par le public anglais de l’histoire antique et des sources françaises de Metastasio, dont Claude Boyer et Racine, pour suivre et comprendre une action passablement complexe, fondée sur un certain nombre de feintes, déguisements, erreurs de jugements et rebondissements multiples. Malgré ses défauts structurels, avec notamment des redites comme les scènes de jalousie de Poro, l’opéra n’est pas sans contenir de nombreuses pépites musicales, voire quelques idées de génie. Tel est le cas par exemple du très ironique duo de la fin du premier acte – le premier des trois duos entre Poro et Cleofide –, où chacun des deux protagonistes reprend sur le ton du sarcasme l’incipit d’un air chanté préalablement par l’autre personnage. L'orchestration est riche et variée, comme le montrent par exemple les deux cors et flûtes à bec qui accompagnent l’air de Poro « Senza procelle ancora » ou le solo de flûte de l’air d’Erissena « Son confusa pastorella », sans compter, comme souvent chez Haendel, l’intensité des sentiments humains.
Pour tous ces airs, il faut évidemment des interprètes triés sur le volet afin de rendre justice à une musique composée autrefois pour les plus grands chanteurs de l’époque. Le succès de Poro en 1731 avait notamment été attribué au retour à Londres du castrat Senesino, quelques mois avant que ce dernier ne quitte Haendel pour rejoindre la compagnie rivale où œuvrait également le grand Farinelli. Les autres rôles étaient chantés par Anna Maria Strada del Pò, la créatrice plus tard du rôle d’Alcina, les mezzo-sopranos Antonia Merighi (Erissena) et Francesca Bertolli (Gandarte) et surtout le grand ténor Annibale Piò Fabbri dans le rôle d’Alessandro, une des premières fois où un rôle masculin de premier plan n’était pas tenu par un castrat.