En Bref
Création de l'opéra
La première des Rheinnixen (version allemande des Fées du Rhin dont la version originale française ne sera créée qu’en 2018 à l’Opéra de Tours) remporte un grand succès à Vienne le 4 février 1864, où l’œuvre est jouée en présence de l’empereur François-Joseph. Pourtant, la version présentée au public est très éloignée du projet initial, le compositeur ayant dû effectuer d’assez nombreuses coupures, notamment dans le rôle de Franz, le ténor Alois Ander, tombé malade (il souffrait de troubles mentaux et mourut à la fin de cette même année 1864) s’étant montré dans l’incapacité d’apprendre la totalité de sa partie. Le célèbre critique musical Eduard Hanslick, dans Die Presse, déplore certaines invraisemblances et maladresses du livret (invraisemblances au demeurant accentuées par les coupes auxquelles il avait fallu procéder), mais admire la musique : il loue 15 morceaux sur les 24 que comporte la partition et rapproche l’œuvre du Grand opéra français, façon Halévy ou Meyerbeer. L’opéra ne sera malheureusement jamais monté en France du vivant d’Offenbach.
Les Fées du Rhin dans l’œuvre d’Offenbach
En 1864, Offenbach a déjà connu le triomphe d’Orphée aux Enfers (1858), et s’est produit deux fois dans des salles d’envergure : à l’Opéra de Paris, pour la création (couronnée de succès) de son ballet Le Papillon (1860) et à l’Opéra Comique (avec Barkouf, un échec, en 1860). Quelques mois après Les Fées du Rhin, La Belle Hélène est créée aux Variétés (décembre 1864). Moins de dix ans plus tard (dès 1863), le compositeur songe à la composition d’un opéra fantastique d’après les Contes d’Hoffmann.
Clés d'écoute de l'opéra
Pour qui ne connaît que les opéras-bouffes d’Offenbach, l’œuvre étonne par son envergure, son style, le raffinement de son orchestration, l’inventivité de son écriture. Outre le Grand opéra français auquel Hanslick le compare, elle regorge d’échos semblant provenir de Weber, Mendelssohn, ou Schubert – tout en conservant certaines couleurs typiquement offenbachiennes et en déployant l’inépuisable inspiration mélodique qui caractérise le musicien français (d'origine allemande). Certaines mélodies, immédiatement séduisantes, sont construites selon un schéma attendu (de type couplet/refrain, tels les deux airs d’Armgard au premier acte). D’autres font preuve, dans leur écriture, d’une modernité étonnante. Tel est le cas dans le premier air de Franz, véritable scène de folie au masculin, où le trouble mental du personnage est admirablement suggéré par la musique. Les lignes y sont éthérées, jouées par les violons et les bribes de mélodies avortées chantées par le personnage.
Ayant abandonné très vite l’espoir de voir son opéra repris, Offenbach réutilisa plusieurs morceaux des Fées du Rhin dans des œuvres ultérieures en les adaptant à leur nouveau contexte :
- la chanson à boire de Conrad au premier acte deviendra l’air d’Hoffmann dans l’acte de Giulietta des Contes : « Amis, l’amour tendre et rêveur » ;
- l’air des cloches chanté par Conrad au troisième acte deviendra celui de Spark dans Fantasio (acte I) ;
- enfin, le chant des Elfes du troisième acte (entendu également dans l’ouverture) deviendra la fameuse barcarolle des Contes d’Hoffmann.
En outre, la célèbre valse entendue dans le ballet de l’acte III provient du Papillon, créé salle Le Peletier quatre ans avant Les Fées du Rhin.