L'Opéra aux USA
L'Histoire de l'Opéra aux États-Unis remonte au XVIIIe siècle. Ce genre populaire en Europe est importé du "Vieux" vers le "Nouveau" Continent et la première représentation d'Opéra documentée outre-Atlantique se déroule ainsi le 22 mai 1796 à la Nouvelle Orléans : l'opéra-comique français Sylvain créé par André Grétry et Jean-François Marmontel en 1770 à l'Opéra Comique de Paris inaugure ainsi la tradition de faire voguer des œuvres à travers l'Atlantique, parfois même avec les interprètes, décors et costumes.
Le Théâtre d'Opéra de la Nouvelle Orléans devient ainsi l'épicentre nord-américain de l'art lyrique à travers le XIXème siècle, proposant des œuvres (presque) chaque année et accueillant de facto les créations américaines de grands opus français et italiens (composés par Méhul, Isouard, Dalayrac, Boieldieu, Giovanni Paisiello, Verdi, Rossini, Bellini). En 1919, l'Opéra de la Nouvelle Orléans pousse la similarité avec les maisons européennes jusqu'à être détruit par les flammes, comme la plupart des théâtres le furent. Il renaît de ses cendres en 1943 et accueille à nouveau les grands noms de l'art lyrique, y compris les interprètes et des productions du Metropolitan Opera. Le Met de New York fondé en 1883 avait déjà pris la prééminence nationale à New Orleans, ainsi qu'à l'Académie de Musique de New York City (ouverte en 1854), avant de devenir une référence mondiale. Les salles d'opéra se sont diffusées à travers le pays et le continent, accueillant des œuvres classiques et contemporaines venant d'Europe, mais stimulant aussi la création d'un répertoire national. Les compositeurs américains puisent dans un large panel de styles, à l'image de leur continent, s'inspirant de références européennes, mais aussi de comédies musicales, réunissant les esthétiques, par exemple avec Gershwin (Porgy and Bess) ou Bernstein (West Side Story).
Le Vieux Continent a, en contre-partie, également manifesté de longue date son attrait pour le Nouveau Monde : plusieurs opéras du répertoire composés par des européens mettent ainsi en scène des personnages américains (Madame Butterfly), se situent dans un lieu typiquement américain (La Fanciulla del West) ou font même un voyage (tragique) transatlantique (Manon, qui finit d'ailleurs à La Nouvelle Orléans). Les compositeurs américains se sont aussi emparés du genre, en s'appuyant sur l'histoire, le patrimoine et les courants esthétiques novateurs de leur nation et de sa relativement courte histoire. Dans un geste réciproque, les compositeurs américains traitent à leur tour de leur propre voyage, avec l'émigration vers les États-Unis (encore récemment mise en musique avec Morning Star, opéra créé par Ricky Ian Gordon à Cincinnati en 2015) et un opus boucle même la boucle en étant créé en 1930 à Francfort : Transatlantic, grand opéra de George Antheil. L'opéra américain s'inspire du répertoire, comme avec Leonora! qui n'est ni l'opéra de Beethoven, ni celui de Ferdinando Paër sur la même histoire, ni le personnage du Trouvère ni celle de La Force du destin mais l'œuvre de William Henry Fry (1813-1864).
Les compositeurs tracent les liens avec l'Europe et l'Antiquité, modernisant des mythes et les transposant aux USA : Susannah (de Carlisle Floyd en Floride, 1955) est l'histoire antique de Suzanne accusée d'avoir séduit des vieillards, cette fois dans le Tennessee. L'opéra des USA immortalise des moments de l'histoire contemporaine, tels les premiers hommes à marcher sur la lune (dans Man on the Moon c'est l'anglais Jonathan Dove qui rend ici hommage aux Yankees pour un opéra télévisé en 2006) ainsi que les héros américains, icônes musicales et sportives : Charlie Parker's Yardbird opéra sur le jazzman (du suisso-américain Daniel Schnyder à Philadelphie en 2015), Champion de Terence Blanchard (créé dans le Misouri en 2013) sur le boxer Emile Griffith, ou encore The (R)evolution of Steve Jobs créé par Mason Bates à Santa Fe en 2017. Philip Glass s'est imposé comme un compositeur capital dans l'histoire de la musique, notamment pour son intérêt envers des figures historiques : Einstein (on the beach), Akhnaten, Gandhi, mais aussi La Belle et la Bête, Orphée, ou dans le registre littéraire Le Procès de Kafka.
Les classiques de la littérature américaine sont adaptés au cinéma mais également à l'opéra :
- The Scarlet Letter (La Lettre écarlate, roman publié par Nathaniel Hawthorne en 1850) a inspiré un opéra wagnérien créé par Walter Damrosch à Boston en 1896 et un autre opéra créé par Lori Laitman dans le Colorado en 2016.
- Moby-Dick (roman de 1851 signé Herman Melville) devient un opéra créé par Jake Heggie à Dallas en 2010.
- The Great Gatsby (roman publié par F. Scott Fitzgerald en 1925) inspire un opéra à John Harbison créé au Metropolitan Opera House de New York en 1999.
- Of Mice and Men (Des Souris et des hommes, d'après le roman de John Steinbeck, 1937) est adapté -texte et musique- par Carlisle Floyd pour Seattle en 1970.
- The Grapes of Wrath (Les Raisins de la colère de John Steinbeck écrit en 1939) devient un opéra de Ricky Ian Gordon créé dans le Minnesota en 2007.
La littérature continue d'inspirer l'opéra via le cinéma jusqu'à nos jours. Marnie (d'après le roman écrit par Winston Graham en 1961 et qui a inspiré Hitchcock) est créé en opéra en 2018 par Nico Muhly au Met. The Shining (roman publié par Stephen King en 1977) a inspiré un film à Stanley Kubrick en 1980 puis un opéra créé par Paul Moravec dans le Minnesota en 2016. Brokeback Mountain composé par Charles Wuorinen d'après la nouvelle écrite par Annie Proulx en 1999 (qui a inspiré un célèbre film en 2005). L'opéra a été commandé pour le New York City Opera par Gérard Mortier qui l'a fait monter à Madrid en 2014.
Le cinéma américain inspire également des compositeurs européens, comme Sophie's Choice (Le Choix de Sophie, film d'Alan J. Pakula d'après le roman de William Styron) sur lequel Nicholas Maw crée un opéra à Londres en 2002.
Comme en Europe de fameuses pièces de théâtre sont mises en musique, tel A Streetcar Named Desire (Un Tramway nommé désir d'après la pièce de Tennessee Williams datant de 1947) qui devient un opéra composé par André Previn pour San Francisco en 1995.
L'opéra américain élargissant ses sources d'inspiration dans la modernité d'enjeux actuels, l'art puise aussi dans les faits de société, les injustices et affaires judiciaires ayant défrayé la chronique : The Central Park Five est ainsi composé par Anthony Davis pour Long Beach en 2019 sur une tristement célèbre et injuste histoire d'agression.
Les Hommes Politiques inspirent aussi le genre lyrique : Harvey Milk (activiste et homme politique élu à San Francisco, assassiné en 1978) devient le héros d'un opéra créé par Stewart Wallace à Houston en 1995. Même les juges de la Cour Suprême montent sur scène avec Scalia/Ginsburg opéra-comique créé par Derrick Wang en Virginie en 2015, peu avant la mort de ces deux juges de la Cour Suprême.
Les Présidents Américains ont d'ailleurs également été représentés à l'Opéra. Thomas Jefferson (3ème Président des USA) dans Jefferson & Poe: A Lyric Opera créé par Damon Ferrante à Baltimore en 2005. Le 6ème Président, John Quincy Adams, est un avocat de tessiture basse dans Amistad (Chicago, 1997) où le 8ème Président Martin Van Buren est ténor. John Quincy Adams devient ténor dans l'opéra de Virgil Thomas The Mother of Us All (Columbia University, 1947). Les 17ème et 18ème Présidents (Andrew Johnson et Ulysses S. Grant) font également de brèves apparitions dans cet opus. Abraham Lincoln (16ème Président) tient un petit rôle aux côtés d'Ulysses S. Grant dans Appomattox (San Francisco, 2007) de Philip Glass, consacré aux derniers jours de la Guerre Civile. Lincoln chante également la partition de Philip Glass dans l'œuvre collective en 5 parties The Civil Wars: A Tress is Best Measured When It Is Down (Minneapolis, 1984). Dans The Ballad of Baby Doe de Douglas Moore (créé dans le Colorado en 1956) le 21ème Président Chester A. Arthur chante lors d'une noce. Harry Truman (33ème Président) et Lyndon B. Johnson (36ème) sont dans Nightingale: The Last Days of James Forrestal du nom d'un Ministre de la Défense dont l'œuvre retrace les derniers jours (un opéra créé par Evan Hause en 2002 à Houston). John F. Kennedy (35ème Président) revient en esprit à la fin de Jackie O., opéra consacré à Jacqueline Kennedy Onassis, créé par Michael Daugherty à Houston en 1997.
Nixon in China est l'une des œuvres les plus importantes du catalogue lyrique moderne, traitant d'un fait politique majeur. L'opéra est créé à Houston en 1987 par John Adams qui signe sept autres opéras dont Girls of the Golden West créé à San Francisco en 2017 à ne pas confondre avec The Girl of the Golden West (traduction américaine de La Fanciulla del West créée par Puccini au Met en 1910). Poursuivant le traitement de la Guerre Froide sur les planches, Ronald Reagan (40ème Président) est à l'affiche de deux opéras : Mulroney d'Alexina Louie (film de 2011) et Wallenberg d'Erkki-Sven Tüür. Le Président Donald Trump a bien entendu inspiré l'art lyrique, dans de nombreuses mises en scène où il est apparu en vidéo, il a également prêté son apparence au libertin Duc de Mantoue (à Linz et Seattle), au riche Baron Ochs du Chevalier à la Rose qui épouse une jeune et belle femme (à Melbourne) ou encore dans l'opéra cantonais Trump on Show.
Les Vice-Présidents ont aussi été incarnés dans des opéras : Aaron Burr (3ème Vice-Président des USA, durant le premier mandat de Thomas Jefferson) dans The Man Without a Century de Walter Damrosch (créé au Met en 1937). Le débat entre Joe Biden et Sarah Palin (candidats à la Vice-Présidence en 2008) inspire à Curtis K. Hughes Say It Ain’t So, Joe : opéra créé dès l'année suivante à Boston.