Le Festival de Brégence, au-delà du spectaculaire
Né en 1946, le Festival de Brégence (Bregenzer Festspiele) est un corps à deux têtes. Lové entre la Suisse et l’Allemagne, il prend ses quartiers sur les rives autrichiennes du lac de Constance de la mi-juillet à la mi-août et se partage essentiellement entre sa scène lacustre (Seebühne) et le Palais des festivals (Festspielehaus). La première est une scène aménagée sur les bords du lac et dont les gradins permettent à 7000 spectateurs de contempler l'opéra depuis la rive, tandis que la seconde est une salle de concert traditionnelle d'une capacité de 1700 sièges installée à proximité. Deux opéras sont programmés chaque année pour le festival : l'un, populaire, à la Seebühne, et l’autre, plus rare, servi par une distribution ciselée au Palais des Festivals. Étant donnés l’importance, la complexité et le coût des décors qu’elle accueille, la Seebühne fonctionne sur un rythme biennal : le même opéra y est joué deux années de suite.
Les gradins de la Seebühne à droite et le Palais des Festivals en arrière-plan. © Bregenzer Festspiele / Anja Köhle
Pour aller au-delà du spectaculaire, les décors de Brégence nécessitent une technologie de pointe. La structure de base de la Seebühne est soutenue par des immenses piliers ancrés dans le fond du lac et les décors édifiés dessus peuvent aller jusqu'à une trentaine de mètres de hauteur. Afin qu'elle soit viable, cette prouesse technique nécessite une collaboration étroite entre les architectes et les techniciens, qui doivent étudier l'intégralité de la structure au regard des nombreuses contraintes environnantes : la construction doit être respectueuse du lac, tout en étant résistante aux vents, à l’humidité et aux intempéries, le tout durant deux ans. L'exercice est donc périlleux et la moindre erreur peut être fatale pour l'ensemble des décors, qui mettent environ six mois à être érigés. Au final, ce long travail offre un résultat extraordinaire à l’échelle renversante.
Outre l’ingéniosité des décors, il faut également saluer la performance réalisée par les interprètes, les musiciens et les costumiers. Les interprètes doivent chanter en plein air malgré les aléas météorologiques fréquents du territoire transalpin, sur des décors d'une hauteur démentielle, mobiles et évolutifs, desquels il n'est pas impossible de tomber à l’eau. Si le cas reste rarissime, en août 2013 pour La Flûte Enchantée, trois chanteurs et un figurant étaient accidentellement tombés à l'eau, dont Kathryn Lewek (La Reine de la Nuit) qui s'était exprimée alors à l'époque via Twitter : "Mon contrat pour Bregenz stipulait que je ne devais pas être effrayée d'évoluer en hauteur et d'être en bonne forme physique - mais rien sur le fait de nager !". Pour Aïda, les figurants étaient même appelés à simuler une noyade !
Katryn Lewek incarnait La Reine de la Nuit dans la Flûte enchantée en 2013 © Bregenzer Festspiele - Karl Forster
Les costumiers doivent ainsi étudier les formes et les matières des costumes pour faciliter la tâche des interprètes, ainsi que les protéger de l’humidité et des possibles intempéries. Un système retransmettant le son de manière instantanée permet à l’Orchestre symphonique de Vienne -en résidence depuis 1946-, de s’exécuter dans le Palais des festivals. Depuis 2006, celui-ci joue à l’abri et un écran géant permet au public de visualiser le chef d’orchestre. Pléthores de haut-parleurs sont disposés près du public pour amplifier le son et restituer le plus parfaitement possible l’intensité et la localisation des voix. En tant que spectateur, pensez à bien vous équiper pour assister le plus confortablement possible à une représentation. Les parapluies sont interdits à Bregenz, alors mieux vaut prévoir un bon imperméable !
Retrouvez nos présentations des éditions depuis 2004 :
2004 - West Side Story de Bernstein
2005 & 2006 - Le Trouvère de Verdi
2007 & 2008 - Tosca de Puccini
2009 & 2010 - Aida de Verdi
2011 & 2012 - Andrea Chénier de Giordano
2013 & 2014 - La Flûte enchantée de Mozart
2015 & 2016 - Turandot de Puccini
2017 & 2018 - Carmen de Bizet, présentation et compte-rendu
2019 & 2021 - Rigoletto de Verdi
2022 & 2023 - Madame Butterfly de Puccini
2024 & 2025 - Der Freischütz de Carl Maria von Weber