Stabat Mater de Rossini au TCE : la religion de l'Opéra
Les Italiens sont incapables de composer de la musique authentiquement religieuse : tel est l'un de ces lieux communs proférés tout au long du XIXe siècle. Rossini vient toutefois nous offrir l'un des plus éloquents contre-arguments qui soient : son Stabat Mater. Certes, le compositeur fut l’un des premiers à s’émanciper des contraintes de la liturgie, mais il le fit pour donner naissance à une musique sacrée plus "populaire", puisant dans le langage de ses opéras. Cette composition tardive illustre un changement d’orientation du compositeur qui a commencé à s’intéresser à la musique sacrée et à l’écriture a cappella à la fin de sa vie. Il en résulte une œuvre composite qui ne manqua pas d’influencer un autre compositeur italien : Verdi, pour son Requiem.
Pour interpréter ce Stabat Mater, l’Orchestre National de France est dirigé de façon énergique et démonstrative par le chef d’orchestre américain James Gaffigan. Les tempi rapides, l’extériorité de l’interprétation et les pauses entre les numéros donnent à cette œuvre une certaine théâtralité, et même une théâtralité certaine. Le Chœur de Radio France excelle, emplissant le Théâtre des Champs-Élysées de sonorités homogènes et amples, sert majestueusement la force chorale de l’œuvre notamment dans l’introduction et le final.
L’écriture musicale réservée aux quatre solistes illustre les différents styles utilisés par Rossini : ils peuvent briller dans des airs très opératiques (Cujus animam) et chanter dans un style plus contrapuntique en quatuor a cappella (Quando corpus morietur). Les quatre solistes marient merveilleusement leurs voix dans un souci d’équilibre et d’expressivité.
Paolo Fanale, ténor à la voix italienne par excellence avec des voyelles très claires et un timbre très concentré dans le masque, chante "Cujus animam" avec la vitalité de sa jeunesse. Sa voix homogène exécute sans difficulté les grands intervalles de cette ligne, qui n’est pas sans rappeler les airs de bravoure des opéras rossiniens. Son aisance est aussi remarquable dans les aigus, notamment ceux de la cadence finale chantés à pleine voix.
Nahuel di Pierro (© Alvaro Yanez)
Nahuel Di Pierro, basse, est remarquable dans le "Pro peccatis". Sa voix est d’une beauté incomparable sur toute la tessiture, son timbre bien défini, sa voix puissante, son phrasé généreux. Sa présence vocale s’adapte aussi bien quand il chante en solo que lorsqu’il réalise la basse du quatuor vocal. Roxana Constantinescu, remplaçant au dernier moment la mezzo-soprano Varduhi Abrahamyan (qui remplaçait elle-même Sarah Connolly), est très touchante : de par sa belle voix, sa posture légèrement penchée sur le côté, son attention vers la soprano pendant le duo et sa façon de vivre la musique quand elle est assise sur sa chaise. Si son air manque quelque peu de puissance dans le grave, ses aigus sont brillants et son timbre chaud est réconfortant dans le duo "Quis est homo".
Patrizia Ciofi (© Studio Harcourt)
Enfin, l’intensité dramatique de Patrizia Ciofi trouve largement sa place dans "Inflammatus et accensus". Les aigus sont projetés et sonores, elle accompagne son chant de gestes et d’expressions évoquant un rôle dramatique. Cependant la voix semble quelque peu fatiguée et légèrement voilée dans le médium.
L’enthousiasme du public du Théâtre des Champs-Élysées ne fait pas pâle figure comparé au triomphe que reçut l’œuvre lors de sa création à Paris en 1842 !
Réservez ici vos places pour voir et entendre Patrizia Ciofi dans Viva la mamma de Gaetano Donizetti à l'Opéra national de Lyon.