Légendes en héritage au Nouveau Siècle de Lille
Outre son active présence en région Hauts-de-France, l’Orchestre national de Lille entretient une riche dynamique d’échanges avec ses amis transfrontaliers, belges et hollandais. Après avoir été invités l’année dernière au Muziekcentrum De Bijloke de Gand, c’est à son tour de proposer à l’Orchestre Symphonique des Flandres de rencontrer son chaleureux public, au Nouveau Siècle de Lille. La cheffe principale de l’orchestre flamand, l’Estonienne Kristiina Poska, propose un programme alliant deux œuvres mêlant chœur et orchestre de manière saisissante.
La première partie fait donc découvrir les huit mouvements du « Cahier de Kreek », adaptation, écrin chorale et orchestral réalisé en 2007 par le compositeur estonien Tõnu Kõrvits à partir d’hymnes extraits d’un recueil de mélodies populaires collectées par le compositeur Cyrillus Kreek. De quoi préserver et revivifier une partie du passé culturel et musical (pré-Soviétique) de l’Estonie.
Tout en préservant une certaine unité, le compositeur use habilement, avec une certaine simplicité et un sens de l'équilibre, de couleurs harmoniques – parfois sur plusieurs modes – et d’effets de timbre (pizzicati ou harmoniques : constituant à faire résonner les aigus naturels d’une note). L’orchestration apporte ainsi des couleurs légères nécessitant une grande précision, notamment dans la justesse, ce que lui offrent sans heurts les vingt-quatre artistes du Chœur de chambre philharmonique d’Estonie. Leur homogénéité et leur précision leur permettent de proposer de caressantes mélodies tandis que l’Orchestre Symphonique des Flandres les accompagne avec de moelleux mais efficients effets de nuances.
Pour cela, ils peuvent compter sur la direction droite et précise de Kristiina Poska, dont la gestuelle n’est pas moins souple et particulièrement maîtrisée dans les élans du c(h)œur. Ses qualités se confirment dans le Requiem de Mozart et notamment ses passages fugués ainsi que le Lacrimosa, mais le texte et les phrasés manquent de contraste. Du côté de l'orchestre, les cordes ne parviennent pas à saisir les propositions plus incisives des vents.
Parmi le quatuor de solistes, la soprano coréenne Yena Choi, issue du chœur, propose une projection un rien timide, mais la pureté de son timbre se fait angélique, surtout portée par la souple conduite de ses lignes mélodiques. La partie de mezzo-soprano est confiée à l’estonienne Kadi Jürgens, au timbre tendrement chaud, au léger reflet cuivré. Sa légère tendance à ralentir est à peine perceptible et vite recadrée par les instrumentistes et la cheffe. Le ténor Denzil Delaere fait entendre une voix brillante et moelleuse avec présence grâce à un vibrato dosé avec soin. La basse Christian Immler est tout aussi aisément reconnaissable par une autorité équilibrée et naturelle, limpide de texte et fort de sa constance dans les phrasés.
Le public lillois se montre particulièrement reconnaissant, applaudissant longuement le compositeur présent, à l'issue de la première partie, et offrant des rappels à la fin du concert, y compris en obtenant le touchant Ave verum corpus de Mozart en bis.