Gala Lyrique à Montpellier
La scène de « l’Opéra Berlioz » du Corum de Montpellier est bien remplie. Tout comme la salle où l’on compte peu de places vides. L’orchestre au grand complet (et même appuyé de musiciens supplémentaires) partage l’espace avec une soixantaine de choristes disposés au fond de la scène comprenant le Chœur de l’Opéra National Montpellier Occitanie (préparé par Noëlle Gény) et le Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur (préparé par Giulio Magnanini). Le tout est entouré d’un hémi-cylindre de plexiglas maintenu par une structure métallique ainsi que d’un écran rectangulaire tout au fond. Le programme laisse sa majeure partie aux solistes mais comprend aussi quelques chœurs et passages orchestraux. Il se divise en deux parties à peu près égales. La première est exclusivement consacrée à Verdi (avec des extraits d’Otello, Simon Boccanegra, La Force du destin, Don Carlos, Les Vêpres siciliennes) et la seconde au vérisme (Adriana Lecouvreur, Pagliacci, Andrea Chénier, Tosca, L'Amico Fritz, L'Arlesiana) avec une exception pour le "Chi vien?" du Mefistofele de Boito (opéra qu’a d’ailleurs récemment dirigé Francesco Angelico à Toulouse) qui n’est pas vériste à proprement parler (traitant d'un sujet mythologique et non d'une intrigue "réaliste") même s’il en est assez contemporain. Une mise en espace est proposée par Franciska Éry qui fait intervenir le comédien Grégory Cartelier et l’éclairagiste Mathieu Cabanes.
Elle tente d’insuffler une certaine esthétique par l'utilisation de l’écran et notamment des vidéos souvent métonymiques des chanteurs ou des musiciens prises en direct par le comédien (tantôt en jean trop large tantôt en costume), ainsi qu'avec l’adaptation de l’éclairage selon la musique ou encore l’action des chœurs. Elle s’efforce aussi d’établir des liens dramaturgiques plus ou moins évidents dans la chronologie du programme. Elle se montre surtout efficace par la portée théâtrale qu’elle donne à ce récital avec l’apport et la mise en avant d’accessoires et symboles clefs des différents drames (les fleurs empoisonnées de Lecouvreur, la dague de Gabriele menaçant Boccanegra, le crucifix de Spotlights à la fin du Te Deum de Tosca, les pétales tombant sur l’union de Faust à Hélène, etc…) et la direction d’acteur qu’elle impose permettant une incarnation poignante des personnages.
Gëzim Myshketa s’en saisit pleinement. Il allie les qualités dramatiques à une technique vocale (de souffle en particulier) lui permettant d’être endurant tout le concert durant. Ses "méchants" notamment troublent le public autant par le jeu que par la voix : le regard perçant, les introspections du Credo de Iago alternant une puissance vocale affirmée avec des piani distillant un venin aussi subtil que létal, la pleine voix exaltée (et exaltante) de son Mefistofele, entre autres.
Yunuet Laguna possède un timbre rond et chaud. Elle dévoile des graves profonds et des aigus élégants (mais rarement vifs et encore moins stridents). Son amplitude vocale est étendue. Elle mêle la puissance à un vibrato maitrisé. Le répertoire vériste lui sied ainsi parfaitement.
Oreste Cosimo s’inscrit dans la technique de ténor italienne avec des aigus tenus, forts et appuyés amplifiant les fins de répliques. Il se montre ainsi très lyrique dans "La mia letizia infondere" des Lombards notamment ou encore dans le duo final d’Adriana Lecouvreur. Il projette sa voix sans peine même dans les passages où l’orchestration se fait plus dense. Les trois voix sont très harmonieuses entre elles dans les ensembles.
L’Orchestre national Montpellier Occitanie se montre efficace. Francesco Angelico se soucie autant de la maîtrise coordonnée de l’ensemble que d’en faire ressortir les couleurs et la puissance dramatique. Il se sert de toute la palette des nuances possibles allant de l’accompagnement par les cordes les plus insidieuses de la seconde partie du Credo de Iago à un éclatant fortissimo conférant toute son intensité au Te Deum de Tosca. Les sections montrent également de belles qualités telles que la générosité des violons du "Io son l’umile ancella" ou encore les accompagnements du chant par la harpe. Les chœurs sont précis, cohérents entre eux ainsi qu’avec l’ensemble. Les voix sont justes et la diction de chaque pupitre bien détachée.
Le public particulièrement enthousiaste applaudit vivement entre les morceaux (ses bravos criés sont même souvent audibles) ainsi qu’à la fin du programme, qui malgré la ferveur ne sera pas augmenté d’un rappel.