Une Périchole de Jacques Offenbach généreuse à l'Opéra de Massy
Dimanche après-midi, La Périchole à l'Opéra de Massy entraîne le public dans la folie d'Offenbach avec sa parfaite combinaison de rires et de chants. Cette mise en scène de Benjamin Moreau et Olivier Desbordes, créée à Montpellier le 6 juillet 2015, s'avère excentrique. Certes, la surprise et la magie opèrent davantage au début de la soirée, mais cette production fait vivre l'histoire de la jeune chanteuse des rues dans une joyeuse humeur. Les idées à première vues farfelues surprennent agréablement le public dans leur modernité et leur fraîcheur : le vice roi (Christophe Lacassagne) revisité en Divo-Rappeur avec son langage moderne (''J'te kiffe toi'') ou un Dab [mouvement de danse à la mode qui consiste à mettre sa tête dans son coude, en tendant l'autre bras, ndlr]. Les petites chorégraphies simples mais amusantes de Pascale Péladan renforcent la complicité entre les personnages. Lors d'une interview pour l'Opéra de Massy, Olivier Desbordes mettait en avant son souhait que les chanteurs s'investissent totalement dans leurs personnages : si la direction d'acteur est visible, les artistes restent pourtant encore un peu sur la réserve.
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
Les costumes de Jean-Michel Angays sont riches en couleurs, en paillettes mais aussi en style ! Aussi variés qu'originaux, leur côté décalé renforce la belle confusion de l'ensemble. Le décor est simple mais ludique. Le petit orchestre est en arrière-scène, sans doute pour remplir et compléter le grand espace de la scène. Un rideau transparent rouge décoré de journaux politiques sépare la scène de l'orchestre, tandis que deux petites maisonnettes se situent de chaque côté. De plus, une estrade au milieu du plateau permet de mettre en valeur les passages les plus importants. Les lumières de Guillaume Hébrard aident le public à se concentrer sur les personnages concernés par l'action (comme lorsqu'un éclat illumine la Périchole plongée dans la rédaction de sa lettre à son amoureux Piquillo).
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
Coté voix, la distribution est prometteuse. D'autant que l'absence de sur-titrage impose aux chanteurs le défi de se faire bien comprendre. Ce défi est brillamment relevé. Le rôle-titre de la Périchole est interprété par Sarah Laulan, une étoile montante dans sa tessiture. La contralto, qui possède déjà un parcours très impressionnant, captive le public. Rebelle, joueuse et coquine, elle est une Périchole envoûtante. Sa voix chaude acquiert l'effet attendu chez Offenbach, mais aussi dans un beau style à la Carmen ! L'amoureux Piquillo chanté par le ténor Pierre-Emmanuel Roubet est frais et pétillant. Élève de Sophie Koch et également accordéoniste, il enchante le public en s’accompagnant lui même dans son duo avec sa bien aimée "Le Soldat et La Jeune Indienne". La diction est parfaite et la voix bien formée.
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
Le baryton Christophe Lacassagne est un formidable vice-roi, unique dans son caractère fantasque. Après s'être produit sur la scène du Bunkamura de Tokyo, à La Monnaie à Bruxelles, ou encore à la Scala de Milan, le chanteur change de registre, mais avec une voix parfaite pour représenter la finesse du genre Opérette. Il se présente avec assurance à travers sa tessiture à la fois chaude et légère. L’immanquable duo comique d'Offenbach est interprété par le baryton Yassine Benameur (Don Miguel de Panatellas) et le ténor Eric Vignau (Don Andrès de Ribeira). Les deux soldats font rire le public à travers de multiples gaffes, bousculades et chamailleries. Les trois cousines, toutes sopranos, jouées par Sarah Lazerges (Guadalena), Flore Boixel (Berginella) et Dalila Khatir (Mastrilla), accompagnent l'histoire avec finesse et élégance. L'interaction avec le public ménagée à l'issue de l'entracte est d'ailleurs fort plaisante. Seul comédien de la pièce, mais marquant le coup, Antoine Baillet-Devallez joue le rôle du fou incontrôlable, le Marquis de Tarapote, emprisonné depuis douze ans.
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
L'orchestre est réduit à un petit ensemble de huit musiciens avec une contrebasse pour seul instrument à cordes. Si cet arrangement renforce la dimension légère de la partition, il condamne la couleur de la riche instrumentation originale. La direction du chef d'orchestre Gaspard Brécourt est efficace et, impliqué dans la production, il joue même sans rechigner du synthétiseur (ce qui donne à la musique un côté making-off, comme une répétition piano-chant).
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
Le Chœur de la compagnie ''Opéra Eclaté'' est dirigé par Noëlle Gény, également chef de chœur résidente à l'Opéra National de Montpellier. Malgré son petit effectif, il y relève un vrai professionnalisme et une implication de chacun.
La Perichole à Massy (© Nelly Blaya)
En somme, cette Périchole est à ce point généreuse et fourmillante d'idées qu'elle aurait pu encore accentuer le trait. Si vous appréciez Offenbach, n'hésitez pas à réserver ici vos places pour l'événement du début d'année : la reprise des activités de l'Opéra Comique avec Fantasio.