L’Opéra national de Lyon prend "le goût du risque" en 2023/2024
Si l’établissement peut s’enorgueillir de la diversité d’un public “de tous âges et de tous horizons” -selon les statistiques communiquées, 40% de renouvellement de public, et un quart de spectateurs âgé de moins de 29 ans-, c'est, selon Richard Brunel, directeur général et artistique, le résultat d’une programmation éclectique prônant la découverte et la modernité. Réciproquement, le directeur se félicite d’avoir su fidéliser son public au point de se permettre d’oser une programmation “risquée”, en pariant sur la curiosité et l’ouverture d’esprit des spectateurs.
Un risque bien entendu artistique donc réglé par du papier à musique, mais un risque néanmoins car la prochaine saison lyonnaise ne propose aucun blockbuster (pas un de ces titres comme Carmen, Tosca, Traviata et cætera qui remplissent une salle sur leur seul nom), pas même un opus connu du grand public, voire même d'un public un peu plus averti. Le risque sera donc calculé sur l'intérêt des productions et la qualité des phalanges, à commencer par la nouvelle production qui ouvre la saison sous la baguette de son directeur musical Daniele Rustioni : le rare opéra de Strauss, La Femme sans ombre, mis en scène par Mariusz Treliński avec Vincent Wolfsteiner et Sara Jakubiak (Empereur et Impératrice), Josef Wagner (Barak, le teinturier), Ambur Braid (La Teinturière), Lindsay Ammann (La Nourrice), Julian Orlishausen (Le Messager des esprits).
Le risque aussi, sur le papier, de mettre en scène un oratorio (et pour les fêtes de fin d'année), qui n'est pas fait pour mais ce qui se fait de plus en plus, y compris comme ici par le sulfureux Calixto Bieito (notre compte-rendu de sa Passion selon Saint Jean). Elias de Mendelssohn sera incarné par Derek Welton, L’Ange par Kai Rüütel-Pajula, La Reine Beth Taylor et les autres rôles par des solistes du Lyon Opéra Studio (Robert Lewis, Giulia Scopelliti, Pete Thanapat, Thandiswa Mpongwana) sous la baguette de Constantin Trinks.
Le personnage de Barbe-Bleue est certes risqué (y compris dans la version d'Offenbach qui est une satire politique au vitriol), le risque est toutefois moindre pour une reprise (outre celui de renouveler l'intérêt du public ou d'attirer celui qui serait passé à côté). Il n'en demeure pas moins que chaque mise en scène de Laurent Pelly est une mécanique qu'il faut savoir huiler. La baguette sera confiée à James Hendry, le rôle-titre à Florian Laconi avec Jérémy Duffau en Prince Saphir, Jennifer Courcier Fleurette, Héloïse Mas Boulotte, Guillaume Andrieux (Popolani), Thibault de Damas (Comte Oscar), Christophe Mortagne (Roi Bobèche).
Chaque année (quand il n'est pas décimé par le Covid ou par les grèves), l'Opéra de Lyon réunit trois opus en un Festival thématique. Celui de 2024 sera intitulé "Rebattre les cartes", dont la thématique est née d’un constat : celui du sacrifice rituel sinon très fréquent du personnage féminin à l'opéra. Ce festival a pour ambition de rééquilibrer la balance en mettant à l’honneur des héroïnes qui bousculent les codes pour se sortir des carcans auxquels elles sont assignées.
Les cartes rebattues le seront aussi littéralement : celles de La Dame de Pique de Tchaïkovski bien entendu dans une mise en scène de Timofeï Kouliabine avec Najmiddin Mavlyanov (Hermann), Elena Guseva (Lisa), Konstantin Shushakov (Prince Yeletski), Pavel Yankovski (Comte Tomski / Zlatogor), Olga Syniakova (Pauline / Milavzor), Elena Zaremba (Comtesse), Giulia Scopelliti (Macha / Prilièpa), Vasily Efimov (Tchekalinski) et Alexei Botnarciuc (Sourine).
Mais aussi dirigé par Daniele Rustioni, La Fanciulla del West de Puccini où on joue au poker. Barbara Wysocka mettra en scène Chiara Isotton (Minnie), Claudio Sgura (Jack Rance), Riccardo Massi (Dick Johnson), Robert Lewis (Nick), Rafał Pawnuk (Ashby), Pete Thanapat (Larkens), Thandiswa Mpongwana (Wowkle), Pawel Trojak (Jack Wallace).
Et puis le risque d'une création mondiale viendra conclure ce triptyque avec l'histoire de Sylvie Meyer (incarnée par Nicola Beller Carbone) qui "consent 53 ans durant à l’ordre dans lequel elle est née, jusqu’à une nuit où elle fiche tout en l’air" : Otages de Sebastian Rivas d’après le roman éponyme de Nina Bouraoui sera créé au Théâtre de la Croix-Rousse dans une mise en scène de Richard Brunel.
La suite et fin de la saison commencera à l'Opéra de Lyon par Béatrice et Bénédict (opéra-comique de Berlioz) dans une nouvelle mise en scène de Damiano Michieletto (metteur en scène qui risque souvent de faire couler de l'encre). Johannes Debus dirigera Cecilia Molinari et Robert Lewis dans les rôles-titres, aux côtés de Giulia Scopelliti (Héro, fille de Leonato), Thandiswa Mpongwana (Ursule), Pawel Trojak (Claudio), Pete Thanapat (Don Pedro), Ivan Thirion (Somarone), Gérald Robert-Tissot (Leonato).
Suivra au Théâtre de La Renaissance-Oullins et au Théâtre Théo Argence de Saint-Priest l'opéra qui sut distraire les enfants d'un camp de concentration tout en dénonçant le nazisme : Brundibár d'Hans Krása. La Maîtrise et l'Orchestre de l’Opéra de Lyon seront dirigés par Clément Lonca dans une mise en scène de Jeanne Candel.
La Maîtrise chantera également Noël tandis les solistes du Studio Giulia Scopelliti et Robert Lewis et l'Orchestre maison dirigé par Constantin Trinks proposeront au Réveillon un Voyage musical à Vienne (réunissant Franz Lehár et Emmerich Kálmán).
La dernière mise en scène sera une nouvelle production (signée par le directeur maison) de L'Affaire Makropoulos (Janacek) avec la mémorable dans ce répertoire Aušrinė Stundytė aux côtés de Peter Hoare (Vitek), Thandiswa Mpongwana (Kristina), Robert Lewis (Janek), Károly Szemerédy (Maître Kolenaty) Pawel Trojak (Machiniste) sous la baguette d'Alexander Joel.
La traditionnelle version de concert qui se rend de l'Auditorium au Théâtre des Champs-Elysées avec les phalanges et le chef maison sera Adriana Lecouvreur de Cilea incarnée par Elena Stikhina avec Brian Jagde (Maurizio Comte de Saxe), Clémentine Margaine (Princesse de Bouillon), Misha Kiria (Michonnet), Maurizio Muraro (Le Prince de Bouillon), Robert Lewis (L’Abbé de Chazeuil), Giulia Scopelliti (Mademoiselle Jouvenot), Thandiswa Mpongwana (Mademoiselle Dangeville) et Pete Thanapat (Quinault).
La saison chorégraphique sera notamment rythmée par la 20e Biennale de la danse avec Christos Papadopoulos et Anne Teresa De Keersmaeker, avant La Belle au bois dormant et Canine Jaunâtre 3, Beach Birds et Pockemon Crew : à suivre sur notre site-frère dédié à la danse et à la musique instrumentale.
Côté instrumental justement, l'Orchestre de l'Opéra national de Lyon (qui, dans l'esprit de la décentralisation culturelle historique menée par Jeanne Laurent, offrit en 1983 pour la première fois son propre orchestre à un théâtre lyrique en région) fêtera ses 40 ans avec "trois des grands chefs" qui l'ont marqué. Daniele Rustioni dirigera des suites de Ballets de Tchaïkovski (La Belle au bois dormant, Casse-Noisette, Le Lac des cygnes) ainsi qu'un Ring sans paroles dans le cadre du Festival de La Chaise-Dieu dès ce mois d'août. Kent Nagano dirigera la 3ème Symphonie de Beethoven, l'Ouverture d’Egmont et l'air "Ah ! Perfido" chanté par Nicole Car. Enfin Kazushi Ono dirigera de Le Tombeau de Couperin (Maurice Ravel), Poème pour violon et orchestre (Ernest Chausson) ainsi que la suite Roméo et Juliette (Sergueï Prokofiev) à l'Opéra de Lyon, à la MC2-Grenoble ainsi qu'à l'Auditorium de l'Opéra de Dijon.
La saison proposera également une série de "Grands récitals En coréalisation avec Piano à Lyon" avec le violoniste Renaud Capuçon, les pianistes Kit Armstrong, Jean-Marc Luisada, Mao Fujita, Alexander Malofeev, et Claire Désert, la violoncelliste Anne Gastinel ainsi qu'un Récital des solistes du Lyon Opéra Studio qui auront animé la saison, des Concerts des musiciens de l’Orchestre et de musique de chambre, et une riche saison pour les familles (dès 1 an).