Rome à Genève pour Les Constellations de La Cité Bleue universitaire
Le centre culturel “La Cité Bleue” doit ouvrir en 2024, mais son Directeur artistique Leonardo García Alarcón lance sans plus attendre une saison hors-les-murs intitulée “Les Constellations” dont il dirige le premier concert d’une série de 7 week-ends de mars à novembre dans 9 lieux différents à travers celle qui est surnommée la ville-monde, afin de traverser les siècles et les continents en musique.
Tout commence tout près de là où tout (le chantier) doit finir pour pouvoir commencer ce nouveau projet de La Cité Bleue. Par un jeu de lumières variées (bleues et blanches), un peu de fumée, et des bougies, le hall d’entrée du Bâtiment D de la Cité Universitaire où se déroule le concert a été apprêté pour évoquer une église romaine. Les passerelles apparentes de ses six étages permettent diverses configurations dans la disposition des chœurs, déployant ainsi un siècle de musiques « à la romaine » avec tout d’abord une sélection de pièces de Luigi Rossi (1597-1653) et Alessandro Scarlatti (1660-1725), dans un ethos de déploration, à la fois recueillies et grandioses.
Les moments de recueillement et de virtuosité s’enchaîneront ensuite, que les phalanges vocales chantent en procession, réparties dans les étages du Hall D, ou simplement qu’elles entourent l’orchestre disposé au centre de l’entrée du bâtiment. Le moment-clé (le plus connu et au cœur du programme) est assurément le Miserere de Gregorio Allegri (1582-1652), a fortiori à l’approche de la Semaine Sainte. La musique se déploie longuement et parcourt le lieu, avec maintes répétitions qui traduisent la disparition de la lumière. Chacune donne lieu à un déplacement spatial de l’ensemble des solistes, sur les diverses passerelles des deux côtés du Hall.
Une des ambitions de ce concert était surtout de remettre en lumière le compositeur Giovanni Giorgi (?–1762), maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran à Rome de 1719 à 1725, au travers de quelques motets et d’une Messe composée à Lisbonne (1755), particulièrement représentative de ce style luxuriant « à la romaine ». Le Kyrie introductif est rendu avec sa pleine énergie, le Credo très développé articule (à l’image de ce concert) les moments plus recueillis à ceux plus solennels, jusque vers un Agnus dei final à l’image du reste du programme : dans lequel Leonardo García Alarcón sait installer et développer un tempo et une progression dynamique qui vont conférer à la musique une énergie impérieuse, faisant sonner ces polyphonies baroques comme des cris fervents de réconfort.
Suivant sa direction très habitée et en cela contagieuse, les musiciens expriment avant tout une écoute mutuelle et complémentaire. Les instrumentistes sont à l’unisson des chanteurs eux-mêmes formant avant tout un ensemble (et lorsque certaines voix se détachent à différents endroits de la salle et du concert, c’est davantage le manque temporaire de cette unité qui se fait remarquer). La pâte sonore chorale est en effet complète, dans une subtilité de couleurs et de nuances remarquées et appréciées de l’auditoire.
Une belle envolée vocale récurrente parvient néanmoins à se distinguer, celle de Maria Chiara Ardolino, son appel à la joie et à la force résonant comme un cri de l’âme, en écho lointain.
L’enthousiasme de ce projet à l’image de celui qu’il annonce a ainsi su mobiliser les artistes et charmer un auditoire qui, conquis, manifeste longuement sa reconnaissance.