Concert des Talents Adami Classique, dans la joie et la bonne humeur au Bal Blomet
L’Adami (organisme de gestion collective des droits des artistes-interprètes) a mis en place le dispositif Talents Adami Classique pour offrir un accompagnement aux lauréats dans leurs débuts de carrière, avec des résidences, des captations et des concerts. Celui de ce soir est assuré par la promotion 2022 comprenant quatre chanteurs, une harpiste, un violoncelliste, une violoniste et un pianiste. Le concert se déroule dans une ambiance décontractée, certainement induite par le lieu, le Bal Blomet s’apparentant davantage à un club de jazz ou à un cabaret. Mais cette détente n’appauvrit en rien l’écoute du public qui, bien qu’attablé autour de la scène, prête une oreille attentive aux jeunes artistes.
La détente émane également du présentateur Tristan Labouret qui réalise avec humour de petites interviews des musiciens au fil de la soirée. Ces derniers ne sont pas en reste pour la plaisanterie comme par exemple la violoniste Magdalena Sypniewski qui, interrogée sur son parcours et ses projets, cite, à la grande joie de l’assistance, Edouard Baer dans Astérix et Obélix - Mission Cléopâtre : « Et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres, forgent une destinée ».
L’ambiance est également animée lorsque le Bal Blomet se transforme en taverne de Lillas Pastia où, en Carmen, Floriane Hasler chante la chanson bohémienne pour ses comparses. Le baryton Imanol Iraola, lui, amuse l’auditoire en chantant l’air de Vertigo extrait du Pépito de Jacques Offenbach. Il proclame « À tous les métiers, moi j’excelle ! » en chantant, dansant, déclamant et jouant des castagnettes (il fait rire le public en demandant au présentateur s’il faut qu’il parle de ses projets... en tant que joueur de castagnettes).
Imanol Iraola | (© Thomas Bartel – Adami) |
L’envie des chanteurs de s’amuser est si forte que la soprano Clarisse Dalles et le ténor Thomas Ricart inventent une mise scène comique pour le très sérieux duo de Roméo et Juliette (Charles Gounod). Se préparant pour le bal, Juliette se met du vernis à ongles qui, à son grand dam, n’aura pas le temps de sécher (Roméo lui déclarant sa flamme en lui prenant sans cesse les mains pour les embrasser).
Cette décontraction s’ajoute au sérieux et à l’engagement artistique déjà prégnants. Forts d’une formation solide, tous viennent du Conservatoire National de Paris ou de Lyon, certains ont déjà gagné des prix internationaux, d’autres ont participé à des académies (Jaroussky, Opéra de Paris notamment), et tous sont déjà engagés sur les rails du métier en participant à des productions en solo, en formation de chambre ou au sein de leur propre ensemble. Le concert de ce soir agit comme un coup de projecteur sur des personnalités artistiques que le public pourra continuer de suivre dans l’avenir (pour ce faire il vous suffit de cliquer sur les noms des chanteurs et de les ajouter à vos favoris en haut de leur page Ôlyrix).
La voix de mezzo-soprano de Floriane Hasler tinte comme les tringles des sistres dans la chanson bohémienne de Carmen, dans une accroche sans faille. Sa projection assure la montée en puissance de l’air sans jamais se départir d’une certaine rondeur. À l’intensité de son désir qui s’empare d’elle dans le duo Dorabella-Guglielmo extrait du Cosi fan tutte de Mozart, le baryton Imanol Iraola répond plus sagement. Sa voix placée sûrement et colorée d’harmoniques assure une présence vocale sans contraintes, d’une intelligibilité à toute épreuve, l’auditoire ne perdant pas une miette du texte débité avec humour dans l’air d’Offenbach. Très expressif physiquement, son chant demeure toutefois peu nuancé et son phrasé quelque peu en retenue.
Le ténor Thomas Ricart impressionne immédiatement par sa puissance, la salle semblant petite pour accueillir cette voix saturée d’harmoniques. Il offre cependant un chant infiniment nuancé dans l’air de Sou-Chong « Dein ist mein ganzes Herz » extrait de Das Land des Lächelns (Le Pays du Sourire) de Franz Lehár, épousant les courbes des phrases de l’opérette viennoise (son allemand semble cependant perfectible).
La voix intensément vibrante de la soprano Clarisse Dalles emplit la mélancolique méditation « Porgi amor » (air de la comtesse des Noces de Figaro de Mozart) d’un legato assuré, accompagné cependant d’une certaine vigueur (due à sa projection vocale qu’elle maintient sur les lignes ascendantes de l’air). Très à l’aise scéniquement, son expressivité s'accroît lorsqu’elle est sollicitée par le jeu.
Les quatre instrumentistes offrent également des prestations remarquées. La harpiste Mélanie Laurent évoque les dames du temps jadis dans la pièce de Gabriel Fauré Une châtelaine en sa tour, aussi bien dans l’expression intime que dans une évocation de l’ampleur orchestrale, le tout sur une respiration emplissant les cœurs. La respiration, le violoncelliste Johannes Gray la rend audible lorsqu’il interprète Pezzo Capriccioso de Tchaïkovski, accompagnant ainsi l’intensité de son phrasé qui émeut aux larmes et assumant la virtuosité de la deuxième partie de la pièce sans sourciller. C’est également une pièce virtuose qu’a choisie la violoniste Magdalena Sypniewski, la Tarentelle “Scherzo” d’Henryk Wieniawski mettant en valeur sa dextérité. L’“Andante mosso” des Drei Russische Lieder de Glinka permet au public de savourer également son phrasé délicat au sein du trio.
Le pianiste Samuel Bismut transporte l’auditoire en pays hispanique avec l’Alborada del gracioso (quatrième pièce des Miroirs) de Ravel. Alliant puissance et légèreté, il offre des colorations contrastées et des traits ciselés évocateurs.
Pour remercier le public enthousiaste, les artistes achèvent la soirée tous ensemble en interprétant joyeusement un arrangement du quintette « Tonight » du West Side Story de Bernstein.