L’Expodcast n°3 du CMBV pour redécouvrir le Régent, musicien et ami des arts
Le Centre de musique baroque de Versailles s’est associé avec le Château de Versailles et France Musique pour partager et valoriser la richesse des musiques françaises des XVIIe et XVIIIe siècles dans un format orignal : contraction entre exposition et podcast, l’Expodcast est une série d’épisodes en ligne mêlant musique, théâtre et histoire. La page Internet dédiée du CMBV permet de naviguer parmi une variété de ressources en même temps que l’écoute, de compléter celle-ci par des gravures, des tableaux, des portraits et des entretiens, écrits ou vidéo. Après “Musique & musiciens à la Chapelle royale” et “Les Musiques de Molière”, la troisième saison, en partenariat avec la Comédie-Française comme la précédente, s’intitule : « La Régence en musique, que la fête commence ! ».
Après la mort du roi Soleil en 1715, le Dauphin est encore bien trop jeune pour être roi : il n’a que cinq ans. Le gouvernement est donc temporairement confié à Philippe d'Orléans, fils de Monsieur, frère du feu roi. Durant huit années (de 1715 à 1723), celui qui prend le titre de Régent va impulser de nouvelles modes qui vont marquer les arts français. Malgré une image frivole et surtout méconnue, ce personnage est présenté dans sa dimension fascinante et atypique via cet Expodcast. Le premier épisode « Le Régent, un fou de musique » permet de faire connaissance avec cet intellectuel, non seulement grand mélomane, mais multi-instrumentiste et même compositeur, formé entre autres par Marc-Antoine Charpentier.
Le Régent ira même jusqu'à composer trois opéras (Philomèle perdu, Jérusalem délivrée et Penthée), genre qu'il encourage grandement comme le détaille le deuxième épisode : « Le Régent à l’Opéra ». L’Académie royale de musique est d’ailleurs accueillie au Palais Royal, la résidence même du Régent. Dans la somptueuse salle d’opéra construite par le Cardinal de Richelieu, sont créées de nouvelles œuvres lyriques avec des ingrédients garantissant leur succès et que résume l'Expodcast : une héroïne charismatique, des crimes sanglants, un passage pastoral pour un peu de légèreté et de fraîcheur et, surtout, de la danse pour divertir. Campra est le compositeur favori de cette période (son Carnaval de Venise est ici animé par Le Concert Spirituel). Des enregistrements de Charles-Hubert Gervais sont également proposés par des ensembles qui connaissent bien sa musique (Purcell Choir et Orfeo Orchestra), y compris l’opéra Hypermnestre dont quelques airs sont d’ailleurs de la main du Régent en personne.
Ces interprétations musicales opèrent une transition avec les morceaux suivants, illustrant l’évolution stylistique au cours de cette période (notamment via Les Éléments, composé à quatre mains par Destouches et de Lalande, dans lequel l’Ensemble Les Surprises allie la couleur des sonorités et la fraîcheur de l’expression au service de ces sujets galants).
L’épisode 3 « Un air d’Italie, réunir les goûts » traduit la fascination exercée par l’exubérante virtuosité de la musique transalpine : le Régent était notamment un grand admirateur de l’œuvre de Corelli. Cette musique exaltante est illustrée avec vie et contraste par son Concerto en sol mineur, enregistré par Il Giardino Armonico. C’est ainsi que, en engageant des musiciens italiens comme Batistin Stuck, il encouragera la réunion des goûts en une synthèse d’un « italianisme à la française », malgré les conflits et querelles esthétiques.
Poursuivant dans le rayonnement, le quatrième épisode « Le Concert, laboratoire des Lumières » montre alors combien la pratique musicale se développe, via des académies se créant en province (offrant à de jeunes musiciens de faire carrière et à des femmes la possibilité de jouer en orchestre). C’est cet élan qui permettra la création du “Concert spirituel” en 1725, premier concert public et payant (4 livres la place soit près de 60 €).
Pour conclure la Régence et cet Expodcast, le dernier épisode « Louis XV : une nouvelle cour musicale » décrit un nouveau roi timide, préférant courir le cerf ou s’enfermer pour étudier les sciences et l’architecture plutôt que de se montrer au concert ou au ballet. Il doit certes danser en public pour Les Éléments alors qu’il n’a encore que 11 ans, mais n’en garde apparemment pas un bon souvenir. L’amour pour les arts et la musique à la cour sera l’apanage de sa femme et de sa maîtresse : la reine Marie Leszczynska et la marquise de Pompadour. Le clavecin devient alors l’instrument roi des salons, et l’auditeur est plongé dans cet univers intimiste avec entre autres le 6ème Prélude en si mineur de L’Art de toucher le clavecin de Couperin par Olivier Fortin.
Les cinq épisodes, d’une durée de 15 minutes chacun, écrits par la journaliste et productrice à Radio France Suzanne Gervais, rendent très accessible une multitude de ressources, historiques et musicologiques, en entremêlant musique et théâtre de manière bien rythmée. Porté par la narration de Michel Vuillermoz, l’auditeur est plongé dans le XVIIIe siècle avec les interventions d’autres membres de la Comédie-Française, comme Michel Favory en Régent ou Marie Oppert – dont l’incarnation en Palatine, avec son fort accent allemand et son franc-parler légendaire, est assez drôle. Outre les univers musicaux dessinés par les chantres du CMBV, le violoniste Julien Chauvin et le claveciniste Valentin Rouget, les extraits musicaux donnent envie d’en écouter bien davantage, ce qui est rendu possible grâce au partage d’une playlist riche d’une cinquantaine de titres par les ensembles spécialisés en musique baroque française ainsi que des solistes tout aussi familiers de ce style et de nos pages.
Le sérieux de la "vulgarisation" musicologique est garanti par un comité scientifique composé de Thomas Leconte, Benoît Dratwicki et Barbara Nestola, ainsi que d’autres experts qui partagent directement leurs connaissances lors d’entretiens écrits ou vidéo.
Les jeunes âgés de 6 à 12 ans ont aussi droit à leur Expodcast avec un parcours junior de trois épisodes adaptés, d’une durée de huit minutes chacun : « Roi à cinq ans », « Le petit roi danse » et « Sacré roi ! ». Accompagné du timide Dauphin puis jeune roi Louis XV, ils découvrent comme les autres ses premiers pas et la musique du XVIIIe siècle, grâce à la qualité de l’approche pédagogique et de l’interprétation musicale.
L’Expocasteur ressort de sa navigation aisée et en musiques dans cette exposition virtuelle, visuelle et sonore, avec le plaisir de la (re)découverte et de l’apprentissage au fil d’un moment plaisant.