Un chat perché très coloré au Festival OFF d'Avignon
L’oncle Alfred s’adonne à l’une de ses passions, la peinture. Tout en représentant un arlequin, il commence à rêvasser et son esprit ne sait distinguer le réel de l'imaginaire : Surprise ! L’arlequin prend corps et sort de sa peinture. Et tous deux d'expliquer combien la peinture peut être dangereuse lorsqu'elle est laissée entre des mains innocentes… Bravant les instructions de leurs parents, Delphine et Marinette décident néanmoins de s’amuser avec les boîtes de peinture que l’oncle Alfred leur a offertes (plutôt que d’aller travailler aux champs).
Les animaux de la ferme sont pris comme modèles... et c’est le drame : la basse-cour se métamorphose comme elle a été peinte. L’âne ayant été dessiné de profil, il n’a plus que deux pattes, le cheval est minuscule face au coq et les bœufs blancs peints sur un fond blanc n'existent plus (seules leurs cornes flottent dans les airs). Il faut vite trouver un moyen pour rendre aux animaux leur forme habituelle, avant le retour des parents !
Chant, masques, et chapeaux d’animaux se réunissent ici dans une scénographie colorée (signée Perrine Leclère-Bailly) avec des accessoires de Charlotte Ledger, pleine de surprises et d’images attirant le regard des enfants, la création lumière de Julien Ménard illuminant le tout de quelques effets spéciaux.
Dans les costumes de Pierre-Yves Loup Forest, la pianiste devient chat-conteur, participant à l'histoire tout autant qu'elle en accompagne la musique. La pianiste Ernestine Bluteau (en alternance avec Camille Demoures) apporte ainsi son grain de sel en donnant le rythme aux chanteurs, avec un jeu dynamique et des interventions qui font avancer l’histoire.
Les chanteurs assument les différents autres rôles tout le long de la pièce (petites filles, parents et animaux). Pleine d’énergie et de dynamisme, la mezzo-contralto Marie Blanc montre son caractère polyvalent, à travers les personnages qu'elle incarne et sa virtuosité vocale. Sa ligne de chant est large, joliment vibrée, avec des piani impressionnants. La rondeur de son timbre chaud alterne avec les effets qu’elle donne à sa voix lorsqu’elle interprète les différents animaux, rendant chacune de ses interventions musicales très variées et agréables à entendre. La salle étant petite, la puissance de sa voix, tout comme celle de son comparse baryton, est plus qu’efficace. Les deux chanteurs se montrent très impliqués et souriants, partageant investissement théâtral et la qualité d'une diction très claire, paramètre essentiel pour rendre ainsi le texte très accessible aux nombreux enfants qui se trouvent dans la salle. Leurs voix se marient remarquablement bien ensemble (notamment dans les belles harmoniques de "Blanc sur Blanc, c’est comme si vous n’existiez pas").
Le baryton Philippe Scagni montre lui aussi une voix puissante, tant chantée que parlée. Ses graves sont tout particulièrement bien soutenus (ses aigus n’étant pas moins réussis pour autant). Tout comme la mezzo, il apporte énormément de changements à sa voix à l'envi, la rendant plus claire (l’âne), plus grave (les bœufs) selon l’animal qu’il interprète, voire imitant le hennissement du cheval outré lorsque le coq se croit plus grand que lui. L’éloquence de son interprétation rend évidente sa maîtrise et son aisance sur scène.
Le public très réceptif et attentif du début à la fin du spectacle, rit d'aussi bon cœur que les adultes. Lorsque les animaux retrouvent enfin leurs formes habituelles, le spectacle se conclut sous les applaudissements enthousiastes des petits et des grands, reconnaissants.
Note de la rédaction : Philippe Scagni, interprète dans ce spectacle, rédige par ailleurs sur Ôlyrix des comptes-rendus de productions avec lesquelles il n'a pas de liens