Laudate pueri : Louez, enfants à Notre-Dame de la Treille pour le Lille Piano(s) Festival
Le "Lille Piano(s) Festival" mérite assurément que son pluriel sorte de sa parenthèse, à l'image de cet événement qui sort des cadres pour mieux inviter le public à rentrer dans les salles de concerts sous toutes ses formes et architectures. Le "Lille Piano(s) Festival" pourrait tout aussi bien être nommé le "Hauts-de-France Claviers Festival" tant il montre l'instrument à touches dans toutes ses formes et styles : près d'une quarantaine de concerts en un week-end mettent aussi bien à l'honneur le piano à queue concertiste (en soliste, à deux mains ou deux pianos -ou davantage) en format chambriste ou avec grand orchestre, son aîné le clavecin, son puîné le clavier électronique, invitant des artistes de toute la région (et au-delà) pour des musiques classiques, jazz, rap, etc.
Ôlyrix a ainsi pu couvrir trois concerts lyriques en 26 heures, dans trois lieux avec trois effectifs et trois répertoires tous aussi riches et variés.
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Le programme choisi pour le concert Voix d'Enfants en la Cathédrale Notre-Dame de la Treille est ainsi à l'image de ce Festival : très vaste et ambitieux. Si les œuvres sacrées sont choisies avec évidence pour ce lieu sacré, elles tracent un parcours historique et surtout esthétique fort complexe. Le programme polyphonique part du classique et y revient, en passant par du romantique et post-romantique. Il part surtout d'une très grande complexité qui va decrescendo, entraînant à l'inverse un crescendo de qualités musicales.
Le Jeune Chœur des Hauts-de-France porte parfaitement son nom, les qualités et délicatesses qui vont avec : cette chorale a été fondée très récemment (en 2019) et se compose de jeunes voix, en difficulté encore (ce qui est bien naturel) dans les grands mouvements fugués et vocalises vertigineuses qui ouvrent d'emblée le concert, mais en beautés dans les morceaux épurés qui révèlent leurs timbres. Le parcours est ainsi davantage celui du flou vers la précision, un parcours éloquent en voyant l'évolution du chant entre les deux Laudate Pueri (le bien-nommé "Louez, enfants"): celui d'Haydn qui ouvre le concert, celui de Mendelssohn en son cœur, bénéficiant de l'épure du Panis Angelicus de César Franck, menant vers le Psaume 23 de Schubert et refermant le tout sur l'Ave Verum Corpus de Mozart.
Les voix traversent ainsi, progressivement et de manière remarquée un double et terrible obstacle, proche pour chacun et lointain pour tous : le masque que garde chaque choriste en chantant, et cette acoustique très réverbérante (quelques voix très placées dans le timbre et la rythmique et stratégiquement placées dans chaque pupitre donnent les départs et les intentions en relais). Les voix se rassérènent d'autant, mutuellement, qu'elles font bloc dans des accords à la clarté et lumière résonnant avec celle des lieux et du répertoire, le decrescendo de virtuosité va avec un crescendo de justesse même si les voix fatiguent au fil de ce long répertoire (les lignes partent de plus en plus bas pour remonter vers la note).
La timidité des jeunes mélomanes se lève ainsi progressivement, notamment grâce au soutien de l'orgue tenu par Denis Comtet, d'un quatuor à cordes et de la cheffe de chœur Pascale Dieval-Wils (également l'une des cheffes de chœur des ateliers Finoreille de l'Opéra de Lille). L'instrument soutient les accords mais aussi les phrasés, comme la cheffe guide l'ensemble par ses gestes amples et précis. L'organiste suit toutefois lui aussi ce parcours acoustique, ses grands soli noyant la Cathédrale de jeux et de pédales, avant de clarifier ses lignes (dans la Symphonie-Passion de Marcel Dupré).
Les applaudissements se noient eux aussi, mais par l'effet de leur nombre enthousiaste.