Opera'phone au Festival Off d'Avignon 2019
Ce spectacle tout public s’inscrit parmi les nombreuses initiatives développées aujourd’hui pour rendre l’opéra plus accessible, notamment en mélangeant les genres et les codes. Entre théâtre et chant, l’histoire est celle de deux chanteuses lyriques sur le point de commencer leur récital. Embêtées par l’absence de leur pianiste, elles découvrent un gramophone enchanté dans lequel l’accompagnateur s’est retrouvé piégé. S’engage alors un parcours à travers de grands airs et duos lyriques signés Mozart, Rossini, Bizet, Gounod (entre autres), abordés avec délicatesse et soin.
Leur périple musical pour sauver leur pianiste est marqué par différentes étapes, correspondant aux objets qu'elles retrouvent dans le sac abandonné de l'instrumentiste (celui-ci leur expliquant que le sac contient un moyen de le libérer). Chacun des objets renvoie à un air célèbre de manière ludique : une bande dessinée de Tintin "Les bijoux de la Castafiore" pour l’air des bijoux de Faust, un jeu de tarot pour l'air des cartes dans Carmen de Bizet, entre autres.
Les deux sopranos assurent leur jeu avec dynamisme et entrain. Regards et voix complices, robes colorées à pois et les nombreux accessoires apportent du mouvement, de la légèreté et de la brillance à la mise en scène. D'autant que le spectacle est interactif, le public est invité à participer à la libération du disparu en chantant sur le célèbre air du carillon de Papageno dans La Flûte enchantée de Mozart. Le pianiste ainsi délivré sera au final joué par l'un des spectateurs.
Accompagnées par une bande-son pré-enregistrée (Qiaochu Li au piano) ainsi qu’une voix off de Romain Canonne, les protagonistes sont obligées de suivre une allure soutenue qui peut parfois provoquer quelques précipitations et désaccords pour le chant. Les deux voix s’entremêlent, se cherchent, et se réconcilient cependant avec amusement. Rosalie la meneuse est interprétée par la soprano Marie Nicot. Elle se donne corps et âme à cette personnalité coquette, espiègle et naïve. Habituée des grands répertoires mais aussi de l’opérette, elle cerne son personnage d'une voix légère, juste et d’un timbre clair. Les aigus fluides et contrôlés résonnent dans la salle.
Marine Costa (récemment sélectionnée pour la résidence "Opéra de-ci de-là" à l’Académie du Festival lyrique d’Aix en Provence 2019) remplace Anne-Sophie Honoré dans le rôle de Pénélope. S'appuyant sur un jeu scénique naturel, elle déploie une voix lyrique généreusement puissante, chaude et homogène dans son étendue. La ligne vocale semble s’adapter à chaque opus, avec agilité dans les vocalises. Cependant, des sons un peu forcés se font entendre dans les graves.
C’est dans l'alchimie de ces deux voix et une atmosphère captivante que cette création originale et inventive continue d'offrir à l’opéra un regard neuf.