Voyage en terre celtique à la Philharmonie de Paris
La première partie orchestrale de ce concert est dédiée à Mendelssohn avec l’ouverture des Hébrides et la 3ème symphonie dite écossaise. Le chef d’orchestre écossais Douglas Boyd propose une vision impressionniste de sa région natale. Les touches lumineuses des cuivres et bois émergent du tapis frémissant des cordes et installent une atmosphère digne d’un roman de Walter Scott. Le discours musical est limpide et émotionnel. La direction nette et précise, donne l’énergie au moment voulu, sans gestes excessifs. Les musiciens sont à l’écoute du chef et des autres pupitres, réactifs, fébriles. La palette de nuances est contrastée, allant du pianississimo -les archets touchant à peine les cordes dans les Hébrides- aux grands élans dramatiques des passages chromatiques ponctués de timbales rageuses préfigurant le climat tempétueux du Vaisseau fantôme de Wagner, durant le 1er mouvement de la symphonie. Un mouvement perpétuel parsemé par moments de motifs sautillants suggère le monde des elfes et farfadets des landes. Une danse écossaise se conclut en apothéose par un hymne éclatant, hommage du compositeur à ce pays qu’il parcourut durant sa jeunesse.
L'intérêt du concert réside dans l'interprétation d’une œuvre fondatrice très peu jouée : les 9 mélodies irlandaises d’Hector Berlioz "remodelées" en 2017 au festival Berlioz de la Côte St André par le jeune compositeur Arthur Lavandier. Initialement composée pour diverses voix et formation instrumentale sans réelle unité si ce n’est l’évocation de l’Irlande à travers les poèmes de Thomas Moore, Lavandier propose une version pour orchestre et mezzo-soprano dans laquelle il insère de nouveaux thèmes issus de la musique traditionnelle irlandaise. Ce n’est pas la 1ère fois qu’il relit une œuvre de ce compositeur (il s'est déjà fait remarquer avec une version de la Symphonie fantastique).
Arthur Lavandier s’en donne à cœur joie, invitant les musiciens de l’orchestre classique à jouer gigue et airs traditionnels (où s’illustre avec virtuosité la violoniste super soliste Deborah Nemtanu) et à s’accommoder des instruments irlandais ayant pris place dans l’orchestre : bodhran (côté percussion) piccolo imitant un tin whistle (côté flûtes), harpe celtique et cornemuse ! La partition regorge d’inventivité servie par un orchestre réactif et par la voix expressive de la mezzo-soprano Karine Deshayes.
Dès la 1ère mélodie, la voix est ronde, le timbre chaleureux et le vibrato marqué. L’expression de douceur, l’atmosphère rêveuse que suscite ce « coucher de soleil » est perceptible. Cependant, la ligne vocale et la rondeur de la voix semblent davantage privilégiées à l’articulation rendant le texte incompréhensible, d’autant plus que les médiums graves sont difficilement audibles. La voix se déploie davantage dans la seconde mélodie : Hélène. Dans cette ballad, la chanteuse semble plus à l’aise, entraînée par le Reel (danse irlandaise) endiablé entre le piccolo/tin whistle et le violon/fiddle qui ponctue chaque strophe en guise de refrain.
Par la suite, la voix reste expressive, nuancée notamment dans « la belle voyageuse » ou « chant sacré ». Le médium s’affirme et apporte l’homogénéité à la tessiture. Dans « l’origine de la harpe », la voix toute en finesse s’accorde à la douceur de la harpe celtique et l’accompagnement très discret de l’orchestre permet une meilleure compréhension du texte. Même si la dualité Majeur/mineur se perçoit bien dans la coloration du timbre de la voix pour « Farewell Bessy », les aigus rayonnants restent cependant trop sages pour intégrer les ornementations propres aux musiques populaires irlandaises. C’est certainement dans « chant guerrier », dopée par l’intervention de la cornemuse (jouée par Joanne McIver, sonneuse de l’ambassade de Grande-Bretagne à Paris) et la métamorphose de l’orchestre en bagad irlandais qu’elle donne à sa voix le plus de brillance et de majesté.
C’est d’ailleurs la reprise de ce morceau qui sera donnée en bis après de chaleureux applaudissements du public pour ce "Festival inter-celtique et philharmonique".