Nathalie Stutzmann rend hommage aux contraltos à la Cité de la Musique de Paris
Moins connues que Farinelli ou Nicolino, La Negri, Anna D’Ambreville, La Robinson et d'autres séduisirent néanmoins le public et les compositeurs de leur voix grave, offrant un pendant à l’androgynie des castrats et incarnant des personnages masculins autant que féminins. Des critiques de l’époque attestent de leur notoriété : Francesca Vanini-Boschi « cantatrice, à la tessiture étroite mais fascinante par sa profondeur ». La Tesi apparait dans les Mémoires de Casanova et resurgit dans le Consuelo de George Sand. Goldoni écrit à propos de La Giro : « Elle n’avait pas une belle voix, n’était pas une grande musicienne, mais elle jouait bien et avait des protecteurs. » Qu’elles soient virtuoses, expressives et/ou comédiennes, les prime donne de l’époque pouvaient être contraltos.
Ce registre particulier troubla Nathalie Stutzmann au début de ses études vocales et elle confie s’être sentie moins seule en découvrant Kathleen Ferrier. La voix de Stutzmann se caractérise par la profondeur de son timbre, seyant au legato soutenu des airs lents. « Caro, addio, dal labro amato » de Bononcini laisse entendre une ligne de chant expressive, souple et chaleureusement appréciée. Sa voix peut aussi se teinter de couleurs plus dramatiques et devenir puissante lorsqu’elle déclame « Pena tiranna io sento al core » (une peine tyrannique s’est emparée de mon coeur). Dans un climat général empreint de douceur, quelques airs virtuoses pimentent la soirée. Ainsi Irène fulmine-t-elle dans « Dal crudel che m’ha tradita » (Au barbare qui m’a trahie), et Polinesso en appelle au devoir et à la justice (« Dover, giustizia )» dans l’extrait d’Ariodante de Haendel, dévoilant une agilité précise et aisée. Toutefois, la grande douceur et la profondeur du timbre de la contralto ne sont pas toujours favorables à une bonne intelligibilité. La voix semble manquer de projection dans la salle de la Cité de la Musique et les voyelles extrêmement couvertes rendent le texte difficilement compréhensible. Le jeu théâtral convenu pour ces airs d’opéra est minimisé par une gestique plus orientée vers l’orchestre que vers une incarnation des différents personnages, Nathalie Stutzmann dirigeant également l’ensemble instrumental.
Elle passe d’une fonction à l’autre dans un grand naturel et tout son corps communique sa musicalité dans une gestique peu conventionnelle, qui permet cependant une véritable symbiose entre elle et les instrumentistes. Elle explique ainsi sa « volonté de créer un son particulier qui soit reconnaissable entre tous » et combien « des instruments baroques peuvent sonner rond, généreux et jouer avec du vibrato ». L’équilibre permet au public d’apprécier la partie solo de théorbe dans le Largo extrait d’un concerto de Vivaldi, le basson et les deux hautbois enrichissant l’ensemble de sonorités chatoyantes : à l'image de la rondeur intime du dialogue entre l’orchestre et la chanteuse.
Chaleureusement applaudie Nathalie Stutzmann propose deux bis (Haendel rapide et Gasparini lent), deux occasions supplémentaires pour le public, ravi, d’entendre chanter l’orchestre !