Juan Diego Florez, l’Homme des bis à la Philharmonie
Juan Diego Florez aura démontré toute l’étendue de ses talents au cours d’une soirée aux diverses facettes. La première partie du spectacle, durant laquelle le ténor chante accompagné de Vincenzo Scalera au piano, débute par une interprétation de mélodies de Duparc, dédiées à la mémoire des victimes des attentats de la semaine précédente. Le public apprécie d’emblée sa ligne vocale élancée et sa maîtrise des aigus qui a fait sa renommée internationale. Habitué du répertoire romantique français, Florez délivre les poèmes de Jean Lahor, Leconte de Lisle et Charles Baudelaire, offrant une jolie rondeur dans les phrasés. Vient ensuite un passage en revue d’airs d’opéra de Mozart, Rossini et Donizetti. Le ténor y est dans sa zone de confort (malgré une certaine difficulté à aller chercher les graves dans "Un aura amorosa" extrait de Cosi Fan Tutte) : le public apprécie.
Juan Diego Flórez (© Decca / Simon Fowler)
Après l’entracte, l’ambiance n’est plus la même. La troupe s’enrichit d’un percussionniste, d’une accordéoniste, et surtout d’un mandolino, Avi Avital, qui régale le public tout au long de cette seconde partie, et obtient même un triomphe à l’issue d’un intermède musical. Si Florez aime ce répertoire et le montre bien, il ne s’y livre pas totalement : l’émotion peine parfois à pointer, mais le public se fait plaisir en entendant des titres tels que O sole mio d’Eduardo Di Capua.
Ce n’est d’ailleurs finalement qu’une fois son programme achevé que le ténor semble pleinement se libérer. L’Homme des bis enlève son nœud papillon qu’il jette au public et reprend pour commencer l’air de la Fille du régiment grâce auquel - fait rarissime - il fut bissé sur les plus grandes scènes internationales. S’amusant de l’absence des chœurs auxquels son chant répond, et de l’attente suscitée par la ronde finale, il enchaîne les neuf contre-ut qui font de cet air l’un des Everest du répertoire de ténor avec sa maîtrise habituelle. Après un air plus personnel, extrait de Roméo et Juliette, Florez revient avec sa guitare, s’accompagnant pour un air péruvien, hommage à ses origines et à son père, chanteur de musiques traditionnelles. Le ténor revient alors une dernière fois, interprétant "Una furtiva lagrima" extrait de l’Elixir d’Amour. L’interprétation souffre certes de la comparaison avec la sublime prestation d’Alagna, il y a quelques semaines à l’Opéra de Paris, mais Florez en joue, amusant le public en reprenant les dernières mesures de l’air, n’ayant pas réussi à émettre convenablement son avant-dernière note. Le public n’en a cure et lui offre une standing ovation qui vient joliment conclure cette soirée.