Simon Keenlyside et Malcolm Martineau à La Monnaie : nostalgie du cœur et de la voix
Depuis quelque temps déjà, entre deux grandes productions d’opéra, La Monnaie rend hommage avec mélancolie et passion à un genre musical intimiste mais surtout d’une très belle difficulté qu’est le Lied. Le duo est le même à Bruxelles qu’à Paris en septembre dernier, mais cette fois-ci le programme voyage entre les chants patriotiques finlandais de Jean Sibelius, l’incontournable Schwanengesang (Le Chant du cygne) de Franz Schubert, une sélection des Mörike-Lieder d’Hugo Wolf et le cycle Tel jour telle nuit de Francis Poulenc, dessinant une Europe avec une identité forte et subtile : même genre musical toujours, mais une diversité remarquable des timbres et harmonies, véritable contes modernes, imagés et transportant.
Hélas, Simon Keenlyside sort tout juste d’une interruption de saison pour cause de problème de santé et il ne semble pas tout à fait remis (il était déjà apparu gêné en ouvrant la saison de récitals à Garnier). La diction finnoise inaugurant le programme semble difficile, le souffle est court et malgré son amour de la scène, les oiseaux des envolées lyriques ne décollent pas. Heureusement le clavier tempéré de Malcolm Martineau sait déployer sa remarquable tempérance, d’autant que, grâce à cet accompagnement, le baryton reprend peu à peu son assurance, notamment sur le Liebesbotschaft de Franz Schubert. Le chanteur marque le rythme d’une voix appuyée, ouverte et surtout très narrative, puis surgit le Kriegers Ahnung, dont le clavier de Malcolm Martineau, voulu par Schubert à l’égal de la partie vocale, permet un rayonnement des deux artistes. La connaissance de Schubert par Simon Keenlyside, mais aussi son indéniable amour du compositeur lui permettent de dépasser cette voix d’hiver pour un réel rayonnement vocal. Un bel investissement qui se trouvera toujours avec Schubert.
L’entracte aura certainement refroidi la voix du chanteur, courte et indécise entre le chanté et le parlé. Le Lied Vom Winde (sur un texte signé Eduard Mörike) devait être une injonction contre le vent, il laissera l’auditoire partagé entre l’immense respect pour la voix de Simon Keenlyside et le chagrin devant ses peines vocales. De nouveau, la voix se réchauffe peu à peu, toujours rythmée par le clavier subtil et vif de Malcolm Martineau. Le chanteur perdure dans ce combat, et sait même rebondir par sa véhémence portée sur une vivacité d’esprit redoutable dans la délicate partition Tel jour telle nuit de Francis Poulenc.
L’auditoire comprendra que c’est la voix, usée par une opération de la thyroïde qui s’affirme encore, avec courage, puissante toujours, peut-être voilée et au souffle court, mais résolument sensible et touchante.