Grande Messe en ut - Festival Mozart Maximum à La Seine Musicale
À une époque, des querelles éclataient à propos de la prépondérance du texte ou de la musique. À l’heure actuelle, elles pourraient resurgir, opposant la place de l’image à celle de la musique. Le choix de filmer le concert (par la réalisatrice Pascale Ferran) et de le projeter sur grand écran en même temps que le public voit les musiciens sur scène, place l’image au premier plan, accaparant l’attention des auditeurs tant il est difficile de faire abstraction de ce grand écran placé au-dessus de l’orchestre et du chœur.
Les images se veulent interprétatives de la musique : des gros plans des artistes ou, pour les fugues, une fragmentation du cadre. Mais elles apparaissent aussi redondantes quand est projeté un ciel étoilé pendant « et incarnatus est », ou un envol de canards au dessus de l’eau pendant le quatuor vocal final. Un prologue pédagogique, faisant intervenir une musicologue, la chef d’orchestre et le premier violon, offre trois entrées possibles dans l’œuvre, mais l’intérêt retombe quand la réalisation s'attarde sur les artistes patientant dans les coulisses.
La Grande Messe en ut, restée inachevée, est la première œuvre religieuse totalement dégagée des exigences d’une commande. Mozart aurait fait le vœu de composer une messe si sa femme Constance guérissait d’une grave maladie. Cette messe révèle toute la dimension de l’œuvre de Mozart. Elle témoigne de son amour de la vie, de l’angoisse face à la mort et utilise tous les moyens d’expression dans une totale liberté.
Mozart, Grande Messe en ut mineur par Insula orchestra et accentus, direction Laurence Equilbey, dans la Chapelle du séminaire Saint-Sulpice
L'opus donne en outre la part belle aux deux chanteuses solistes, Mari Eriksmoen (soprano 1) et Sylvia Schwartz (soprano 2). La soprano 1 est lumineuse sur les grands intervalles ascendants du Christe, et tout en délicatesse dans le « Et incarnatus est », malgré le tempo allant imposé par la chef. Elle maîtrise toute l’étendue de sa voix, du registre de poitrine bien sonore aux aigus cristallins, laissant paraître toutefois une faiblesse dans le médium, qui peut manquer d’accroche.
La soprano 2 , vaillante sur les vocalises redoutables du Laudamus te, possède une voix charnue au vibrato marqué. L’homogénéité sur le grand ambitus de l’air ne masque pas un manque de souplesse. Les élans des phrases sont par ailleurs parfois un peu violents. Les chanteuses dialoguent dans le Domine, chacune avec son timbre spécifique, se répondent sur Agnus dei, Sylvia Schwarz n’ayant pas la même aisance dans l’aigu que sa partenaire Mari Erikmoen. Soulignons le beau timbre du ténor Reinoud Van Mechelen et la présence discrète du baryton Philippe Estèphe qui intervient uniquement dans le quatuor final.
La direction de Laurence Equilbey offre une version énergique de l’œuvre : des tempi rapides, des soubresauts et des gestes saccadés auxquels répondent les musiciens par un phrasé très accentué. Le chœur de chambre accentus (32 chanteurs) n’est pas en reste quant à l’énergie : les chanteurs se dressent d’un bond au moment de chanter et, malgré quelques attaques un peu raides des sopranos, l'ensemble s’exprime remarquablement et d’une manière très nuancée.
Le public rend hommage à ce concert qui s’inscrit dans le credo de la Seine musicale : rendre la musique accessible à tous et la faire vivre sous toutes ses formes.