Une mort trop petite pour eux (10/10)
Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Anticonformiste, élève « terrible » de Rimski-Korsakov, Prokofiev entre au conservatoire à 13 ans, montre très tôt une grande aptitude à l'orchestration et s'avère convaincu de la supériorité de son talent sur ses camarades comme sur ses professeurs. En 1913, Prokofiev conclue ses dix ans passés au conservatoire, en recevant le prix Anton Rubinstein, la plus haute distinction. Lorsque la Révolution russe éclate, Prokofiev choisit l'exil et part aux Etats-Unis, où il crée avec succès L'Amour des trois oranges. Il effectue une tournée de concerts pour gagner sa vie, collabore pour des musiques de ballets avec Diaghilev. Il vit plusieurs années en dehors de la Russie, mais a le mal du pays. Il retourne une première fois en URSS en 1933 attiré par les promesses alléchantes de Staline -un appartement à Moscou et l'assurance de se produire en toute tranquillité-, puis s'y fixe définitivement en 1936. Malgré les nombreuses contraintes imposées par le régime, Prokofiev persiste et consacre toute son énergie à la composition. Musique de films, ballets, Prokofiev ne cesse de composer.
Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, sa femme Lina et ses deux fils vivent seuls à Moscou dans la misère la plus sinistre. Prokofiev l'a quitté pour Mira Mendelson, sa maîtresse, avec qui il a fuit dans le Caucase. Il a 48 ans, elle 24. Il l'épouse en 1948. Alors que les purges staliniennes ravagent le pays, Prokofiev se voit privé de travail et réduit à des conditions de vies plus que miséreuses. Son état de santé se dégrade et il est victime de plusieurs accidents cardiaques. En janvier 1945, il manque de mourir. Il ne dirige plus aucun concert , s'isole. Quelques mois plus tard, arrêtés par les autorités russes, Lina et ses deux fils sont envoyés au goulag en Sibérie. Tandis qu'il fait ce qu'il peut pour l'en sortir, Prokofiev est toujours forcé d'écrire à la gloire de Staline et de respecter la ligne du parti. À l'étranger, l'opinion envers lui se détériore et le voit comme un artiste de propagande.
Le soir du 5 mars 1953, il est victime d'une hémorragie cérébrale brutale, cinquante minutes plus tôt que... Staline. La Pravda, organe officiel du parti, passe sous silence pendant près d'une semaine la mort du compositeur pour ne pas faire de l'ombre au maître du Kremlin. La famille du compositeur est même sommée de ne pas ébruiter la nouvelle. Quarante personnes seulement peuvent faire le déplacement aux obsèques discrètes de Prokofiev. Toute la nation a les yeux rivés sur « le petit père des peuples » et la nouvelle de la mort de Prokofiev n'arrive que trois jours plus tard à l'Ouest.
Ecouter un air du jour dédié à Prokofiev !
Ecouter Anna Netrebko dans Guerre et Paix de Prokofiev
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