Les Noces de Figaro par Martinoty en qualité Blu-Ray
Hommage classique au Marivaudage, la mise en scène propose une chambre unique, point de rencontre entre quatre portes. Les costumes d'époque (corsets pigeonnant répondant aux chausses, souliers vernis, culottes et jabots taillés par Sylvie de Segonzac) habitent magnifiquement un plateau recherché (notamment les tableaux qui forment le décor signé Hans Schavernoch). La mise en scène classique n'interdit pas certaines audaces, notamment pour Les Noces de Figaro qui conservent leur puissance politique révolutionnaire 240 ans après la première lecture à la Comédie-Française du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Toutefois, le classique rime aussi avec candeur, comme lorsque la comtesse mire un sablier en regrettant les beaux moments passés.
Le Blu-Ray permet aussi d'apprécier la qualité des voix (avec toutefois quelques discrépances fugaces dans l'équilibre sonore lorsque les chanteurs se déplacent et sont de fait captés par différents micros). Luca Pisaroni est un Figaro vocalement royal et d'une grande intensité dramatique. Les yeux candides de l'amoureux sont bientôt révulsés par le drame et il perle à grosses gouttes. Cette puissante direction d'acteur est portée par une mise en scène efficace et riche en symboles. Notamment, lorsque Figaro recoiffe la perruque poudrée d'un mannequin auquel il ne reste plus que la tête (la guillotine révolutionnaire tranchant les têtes aristocratiques n'est pas loin, elle s'aiguise). Dès lors, il bascule dans une délicieuse cruauté, moquant à merveille Chérubin dans le Non piu andrai, paroxysme de sarcasme éclatant bientôt en colère. Sa fiancée Susanna interprétée par Rosemary Joshua sait déployer une voix joviale tout en maîtrisant les fils de l'intrigue par un caractère spirituel.
Le Comte et la Comtesse, couple vocal puissant sait pleinement harmoniser ses voix dans le conflit. À ce titre, l'enchaînement de leurs deux airs solistes est superbe, Pietro Spagnoli avec la douceur d'une autorité naturelle menaçant de plonger dans l'autocratie, Annette Dasch vers cette fêlure de la femme blessée mais ne cédant jamais car luttant par une voix chaude et merveilleusement tenue pour sortir avec résolution de sa torpeur nostalgique.
Angelika Kirchschlager est une voix de Cherubino plus large que de coutume (hormis dans un grave restreint). Enrico Facini est une voix de métier, assurée dans le rôle de Don Basilio avec des accents aussi fiers que ses harmoniques aiguës. Serge Goubioud offre la touche de répit comique (rappelant l'hommage rendu par le théâtre français à la commedia dell'arte) avec son Don Curzio bégayant, trépignant à en faire sauter sa voix et sa perruque. Malgré la rondeur de son timbre, la Marcellina chantée par Sophie Pondjiclis ne passe pas bien à l'enregistrement. Antonio a la générosité joviale d'Alessandro Svab avec son récit chanté. Enfin, Barbarina est incertaine et adoucie avec Pauline Courtin.
René Jacobs porte avec énergie le Concerto Köln, au point que l'orchestre montre trop d'empressement sur les passages rapides (perdant notamment Antonio Abete, malgré son registre bouffe seyant au rôle de Bartolo). Toutefois, les contrastes mènent avec enthousiasme vers les mouvements plus amples, l'éclat, la pompe et surtout de très beaux récitatifs.
Parmi les Chœurs du Théâtre des Champs-Élysées, les femmes paysannes offrent l'ample et chaud parfum, en bouquets de fleurs et de voix joignant l'ensemble des interprètes en danses classiques et nobles farandoles célébrant tutti la fin heureuse.