Le public de Nancy renoue avec sa maison d’opéra
Ce 26 juin devait être la première du Barbier de Séville à l’Opéra national de Lorraine. Mozart, Wagner et Mahler remplacent Rossini pour ce concert qui suit et précède de nombreux autres, dans une thématique Nocturne en avant-goût de la nouvelle saison de la maison au slogan fédérateur « Transfigurer la nuit ».
Comme le rappelle en introduction Matthieu Dussouillez, le Directeur des lieux, la maison et ses membres sont heureux et enthousiastes d’accueillir à nouveau le public et de retrouver le chemin de la scène. La distanciation physique reste toutefois de mise. Le public réduit retrouve les ors de la grande salle en suivant un parcours selon le code couleur de chaque ticket, le masque et le gel sont de rigueur, un fauteuil d’orchestre sépare chaque groupe de spectateurs et les places en loge sont toutes attribuées. Les changements de pupitres entre les œuvres sont effectués par un personnel masqué, et un bon mètre sépare les musiciens.
Bien sûr, il n’y a pas d’orchestre au grand complet, mais lorsque la dizaine d’instrumentistes s’accorde, le public retrouve le frisson qui précède le concert, ce moment d’osmose magique où chaque instrument fait entendre sa gamme, ce moment annonciateur d’émotions qui en est déjà un à lui tout seul pour tout mélomane et qu’aucune captation vidéo ne saurait remplacer.
Retrouvant ses habitudes, le public applaudit avec joie l’arrivée du premier violon et du chef. Venu de Berlin, Jakob Lehmann dirige l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine pour la Symphonie n°29 de Mozart et Siegfried Idyll de Wagner, avant les Rückert Lieder de Mahler. Les oreilles déconfinées retrouvent avec Mozart la brillance et la clarté des cuivres, l’engouement des cordes, leur souplesse et leur liant. Tout n’est que joie, luminosité, éclat et vigueur retrouvés. Siegfried Idyll n’est que douceur, puis arrive la chaleur enveloppante, caressante des cuivres et des vents qui mène ensuite au triomphe de Siegfried et du cor lumineux, reflétant le lever de soleil orange du long titre originel (Idylle de Tribschen avec chant d'oiseau de Fidi et lever de soleil orange).
Pour Mahler et les cinq chants inspirés des poèmes de Friedrich Rückert, Véronique Gens, élégante et classieuse dans sa longue robe noire et blanche, déploie un timbre à la clarté adamantine, sur lequel cuivres et vents se greffent naturellement. Dès le premier chant, Blicke mir nicht in die Lieder (Ne regarde pas mes chants), le travail sur le souffle est précis, ce premier chant bref et relativement rapide s’offrant ici avec aisance. Posé sur les aigus comme sur les graves, le vibrato est exécuté sans faillir. Les passages des aigus aux graves se font avec facilité, les aigus les plus hauts d'Um Mitternacht (À minuit) sont purs et longuement tenus, veloutés sur l’ultime Ich bin der Welt abhanden gekommen (Je suis perdu pour le monde, dont certaines phrases rappellent le célèbre Adagietto de la Symphonie n°5 du même compositeur). La diction ne souffre aucun accroc, le découpage des syllabes est précis et la soprano porte un soin particulier à l’articulation des doubles consonnes allemandes. Le long silence recueilli du public précède l’ovation offerte à l’ensemble du plateau, et à la musique, tout simplement.