Le verdict tranché de la Cour des comptes sur l'Opéra de Montpellier
L'Opéra de Montpellier a fusionné avec l'Orchestre national de Montpellier en 2002, créant l’OONM (Opéra Orchestre National de Montpellier). L’établissement est dans une situation budgétaire alarmante, due à une baisse de ses ressources, aggravée d’une hausse de ses dépenses.
Son budget s’élève à 22,76 millions d'euros en 2014 avec 90% de subvention publique : 64% pour la métropole de Montpellier, 20% pour la Région, 15,7% pour l'État et 0,28% pour le Département. Or, les subventions ont subi une diminution drastique de 10,9 % en cinq ans (5 millions d’euros en moins de la part du Conseil Régional et 500.000 € du Conseil Général en 2013).
Après les recettes, passons aux dépenses. Le constat est le même que dans le rapport de la Cour sur l'Opéra de Paris que nous vous avions détaillé : pour survivre, les opéras en France doivent améliorer leur gestion du personnel. Le recrutement des employés, leur service et les modalités de licenciement pèsent très lourd dans les bilans des institutions lyriques. Ainsi, à Montpellier, les musiciens effectuent à peine plus de 50% de leurs heures (engrangeant tout de même un plein salaire et en profitant pour être rémunéré dans d'autres productions). Quant aux départs à la retraite et aux licenciements des cadres, ils ont représenté entre 2009 et 2014 un coût total chargé de 1,7 million d'euros. Il s'agit donc pour l'Opéra de négocier des conditions de rupture de contrat plus mesurées et en phase avec des métiers de direction d'établissements qui, par définition, fonctionnent en mandats.
Dès lors que les coûts ne sont pas parfaitement maîtrisés et que les subventions baissent (sans même que les opéras ne sachent à l'avance dans quelles proportions), un cercle vicieux s'installe : les théâtres doivent rogner sur des budgets essentiels (production, médiation, communication) ce qui entraîne un amoindrissement de leur offre (le budget de production des opéras de Montpellier a ainsi été divisé par trois en cinq ans) ainsi qu'un rétrécissement de leur public (le taux de remplissage est tombé à 68%). Les tutelles constatent alors, comme indiqué dans ce rapport, que le nombre de représentations est en baisse, donc que le personnel est trop nombreux, que les locaux sont surdimensionnés (avec plus de 3 millions d’euros de loyer annuel, soit 6 fois plus que l’Opéra du Rhin qui est plus grand). Notons toutefois que l'Opéra conserve un projet culturel extrêmement ambitieux malgré cette baisse de budget, avec diverses initiatives d'ouverture au public, de programmation d’œuvres méconnues (Cherubin, L'Hirondelle inattendue ou encore Royal Palace l'an dernier, Par-delà les marronniers et La nuit d'un neurasthénique cette saison), et un soutien à la création, notamment grâce aux artistes en résidence (compositeurs, metteurs en scène, scénographes, etc.) qui ont l'opportunité de développer un projet artistique sur une année complète.
L’Opéra de Montpellier sait par ailleurs mettre en avant les aspects positifs de sa maison : un train de vie modeste avec des frais de fonctionnement hors loyer à seulement 2 % du budget. En outre, l'Opéra Languedocien a dressé un plan de redressement pour faire face à ces défis. Tout d'abord, il réduit la masse horaire globale de ses effectifs en passant certains de ses employés à temps partiel (bien que les économies ainsi effectuées par l'Opéra soient financées par l’État à travers les aides de la Direction régionale des entreprises auxquelles ont droit les employés "partialisés"). Certaines incertitudes pèsent toutefois sur ce plan, qui repose sur des départs volontaires et des retraites anticipées et qui ne devrait porter ses fruits qu'à partir de 2018. Pour sa part, la direction de l’Opéra de Montpellier insiste sur sa démarche volontaire pour améliorer la gestion du personnel et c’est dans cet esprit qu’elle a dénoncé en 2015 ses accords d’entreprise, afin de les renégocier au plus tard en février prochain (notamment pour maîtriser les primes et augmentations salariales peu justifiées).
L'Opéra de Montpellier devra aussi devenir un Établissement Public, statut mieux en phase avec la gestion d'une institution culturelle majeure que le simple statut d'association. En effet, les statuts et le mode de fonctionnement actuels sont manifestement inadaptés (dans une missive alarmante pour l'avenir de l'Opéra, le préfet de région a même informé que l’État ne serait pas solidaire en cas de liquidation d'une association et il a donc sommé la direction de l'Opéra de supprimer cette clause de solidarité des statuts de l'association). D'autres actions concrètes pourront simplifier la gestion de l'établissement : établir des délégations afin que la direction n'ait pas à signer tous les documents et factures, mettre également en place la concurrence lors des achats et émettre des appels d'offres.
Le plafond de l'Opéra de Montpellier (© Marc Ginot)
La Cour, dans un acte exceptionnel, n'a pas même émis de recommandation (tant le chantier est important). Espérons que l'Opéra de Montpellier saura se redresser et dignement représenter son prestigieux statut d'Opéra national en région (réservé à Lyon, Bordeaux, Montpellier, au Rhin et à la Lorraine). D’autant qu’à la suite de la réforme territoriale, il y a désormais deux opéras dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : Montpellier et le Théâtre du Capitole de Toulouse.
Retrouvez notre présentation de la saison 2016/2017 à l'Opéra de Montpellier