Une Passation inédite et deux missions lyriques au Ministère de la Culture
La nouvelle Ministre de la Culture est mélomane, elle ne cesse de le rappeler mais aussi de le démontrer. C'est ainsi qu'elle a tissé un véritable fil rouge en forme de leitmotiv (c'est le cas de le dire) durant tout ce discours, se comparant à la Norne du Crépuscule des Dieux qui tresse la corde du destin (une manière de rappeler combien la Tétralogie est attendue pour la réouverture de l'Opéra Bastille). Roselyne Bachelot (qui expliquait qu'elle chante même en Conseil des Ministres) a même esquissé quelques notes du fameux duo masculin de Don Carlos, façon de rappeler le souvenir de la rencontre aux sommets entre Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier à porter au crédit du Directeur partant.
Pour tresser le fil du destin lyrique national, et "semer dans nos âmes Un rayon des mêmes flammes, Le même amour exalté, L'amour de" l'Opéra, la Ministre mélomane a profité de l’occasion pour annoncer deux nouvelles missions, l'une pour Paris, l'autre pour la France.
Après avoir accéléré le départ de Stéphane Lissner et l'arrivée d'Alexander Neef, et afin de relever cette maison parisienne que le Directeur sortant disait "à genoux" et que la Ministre décrit comme "artistiquement et financièrement exsangue", Roselyne Bachelot confie une première mission à deux personnalités : Georges-François Hirsch (co-directeur de l'Opéra de Paris entre 1981 et 1983, Directeur général du Théâtre des Champs-Élysées, puis administrateur général pour l'ouverture de l'Opéra Bastille puis de la maison jusqu'en 1992, et Directeur général de l'Orchestre de Paris entre 1996 et 2008),
et le haut fonctionnaire Christophe Tardieu (récent Directeur général délégué du Centre National du Cinéma, ancien Directeur-adjoint de cabinet pour la Ministre de la Culture Christine Albanel et créateur en 2010 du poste de Directeur adjoint de l'Opéra). La Ministre les charge dès à présent et pour une finalisation en novembre d'un diagnostic "sans concession" aboutissant à des propositions sur les plans artistiques, financiers, d'organisation, de gouvernance et de statut.
Autant de champs qu'étudiera aussi, pour les opéras en France (dont plusieurs Directeurs étaient ici présents), Caroline Sonrier (actuelle Directrice de l'Opéra national de Lille). Cette mission doit aboutir d'ici l'été à des propositions permettant de mieux faire vivre ces structures dans le respect des prérogatives des collectivités locales (rappelant au passage que l'État finance 15 des 40 maisons lyriques à travers la France, et surtout les 6 opéras nationaux). La Ministre a déjà donné plusieurs indicateurs sur ce qu'elle attend en termes de synergies, de mutualisation (invitant évidemment les maisons à se réunir pour des co-productions) mais aussi en termes de sécurité pour les artistes lyriques.
Reste tout d'abord à souhaiter que ces missions soient effectivement soutenues et aboutissent à des mesures concrètes (sans aboutir à un énième rapport Théodule remisé dans un tiroir) tout en aidant les prises de fonction du nouveau Directeur parisien ainsi que le travail de tous ses collègues à travers la France, tout en respectant leurs initiatives et marges de manœuvre.
L'intronisation d'Alexander Neef comme nouveau Directeur de l'Opéra de Paris a été l'occasion pour la Ministre de la Culture d'insister sur l'utilité de ces missions d'évaluation et de conseil pour lui permettre de repenser le modèle de l'Opéra de Paris (depuis ses coûts de productions jusqu’aux attentes des publics et des tutelles). Roselyne Bachelot lui adressant également, comme son message principal : "Vous pouvez compter sur moi" pour assurer des responsabilités déterminées, rappelant que l'Opéra de Paris bénéficiera du plan de relance et annonçant de fait que celui-ci servira notamment à combler "au moins une partie" du déficit de la maison (un déficit qui dépasse toutefois allègrement les 50 millions d'euros alors que ce seront au total 120 M€ qui seront dédiés à tous les "opérateurs publics nationaux du spectacle vivant qui ont vu leurs ressources propres massivement chuter du fait de la crise").
Stéphane Lissner a remercié les salariés de l'Opéra de Paris ainsi que les artistes qui l'ont accompagné à travers ses mandats (et continueront de le faire à Naples), et insisté sur l'importance selon lui du projet de création d'une salle modulable, qu'il juge "indispensable à l'Opéra de Paris", concluant ainsi au sujet de l'institution qu'il quitte : "cette maison est difficile, mais quand vous lui donnez beaucoup, elle vous donne aussi, parfois un peu moins qu'espéré."
Alexander Neef prenant la parole, annonce qu'il ne veut pas une révolution mais une évolution, pas seulement du star-system mondialisé mais un Opéra dans son temps (une occasion de s'accorder avec les demandes d'un opéra moderne formulées par la Ministre et de se distinguer de la course aux grands noms et aux grands cachets). Le nouveau Directeur qui a remercié la Ministre pour son intervention décisive auprès de la Canadian Opera Company (afin qu'il puisse prendre ses fonctions parisiennes en ce jour) et tout aussi chaleureusement le Directeur Général adjoint Martin Ajdari qui assure la transition sur place depuis le début de la crise.
Saluant ses prédécesseurs, notamment la mémoire de Nicolas Joël ainsi que celle de Gérard Mortier avec lequel il a travaillé, le tout nouveau directeur a annoncé comme priorité la prise de contact avec les salariés, partenaires et mécènes.