Bryan Hymel au TCE : de l’amour et de l’héroïsme
A la tête de l’Orchestre Philharmonique de Prague, le chef Paolo Bressan ouvre la soirée de fort belle manière, interprétant l’ouverture des Vêpres Siciliennes sur un tempo très délicat, tirant de ses musiciens une certaine majesté dans les tutti, de très beaux élans de violoncelles et une force expressive de ses cuivres. Le décor est en place : dans un récital, le spectacle vient en grande partie de l’orchestre, et celui-ci est à la hauteur.
Le chef d'orchestre, Paolo Bressan
Bryan Hymel fait alors son apparition, timide et concentré pour un extrait de Rigoletto. Là encore, le ténor semble prévenir son public : il est en forme, et ses aigües héroïques, qui ont fait sa renommée, sont déjà remarquables. Il les tient même plus longtemps qu’exigé dans son aria de Cavaradossi (Tosca), étalant une grande maîtrise de son souffle. Mais le charme de cette soirée vient aussi de la complicité qui l’unit à son épouse, Irini Kyriakidou. Dès l’entrée de cette dernière, Hymel se détend, prend confiance et fait passer un frisson dans l’assemblée sur son « Chi son ? » (« Che gelida manina », La Bohème). Il laisse alors la main à sa partenaire pour « Mi chiamano Mimi » extrait du même opéra. La candeur de cette dernière trouve écho dans la timidité du personnage. Sa voix ronde et sa prononciation subtile compensent une puissance parfois insuffisante.
Irini Kyriakidou
Paolo Bressan attire alors de nouveau l’attention, pour un intermezzo extrait de Cavalliera Rusticana envoûtant. Le chef aime et vit la musique de Mascagni et transporte le public. Lorsque Hymel revient pour « Mamma, quel vino è generoso » extrait du même opéra, il apporte le coup de grâce, d’un « adio » déchirant : la salle est conquise, définitivement. Le spectacle n’en est pourtant qu’à l’entracte. Un jeune garçon présent dans le public ne peut réprimer son enthousiasme : « C’est génial ! Je suis trop heureux. Je veux faire ça quand je serai grand ».
Dans la seconde partie, le ténor aborde le répertoire français en grand habitué. De nouveau, la surprise est heureuse : sa prononciation est bien meilleure qu’attendue. La voix reste claire et puissante : le ténor ne fait qu’une bouchée du difficile extrait de Roméo et Juliette de Gounod. Le temps pour l’orchestre de se mettre en évidence par un nouvel interlude (avec une mention particulière pour le solo de hautbois nous transportant en orient et pour la remarquable précision des timbales, dont la partition est particulièrement complexe) et Hymel enchaine les performances et collectionne les vivats. Sur un extrait de Carmen, Kyriakidou fait montre d’une belle prononciation en français et obtient le baiser demandé par son personnage. Hymel chante « La fleur que tu m’avais jetée » ponctuée d’un magnifique si bémol pianissimo. Le silence qui s’ensuit est assourdissant.
Bryan Hymel (© Dario Acosta)
Rappelés, les chanteurs reviendront à trois reprises. Kyriakidou entonne d’abord un chant à la Lune extrait de Rusalka d’une grande subtilité, tant dans les nuances que dans les variations de tempi, puis Hymel déchaîne l’enthousiasme du public par un Nessun Dorma (Turandot) de très grande facture : plus ils reviennent, plus le public en redemande. Le ténor reviendra finalement une dernière fois pour reprendre « Mamma, quel vino è generoso » avec bien moins de retenue que la première fois, et une grande vivacité. Le succès est complet.