Pour un coup Dessay, un coup de maître
Après son passage au Châtelet pour les Parapluies de Cherbourg, la diva lyonnaise continue de porter sa carrière au-delà des scènes lyriques, se reposant sur ses seuls dons d’actrice. D’autant que c’est à elle uniquement qu’incombe le succès du spectacle, puisqu’elle reste seule sur scène le temps de la représentation, si l’on exclut l’accompagnement musical et sonore d’Alexandre Meyer.
C’est donc un double défi qu’elle devait relever avec Und : celui de prouver ses dons d’actrice « traditionnelle », et celui de se montrer à la hauteur d’une pièce, encore inédite en France, qui représente une gageure même pour les comédiens les plus chevronnés. Le texte en est ardu, et énigmatique : une femme attend, on se sait trop pourquoi, un homme, on ne sait trop qui. Le long de la représentation, des pistes sont suggérées au spectateur, du différend amoureux au spectre de la Shoah, sans apporter de réponse définitive. Reste l’attente de Und, car c’est ainsi que se nomme son personnage. Und est tiraillée entre l’angoisse et l’impatience, la colère et le désespoir. Elle meuble le vide en échafaudant des hypothèses et en s’énervant contre des domestiques invisibles, elle s’affirme tour à tour aristocrate et juive, sans que le spectateur ne sache s’il faut la prendre au pied de la lettre.
Son monologue est émaillé d’ellipses, de virements soudains de ton, scandés par les interruptions sonores et l’effondrement imprévisible des inquiétantes stalactites encerclant la comédienne, au fur et à mesure qu’ils fondent avec la chaleur de la salle. Avec cette partition si difficile, Dessay a trouvé là un rôle à sa mesure. Elle y insuffle sa vivacité fébrile et son grain de folie déjà bien connus de tous les aficionados de celle qui fut Zerbinetta (Ariane à Naxos de Richard Strauss), Eurydice (Orphée aux Enfers d’Offenbach) ou Cléopâtre (Giulio Cesare de Haendel). Si chaque mot qui sort de la bouche de Und est sujet à caution, Dessay réussit à faire vivre ces chimères tout en rendant palpable le gouffre menaçant qui, sourd derrière ses paroles, est illustré par l’anéantissement progressif du dispositif scénique imaginé par Jacques Vincey.
Photos : Natalie Dessay dans Und au Théâtre de l'Athénée (© Christophe Raynaud de Lage)
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