Le Tribut de Zamora à Saint-Etienne : 9. le Chœur par Laurent Touche
« Gounod a une limpidité mélodique et une évidence harmonique dans tout son catalogue. On sent dans cet ultime opéra, les fruits du métier et pourtant toujours sa fraîcheur d'écriture. Il est très subtil et économe. Le moindre rythme, le détail de chaque choix d'instrumentation et de tessiture se fait dans la suggestion (loin de tout cliché, même pour une œuvre qui pourrait trop facilement être réduite à la veine de l'exotisme, à la couleur locale). Même son travail de l'unisson entre les voix est impressionnant, c'est la preuve d'une maturité par la simplicité des moyens, comme il le fait dans de longues tenues harmoniques. Il compose ainsi, dès le chœur d'entrée, "Au vieux pays de Cantabrie" (qui vient juste après le Prélude), une musique ravissante, qui coule et va de soi. J'adore ce premier chœur qui déploie une élégance de l'évidence.
Le chœur est d'abord un chœur de liesse, à la fête, insouciant et célébrant des noces. Ils plongent ensuite dans la gravité, et tout se transforme alors, dramatiquement.
Le chœur ouvre et refermera le bal. Il est très présent, voire omniprésent aux débuts de l'opéra, ensuite il renforce des fins de scène. Le chœur tend presque à disparaître,... Mais pour mieux revenir en conclusion : c'est le chœur qui a le mot de la fin.
Les hommes chantent la maxime "Tiens pour saints les fous, sinon sois maudit" [à la deuxième minute dans la vidéo ci-dessous], une maxime qui résume l'intrigue et qui est la clé de toute l'œuvre, puisqu'elle permet le dénouement heureux, la réunion et la libération de la mère, de la fille et de son amant.
Ces paroles, prononcées d'abord par Hadjar, le frère de l'antagoniste Ben-Saïd tué par Hermosa mènent justement à la libération d'Hermosa car elle est prise pour folle. Elle fuit ainsi avec sa fille Xaïma et son gendre Manoël.
Toutefois, et bien évidemment, on ne peut pas passer à côté de l'hymne dans cette partition. "Debout, enfants de l’Ibérie ! Haut les glaives et haut les cœurs !" Cet hymne est chanté d'abord par le chœur puis par Hermosa dans la deuxième partie, marquant la révélation de son identité [dévoilée également dans notre épisode consacré à ce personnage, comme pour un tous les personnages de cet opéra dans cette série].
Le chœur reste dans des tonalités intenses et franches (faisant ressortir celle de l'hymne, plus puissante).
Le public a visiblement été sensible à cet hymne dès sa création, c'était aussi sans doute dans l'air du temps (c'est en 1879, seulement deux années avant la création du Tribut de Zamora, que La Marseillaise est devenue l'hymne national de la France).
Cet hymne de Gounod a ce caractère très clair, avec un rythme binaire, une tonalité brillante. Il se mémorise très aisément... toutes les qualités attendues d'un hymne en somme, et c'est déjà en soi une performance (nous, les chœurs, en savons quelque chose tant nous avons de sublimes chœurs d'hymnes dans le répertoire d'opéra).
On l'entend une fois, on l'a une bonne fois dans la tête. J'imagine tout à fait que cet hymne a dû être fredonné le soir de la création et qu'il le sera à Saint-Etienne.
Et puis, il y a aussi un chœur très beau "Entendez-vous la cloche ailée, Soulevant son pesant fardeau" avec l'entrée de trois cloches, à trois notes qui perdurent et se déploient sur tout ce chœur, dans un très bel effet avec une riche orchestration.
Le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire apporte le travail de fond, que nous faisons depuis des décennies sur la langue française. Plus on travaille, plus on est exigeant et nous sommes de fervents défenseurs du répertoire français. Nous y travaillons beaucoup (pour ma part, je suis toujours entre trois dictionnaires pour la prononciation selon les époques). Nous faisons un travail rigoureux qui permet ensuite la malléabilité musicale dans les répétitions. Et notre éminent plaisir à faire de la scène compose un véritable chœur lyrique. »
Rendez-vous chaque jour pour un nouvel épisode de cette série où les artistes vous présentent Le Tribut de Zamora par leurs personnages, et réservez vos places pour Saint-Etienne ces 3 et 5 mai 2024 à cette adresse.
1. Xaïma par Chloé Jacob
2. Hermosa par Élodie Hache
3. Iglésia, l’esclave par Clémence Barrabé
4. Manoël par Léo Vermot-Desroches
5. Ben-Saïd par Jérôme Boutillier
6. Hadjar et le Roi par Mikhail Timoshenko
7. l’alcade Mayor et le Cadi par Kaëlig Boché
8. le metteur en scène Gilles Rico
9. le Chœur par Laurent Touche
10. l'Orchestre par Hervé Niquet