Centenaire de La Callas, Série Hommage : épisode 1. La Joconde
L’année 1947 va se révéler primordiale à plusieurs titres pour la jeune cantatrice de 23 ans, Sophia Cecelia Kalogeropoulos dite Maria Callas. Les portes d’une carrière internationale s’ouvrent à elle. Après des études de chant débutées aux Etats-Unis, son pays natal, elle les poursuit en Grèce au Conservatoire National d’Athènes. Ses premiers pas sur scène se situent à Athènes justement en 1939 dans le rôle Santuzza (Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni). Ses années de formation vont se poursuivre en abordant notamment Tosca dès 1941 et Fidelio en 1944. Des rôles lourds donc pour une toute jeune femme souffrant par ailleurs de surpoids et affectée d’une forte myopie. Sa carrière ne prenant pas l’essor escompté, elle retourne aux USA en 1945 où elle parvient à se faire auditionner par le grand chef d’orchestre Tullio Serafin, qui jouera un rôle essentiel pour la suite de la carrière de Callas, et Giovanni Zenatello, immense ténor alors en retraite, ancien Directeur du Festival des Arènes de Vérone. Ils recherchent tous deux pour le Festival d’été 1947 une interprète pouvant tenir le rôle-titre de La Gioconda d’Amilcare Ponchielli. Ils sont subjugués par sa voix, sa ténacité. Elle est immédiatement engagée. Comme à son habitude, Callas démontre une force de travail peu commune, passant de longues heures avec Tullio Serafin pour comprendre et approfondir ce rôle ardu. Par ailleurs, lors d’un dîner précédant la première, elle fait la connaissance d’un riche industriel véronais et mécène du Festival, Giovanni Battista Meneghini, de presque vingt-huit ans son aîné. Elle s’en éprend et le mariage est célébré en 1949. Meneghini deviendra l’imprésario et le compagnon ombrageux de la cantatrice durant les années majeures de carrière.
Entourée d’un cast de premier ordre -le ténor américain Richard Tucker (Enzo), le baryton Carlo Tagliabue (Barnaba), la mezzo-soprano Elena Nicolai (Laura), Anna Maria Canali (La Cieca) et la basse Nicola Rossi-Lemeni (Alvise), le succès de Callas en Gioconda paraît indéniable. Mais le public présent -et plus encore les directeurs des scènes lyriques- restent décontenancés par cette voix immense au timbre inhabituel et à priori si peu italienne, inégale aussi, dotée de fulgurances inouïes et d’une couleur profondément dramatique. De fait, les propositions des théâtres tardent à venir et Maria Callas désespère. Elle chantera d’ailleurs peu ce rôle de Gioconda bientôt délaissé au profit d’autres, sauf lors d’un bref retour aux Arènes de Vérone en 1952. Cette même année, elle enregistre pour la firme Cetra l’ouvrage avec l’Orchestre Symphonique et les Chœurs de la RAI de Turin placés sous la baguette d’Antonino Votto. Son interprétation enflammée du fameux air "Suicidio" issu de l’acte IV semble à ce jour un sommet.
Cet air s'inscrit d'emblée comme une tragique et terrible mise en abyme prémonitoire des drames qui marqueront la vie de cette légende... Le personnage de La Gioconda dans cet opéra est une cantatrice, fiancée à un homme qui ne l'aime pas (Enzo lui préfère Laura que La Gioconda a pourtant sauvée d'un mari violent). La chanteuse contemple alors le suicide, dans la chambre d’un palais en ruine (comme sa vie) sur l'île Giudecca de Venise, au XVIIème siècle.
Rendez-vous demain et chaque jour de la semaine jusqu'au 2 décembre 2023 pour un nouvel épisode de cette série signée José Pons.