Hommage à Kaija Saariaho - Épisode 8 : Émilie, 2010
Quatrième opéra de Kaija Saariaho sur un livret d’Amin Maalouf, mis en scène lors de sa création par François Girard, Émilie traite de la vie et des écrits d’Émilie du Châtelet -femme de lettres et de sciences française du Siècle des Lumières- aux derniers jours de son existence, alors qu’elle est enceinte du poète Saint-Lambert.
Kaija Saariaho explique que le projet est né de l'idée de la soprano finlandaise Karita Mattila seule en scène, avant même toute notion de sujet, de musique ou de thème -que Kaija Saariaho qualifie d’”aspects pratiques” pour cet opéra. De cette image est apparue une volonté, celle de dépeindre une figure féminine de manière non-traditionnelle, une idée, celle d’une femme dans l’attente du lever du soleil et d’un verdict médical, et enfin un personnage, Émilie du Châtelet. L’œuvre est un monodrame en 9 scènes évoquant chacune un aspect bien spécifique de la vie d’Émilie, dont l’ensemble dresse un portrait contrasté. Les monodrames les plus célèbres (elle cite L'Attente de Schönberg et La Voix humaine de Poulenc) associant la douleur de la femme à l’absence de l’homme, Kaija Saariaho dit vouloir faire d’Émilie un portrait plus complexe, sans pour autant la soustraire à la violence des passions immodérées auxquelles elle était soumise. La musique et le livret mettent ainsi en avant deux dimensions saillantes de sa personnalité : la démesure de ses passions et son attraction profonde pour le Savoir et les sciences.
L’air que nous vous proposons aujourd’hui est extrait de la quatrième scène de l’œuvre, intitulée “Rayons”. Il s’agit d’une mise en musique de notes scientifiques d’Émilie, dans lesquelles elle exprime ses observations et réflexions sur les couleurs et les lumières qui composent l’univers : “Une couleur n’est autre chose qu’un rayon coloré, je veux dire un rayon ayant le pouvoir d’exciter en nous la sensation de cette couleur.” Kaija Saariaho explique que, par ces descriptions du monde, elle s’est sentie proche d’Émilie en composant sa musique. Et d’argumenter : “Nous partageons le même univers malgré le laps de temps qui nous sépare”. Par opposition aux scènes évoquant les passions et sentiments d’Émilie, la compositrice décrit elle-même les scènes relatives à ses travaux comme musicalement plus abstraites et moins rythmées. D’un point de vue scénique, le personnage d’Émilie est plus en retrait.
Émilie, dédiée à Karita Mattila et créée par elle avec l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Kazushi Ono, est créée le 1er mars 2010 à l’Opéra national de Lyon, à l’occasion de la biennale Musiques en scène. L’œuvre est une commande de l’Opéra de Lyon, du Barbican Centre de Londres et de la Fondation Calouste Gulbenkian de Lisbonne.
Émilie, “Rayons”, par Camilla Nylund avec l’Orchestre de l’Opéra national de Finlande dirigé par André de Ridder, mise en scène de Marianne Weems, Opéra national de Finlande, 2015.
Retrouvez également la biographie de Kaija Saariaho, ainsi que notre article hommage suite à sa disparition.
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