Dialogues des Carmélites à Liège : Madame Lidoine
« Madame Lidoine est la nouvelle Prieure, qui reprend en main les destinées du couvent après la mort de la précédente Prieure, présente Eva-Maria Westbroek. Les temps sont durs, très dangereux et effrayants mais elle essaie de garder tout le monde dans le calme, et elle se fait très réconfortante et aimante dans ces heures sombres (qui finiront par les conduire à l'échafaud).
C'est un rôle merveilleux à chanter, d'une beauté et d'une chaleur si délicates : difficile de ne pas en être émue. Son premier grand air en somme est son discours inaugural de nouvelle Prieure, où elle explique aux religieuses sa philosophie faite d'humilité et de sincérité, d'un ton chaleureux et doux, alors que l'ambiance autour d’elles se fait déjà menaçante.
Cet opéra ne ressemble à aucun autre, la musique est extrêmement émouvante et les personnages si bien travaillés, que l’œuvre entre immédiatement dans votre cœur et ne vous quitte plus. C’est d’ailleurs le premier opéra que j'aie chanté, dans le rôle de mère Marie. J’ai ensuite chanté le rôle de Mme Lidoine à l’Opéra de Paris-Bastille, qui a été une expérience incroyable et profonde : de chanter là où cela s'est passé [les Carmélites ont été arrêtées à Compiègne, emprisonnées à la Conciergerie à Paris et leurs corps jetés dans une fosse commune du Cimetière de Picpus, ndlr] et d’aller aussi sur les lieux. Je suis allée sur leur tombe, près d'une petite église inconnue à Paris. Il y a des champs avec des charniers de la révolution et il y a une plaque avec le nom de Mme Lidoine à côté d'un champ où les religieuses sont enterrées. »
Madame Lidoine finit en effet guillotinée avec ses sœurs, et pourtant, comme le rappelle la metteuse en scène de cette nouvelle production liégeoise, Marie Lambert-Le Bihan « Il y a cet énorme et fabuleux mystère de l'absence de Lidoine lors de l'invasion du couvent. C'est le grand mystère de cet ouvrage. Dans le texte écrit par Bernanos, les liens entre elle et les Révolutionnaires sont évoqués, mais je n'irais pas jusqu'à sous-entendre qu'elle les laisse entrer dans le couvent. Mais ces liens correspondent à son caractère pragmatique, terre-à-terre (elle parle à ses ouailles de manière très spontanée et va jusqu'à dire qu'elle parle trop, pour laisser la parole à Mère Marie). Cette pulsion de vie chez Lidoine est passionnante.
Je suis persuadée que Lidoine est déjà en rapport avec le monde extérieur, elle apprend les événements ayant causé la famine à Paris, elle en est alertée. Elle a pressenti le fait que l'avenir de sa congrégation n'est pas assuré et qu'il s'agit d'établir des liens avec les civils qui entourent le couvent. Elle désapprouve le martyre mais en même temps elle ne se défausse pas quand il s'agit d'accompagner ses filles devant Dieu. Lidoine est l'exemple type du personnage qui se développe au fur et à mesure de l'ouvrage. »
(Re)découvrez ces personnages poignants au fil des 10 épisodes de cette série, puis du 21 du 29 juin à l’Opéra de Wallonie-Liège.