Les Lombards de Verdi à l’Opéra de Liège : Sofia
« Sofia est l’épouse d’Acciano, le tyran d’Antioche et la mère d’Oronte, explique son interprète Caroline de Mahieu. Secrètement, elle est devenue chrétienne et va soutenir son fils lorsqu’il tombe amoureux de la belle étrangère chrétienne prénommée Giselda, retenue captive d’Acciano. Giselda, elle aussi, est amoureuse d’Oronte. Elle deviendra son épouse si Oronte se convertit, chose qu’il est prêt à faire et cela réjouit sa mère, Sofia. Pour l’époque de Verdi et encore plus lors des croisades, c’est très osé pour une femme de se convertir en cachette de son mari, tyran ou non. De plus, elle aide et soutient son fils dans un amour qui logiquement devrait être impossible. C’est, selon moi, une femme très forte qui n’a pas peur de prendre ses propres décisions.
Cet opéra relate la première croisade des Lombards et donc des guerres de religions à la fin du onzième siècle, début du douzième. Les rôles masculins sont ainsi beaucoup plus présents dans cet opéra que les rôles féminins. Sofia n’apparaît qu’au deuxième acte et j’espère marquer suffisamment le public pour qu’aux saluts, on se rappelle de mon personnage.
Un autre enjeu va être de bien faire comprendre au public que Sofia s’est secrètement convertie au christianisme malgré le fait qu’elle soit l’épouse d’Acciano, le tyran d’Antioche. De ce fait, elle est le lien dans le deuxième acte entre les deux tourtereaux qui n’apparaissent ensemble sur scène qu’au troisième acte.
Un enjeu plus pratico-pratique sera de créer une relation mère-fils crédible pour le public avec le ténor Ramon Vargas. Je ne doute que les talents des costumiers et maquilleurs de l’Opéra de Liège m’aideront à surmonter cette différence d’âge dans la vie réelle. Du point de vue vocal, je me réjouis de pouvoir mêler ma voix à celle de Ramon Vargas dans notre petit duo mère-fils.
Sofia intervient dans la deuxième scène du deuxième acte ainsi que dans la grande scène finale de cet acte. Elle annonce à son fils la condition pour que Giselda accepte sa main. Quand il lui soumet son désir de se convertir afin de l’épouser, ils s’en réjouissent à deux. Cette scène est remplie de tendresse et de joie et j’espère, une petite bouffée d’oxygène, dans cet opéra guerrier assez sanglant.
Lors de la scène finale de l’acte, c’est Sofia qui annonce à Giselda qu’un traître a mené l’ennemi au sein du palais d’Acciano et que son époux et son fils sont tombés devant elle. L’ambiance est drastiquement opposée à la précédente, pour Sofia, elle sera remplie d’angoisse et de douleur. Bien que la musique décrive déjà ces changements d’atmosphères entre les deux scènes, j’espère parvenir à le faire ressentir par mon jeu et par mes interventions vocales.
La musique de Verdi est magnifique dans cet opéra. Certes, on sent encore un peu de jeunesse car ce n’est que son quatrième opéra mais il y a déjà la puissance de certains des grands ensembles qu’on retrouvera plus tard dans Don Carlos par exemple. Je pense que si des artistes comme Pavarotti, Domingo ou Carreras ont pris la peine d’enregistrer cet opéra, c’est que cette musique mérite d’être jouée et entendue.
Les enregistrements sont une chose mais la magie du direct c’est un monde à part. La distribution des premiers rôles est impressionnante. Je ne pense pas que Ramon Vargas chante chaque année en Belgique. Je me réjouis de travailler avec eux ainsi que de retrouver des collègues belges de haut niveau. Les chœurs ont également une grande place dans cette œuvre, pas moins d’une vingtaine d’interventions, ce sera l’occasion de vraiment entendre les chœurs de l’Opéra de Liège qui seront, je n’en doute pas, magnifiquement préparés par Denis Segond [qui nous en parlera dans un épisode dédié au sein de cette série, ndlr]. La magie d’un opéra c’est quand tous les engrenages de la production sont en symbiose (sur scène comme en coulisses) et cela sera notamment possible grâce à la direction de Daniel Oren [également à retrouver dans cette série, ndlr]. J’ai eu le plaisir de travailler avec lui l’année dernière lors de la production de Rigoletto. Je ne doute qu’on retrouvera l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie en force pour cette production dont les thèmes sont encore tellement actuels. La guerre est encore très présente dans notre société : Syrie, Russie-Ukraine, etc. L’amour impossible aujourd’hui n’est peut-être plus autant lié à des soucis de classes sociales et de religions mais il existe encore. Les Roméo et Juliette d’hier sont peut-être plus des Juliette et Romane ou des Roméo et Julien. Tous n’ont pas la chance d’avoir une mère ouverte d’esprit qui ne souhaite que le bonheur de son enfant. »
Rendez-vous demain pour la suite de cette série en 10 épisodes vous présentant les personnages de cet opéra.
Et rendez-vous à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège pour cette nouvelle production mise en scène par Sarah Schinasi, et dirigée par Daniel Oren.
Et retrouvez ci-dessous les 10 épisodes de cette Série :