Les Lombards de Verdi à l’Opéra de Liège : Pagano
La metteuse en scène Sarah Schinasi nous raconte tout d’abord comment elle a elle-même abordé les personnages, à commencer par celui-ci : « Je me suis demandé pourquoi tous ces gens allaient aux Croisades et la réponse tient au fait que chacun cherche un sens à sa vie. Je me suis appuyée sur les travaux de Viktor Frankl qui a écrit un ouvrage intitulé Man's Search for Meaning (La Recherche du sens par l’homme, 1946). Chaque jour, nous cherchons un petit objectif qui aide à aller de l'avant, nous cherchons ce qui nous pousse à agir pour être : il en va exactement de même pour les personnages de l’opéra.
Mais pour comprendre la psychologie d'un assassin tel que Pagano, j'ai travaillé avec une psychiatre (d'autant qu’ici l'assassin devient ermite, une autre figure psychologique).
Pagano devient parricide pour exister : 20 ans après avoir voulu tuer son frère Arvino, Pagano revient à Milan, et, cherchant sa place dans cette société, il veut la trouver encore et toujours en tuant son frère… et il en vient à tuer son père.
Il devient Ermite dans une grotte non loin d’Antioche. C’est à lui qu’on demande des conseils, et il prétend baptiser le jeune Prince turc Oronte pour sauver son âme (lui qui n’a rien fait d’autre que défendre son château). »
« Pagano est l'un des personnages les plus contradictoires de l'opéra, poursuit Goderdzi Janelidze, qui l'interprétera à Liège. Son parcours de vie le mène du pire criminel (voulant tuer son frère et tuant son père) à celui d’un Saint qui a racheté ses péchés par la souffrance et la mort. Cela dessine pour moi une immense performance d’incarnation vocale et artistique : construisant d’abord un méchant sournois qui évolue vers la retraite, l’épure, la sévérité, la sagesse du repentir et finalement une image spirituelle courageuse. »
Samuel Ramey chante ici l’air “Sciagurata! hai tu creduto” au milieu du premier acte, Pagano dévoilant que sa passion criminelle a été causée par son dépit amoureux envers Viclinda (qui a choisi Arvino, le frère de Pagano)... et Pagano nourrit toujours cet esprit de vengeance :
Le propos est en effet bien différent lorsqu’il devient Ermite et chante : “toujours silence ! pourquoi mon cœur sourit-il en paix ? Dieu seul est juste ; Béni soit le deuil et les pleurs pour lui ! Mais quand un bruit terrible dira que Dieu le veut, Quand la Croix brillera, Je verrai un nouveau soleil, Mon cœur brûlera d'une fureur juvénile, Et ma froide main droite le frappera ; Alors encore cette âme sera rachetée dans le ciel.” L’air est ici chanté par Plinio Clabassi :
« Verdi a créé un magnifique personnage musical, poursuit Goderdzi Janelidze. Certes, il y a des difficultés à la fois sur le plan émotionnel et de la technique vocale. Mais chacun de ses passages est séduisant à sa manière, il y a des traits à révéler, de la dynamique et de l'incarnation. À mon avis, c'est un magnifique opéra de Verdi, sûrement difficile à réaliser mais absolument merveilleux. Malheureusement, peu de compagnies d'opéra choisissent de le mettre en scène pour diverses raisons. Espérons que Liège donnera un bon départ et l'exemple pour d'autres ! »
Rendez-vous demain pour la suite de cette série en 10 épisodes vous présentant les personnages de cet opéra.
Et rendez-vous à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège pour cette nouvelle production mise en scène par Sarah Schinasi, et dirigée par Daniel Oren.
Et retrouvez ci-dessous les 10 épisodes de cette Série :