The Fairy Queen à Tourcoing : Titania, étudiante à Oxford
Notre précédent épisode présentait le professeur d’Oxford qui incarnera le personnage Shakespearien d’Obéron. L’une de ses étudiantes incarnera Titania dans cette pièce improvisée parmi les ruines de Coventry comme dans une visite officielle avec les grandes figures du royaume. La mezzo-soprano soliste Coline Dutilleul nous confie combien “cette ouverture dans les attributions des rôles est très excitante et va nous permettre d’aller beaucoup plus loin dans le travail.
J’ai fait mes recherches sur le personnage de Titania et son histoire : fille des Titans étymologiquement, elle a un tempérament fort, elle tient tête à son mari et se permet des escapades (avec toute l’intrigue de l’enfant qu’elle a élevé, qu’elle veut garder et ne pas donner à son mari). C’est donc un rapport de force et le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux veut aussi mettre en avant la sensualité du personnage, qui permet la connexion avec la nature, la féerie dans les mots, dans la musique. Je cherche l’équilibre.
Cette musique, par son lien à la tradition orale, à la danse, par sa dimension organique, se prête complètement à expérimenter, à créer avec l’énergie du moment, avec ce qu’on a dans les mains, ce que fait pleinement Alexis Kossenko (dont j’ai vu L’Etoile de Chabrier, que j’ai rencontré et avec qui nous faisons tout un programme de Scottish Songs également dans le cadre de l’Atelier Lyrique de Tourcoing : Purcell est donc une continuité pour nous).
C’est une musique compliquée par ses inventions rythmiques, comme l’air ‘Ye Gentle Spirit’. Alexis m’a invité à le penser aussi comme une improvisation, à s’oublier pour écouter la musique. Le travail de cette partition est aussi celui d’un retrait de l’égo (ce qui correspond bien à nos caractères), d’autant plus que cette œuvre, avec ses mises en abyme, a des parties et des rôles assez interchangeables (ce n’est pas comme dans un opéra avec un rôle correspondant à une partie et ayant son importance mesurable et quantifiable dans l’œuvre).
Comme Alexis se base beaucoup sur la musique et sur les danses, la sensualité devra céder le pas parfois à l’agilité vocale, à la rapidité. C’est donc vraiment une recherche et une découverte des différentes facettes du personnage, entre le chef et le metteur en scène. Je trouve très intéressant de devoir ainsi rebondir sur la vérité du moment, c’est le plus bel acte créateur ensemble : être à l’écoute et proposer.
J’aurai donc deux airs principaux, complètement différents : d’abord ‘Ye gentle spirit of the air’ (accourez gentils esprits, soyez prêts à unir vos douces voix) avec le défi des vocalises. Il faut le travailler pour que tout reste organique, et même dans une forme de swing (qui se rapproche de la danse) par les changements de mesures.
Le deuxième air est la plainte, The Plaint ‘O let me weep’ complètement mélancolique qui rappelle le Lamento de Didon (à la fin de Didon et Énée de Purcell).” Cette plainte “est un autre air très connu, qui est chanté au concert de manière indépendante, poursuit Alexis Kossenko. Nous allons le rendre à ce qui était très probablement l'instrument d'origine en dialogue avec la soprano : non pas le piano mais le hautbois (les sources transmises sont très parcellaires et les indications d'instrumentation ont en fait été ramenées au goût de l'époque de la retranscription et non pas au choix d'origine du compositeur).”
“C’est là aussi une dualité très intéressante et très belle, poursuit Coline Dutilleul. Elle me permet d’exprimer ce que je ressens dans cette musique. Il y a toujours des rythmes associés à la joie sur des tonalités mineures (c’est pareil dans les Scottish Songs), pour moi qui suis assez mélancolique je le comprends bien : qu’on puisse aussi y trouver une forme de joie. C’est une musique qui apporte beaucoup de personnalité, aussi parce qu'avec Alexis il n'y a jamais de mièvrerie : la musique reste intègre dans la structure de danse. J'aime quand les choses gardent une structure et une forme de classe. Un professeur me disait que ce n'est pas la peine de sucrer le sucre ou de saler le sel, c'est déjà là dans la musique.”
“Coline est une chanteuse et une actrice à fleur de peau avec un incroyable potentiel expressif, confirme Alexis Kossenko, que ce soit dans l’excès comme dans la retenue avec justesse. Nous avons hâte elle et moi de travailler sur la plainte pour calibrer, que ce soit incroyablement touchant et même poignant sans jamais sombrer dans l’excès, avec beaucoup de finesse.”
Nos 10 épisodes vous présentent les personnages de The Fairy Queen par leurs interprètes et rendez-vous au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne