The Fairy Queen à Tourcoing : Obéron, professeur d’Oxford
Dans nos trois premiers épisodes, le chef Alexis Kossenko et le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux ont présenté cette production, renforçant le lien entre musique et théâtre grâce à une mise en abyme : des étudiantes visitent les ruines de Coventry et vont incarner les personnages anglais (de Shakespeare et d’aujourd’hui). Leur professeur d’Oxford incarnera Obéron, le Roi des fées, le tout interprété par le chanteur Robert Getchell qui nous rappelle combien “il est présent tout au long de l'opéra, donnant des ordres à son assistant Puck et utilisant ses pouvoirs magiques afin d'arriver à ses fins, en trompant son monde, mais aussi en aidant des amants désespérés.”
Robert Getchell incarne en effet un rôle central depuis Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare jusqu’à la mise en scène de Jean-Philippe Desrousseaux, comme celui-ci nous le présente : “il est professeur d'université en arrivant et endosse le rôle d'Obéron. Il devient donc le mari de Titania, une étudiante, mais on découvre qu'il y a déjà une relation prof-étudiante avec celle qui incarne Titania (relation qui sera résolue au cinquième acte). Shakespeare ce n'est que des problèmes de société : plus encore que Molière (et j'adule Molière) ! Ce docte professeur est le Roi des Fairies (fées mais qui peuvent aussi bien être hommes que femmes) : au-dessus des humains, il a donc tous les droits mais avec une respectabilité de façade (il est comme le Comte des Noces de Figaro). Il y a une dissension dans le couple formé par Obéron et Titania car elle est rentrée des Indes avec un enfant, qu’il veut comme page (ce qu’elle refuse). Pour représenter cet enfant j’ai décidé de le représenter comme un de ces grands jouets à roulettes qu’on tire et qui joue du tambour, il représentera le Prince Charles.”
“Obéron possède une fleur magique qui a été touchée par la flèche de Cupidon, poursuit Robert Getchell. Lorsque le jus de cette fleur est mis sur les paupières d'une personne endormie, elle tombe amoureuse de la première personne ou animal qu'elle voit au réveil. Il utilise ce liquide sur Titania pour reconquérir l'enfant, mais aussi pour aider la jeune Héléna à gagner l'amour de son bien-aimé Démétrius, deux personnages que nous vous présentions dans notre épisode d’hier. Le Roi Obéron est donc un personnage déterminé qui essaie d'influencer tous les autres avec sa magie. Il est un peu espiègle et aime faire une bonne blague de temps en temps, mais il est aussi sentimental et aide à réunir les amoureux et à ravir la forêt enchantée par la musique et la poésie. À la fin de l'opéra, tout se termine dans l'amour et l'harmonie.”
La partie vocale de Robert Getchell est particulièrement importante dans cette partition, pour les choix esthétiques ici effectués, expliquant pourquoi cette partie vocale est dénommée “alto” dans la distribution tandis qu’elle revient à celui qui se définit comme ténor : “Le son sera surprenant et très différent”, nous expliquait le chef Alexis Kossenko dans le deuxième épisode de cette série. Ce son très différent est lié à cette nouvelle production renforçant les liens entre théâtre et musique, mais aussi entre l’Angleterre et la France, ce qui a une conséquence très directe sur le chant et en particulier pour le personnage de l’épisode de ce jour : “Les habitudes de la Cour de France ont énormément influencé la musique anglaise, les instruments 'made in France' y ont été introduits (notamment les vents), avec un diapason bien plus bas. Nous jouerons de fait en 392 Hz (note de référence, ici vibrant 392 fois par seconde), ce qui baisse tout d’un ton, et change drastiquement la musique instrumentale et vocale. Ce diapason plus bas encore que le diapason de référence baroque nous permet ainsi de confier la partie de contre-ténor non pas à un falsettiste mais à un ténor aigu. Beaucoup de pistes nous mènent à penser qu’il était l’équivalent de la haute-contre dans l’opéra français.”
“Dans cet opéra, je chante des solos de haut ténor/alto et dans les chœurs les parties de ténor, je vais donc chanter dans une large gamme, ce qui est un défi, confirme Robert Getchell. La musique est absolument époustouflante, allant des belles lamentations aux danses joyeuses. Un vrai plaisir à chanter. Bien que la musique soit en anglais, ma langue maternelle, Oberon a beaucoup de texte ici traduit en français. Je parle couramment français, mais c'était un défi d'apprendre ce texte dans cette langue si poétique qui m’a demandé de nombreuses heures d'étude.
J'ai eu le plaisir de travailler avec l'Atelier Lyrique de Tourcoing pendant de nombreuses années, chantant dans diverses productions avec le chef Jean-Claude Malgoire qui nous manque beaucoup. J'ai été ravi d'être invité à participer à cette production et de travailler à nouveau avec l'Atelier Lyrique de Tourcoing. The Fairy Queen est l'un des premiers opéras mis en scène que j'ai joué, avec Les Talens Lyriques à Barcelone, et j'ai été enchanté par la musique de Purcell.
J'ai hâte de chanter avec mon collègue et cher ami Alain Buet (qui incarne Boris Johnson auquel est consacré notre antépénultième épisode). Je connais également Alexis Kossenko depuis de nombreuses années, d'abord en tant que musicien d'orchestre et plus récemment en tant que chef d'orchestre. Je suis convaincu qu'il apportera énergie et beauté à cet opéra.” Alexis Kossenko répond ainsi à ces promesses par d’autres compliments : “Parmi les moments attendus avec délectation, il y a l’air “Thus the gloomy world at first began to shine” qui sera chanté par Robert Getchell. C’est un air avec trompette solo, écrit comme une joute musicale, entre instrument et voix : il y en a presque une tradition, un défi de répondre au chanteur (notamment avec un instrument dont la rigidité devrait les limiter d’autant que nous mettons un point d’honneur à ce que ce soit une trompette naturelle).”
Nos 10 épisodes vous présentent les personnages de The Fairy Queen par leurs interprètes et rendez-vous au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne