The Fairy Queen à Tourcoing : Elizabeth II, reine d’Angleterre
“Dans L’Étoile de Chabrier que nous avons également présentée à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, pour le moment où Lazuli est entouré de six filles pour le câjoler, je cherchais une femme d’autorité, nous raconte le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux qui signe également la nouvelle production de The Fairy Queen. La responsable des chœurs m’a montré plusieurs profils en photo, sans me dire qu’il y avait sa mère dans le lot : et c’est elle que j’ai choisie ! Elle jouait excellemment l’autorité avec les passages parlés (et un fouet acquis dans un magasin non loin de l’Atelier Lyrique). Je la voulais à nouveau pour ce spectacle, en reine-bouddha, posée, subissant toutes les cérémonies et qui au moment nocturne s’endort dans une très belle scène à l’acte I avec les deux flûtes et les oiseaux.”
Sa Majesté nous a également accordé audience, avec cet entretien : “Je ne suis pas intermittente du spectacle, je le fais de manière sporadique, se présente Chantal Cousin. Quand j'ai participé à L’Etoile de Chabrier avec Alexis Kossenko et Jean-Philippe Desrousseaux en février 2020, j'en ai profité au maximum parce que je pensais que c'était une dernière fois. J'ai eu la merveilleuse surprise que Jean-Philippe Desrousseaux souhaite également m’engager pour The Fairy Queen. Nous avons un très bon contact et je suis ses demandes avec grand intérêt. Je suis également chanteuse dans le chœur, et Jean-Philippe Desrousseaux ayant décidé de créer des personnages avec la fantaisie que permet cet opéra, j’incarnerai la Reine d’Angleterre Elizabeth II. Cette galerie de caractères est vraiment une exposition de l'anglomanie, avec ces personnages très typiques, historiques, très charismatiques (en positif ou négatif). Elizabeth II reste un personnage emblématique, malgré tout ce qui lui arrive : c’est ce qui m'intéresse dans le personnage.” “Dans son dos, Margaret Thatcher va faire semblant d'être un oiseau et lui arracher ses plumes de reine, mais la monarque se rebelle aussi !”, ponctue Jean-Philippe Desrousseaux.
“Dans le jeu théâtral, je lis aussi dans une brochure le programme du spectacle qui va se jouer, avec un accent à couper au couteau (qui est repris par Margaret Thatcher)", reprend Chantal Cousin. “La Reine d’Angleterre est donc contemplative, poursuit le metteur en scène. Elle reste posée, sage, n’intervenant qu’au cinquième et dernier acte pour essayer de dire quelque chose via le passage d’un petit rôle (qui est d’ailleurs tenu par un homme chez Shakespeare). Elle le lit avec un gros accent français (mais c’est dans l’esprit du Nonsense très anglais). Thatcher la corrigera en cherchant à l’humilier comme on fait la leçon à un enfant.”
“À la fin de cette mise en scène, poursuit Chantal Cousin, la Reine titube sous le poids du buste de Shakespeare, c'est le poids des traditions. Je suis amusée, et en même temps, je la respecte. L'idée n'est certainement pas de la ridiculiser. Cette fonction, cette lourde tâche lui est tombée sur les épaules, elle tient bon dans les tempêtes avec (ce qui apparaît à la fin du spectacle) le poids des traditions qui doit être horriblement lourd à porter. On ne sait pas quel est son pouvoir de décision (c’est flagrant quand on voit la série The Crown). Pour changer la moindre chose, elle est empêchée. Quelque part, elle force le respect par sa longévité.
Je ne dirais pas que c'est un rêve d’incarner Elizabeth II sur scène, mais quand je vais dire à ma petite-fille que je vais être la Reine d’Angleterre, elle va sans doute être admirative ou jalouse.
Musicalement, les chœurs dans la partition s’appuient sur des rythmes et des phonèmes complexes qui doivent exprimer et illustrer le sens (comme dans la tradition du madrigalisme : la musique traduit ce qu’elle décrit). Certains moments sont très planants, d'autres très festifs, certains font rêver, on sent les allégories, jusqu’à l’illustration des quatre saisons, avec de grands contrastes dans les passages musicaux. Ce n'est pas une œuvre restant dans le lancinant ou le recueilli, certains passages sont pétillants, profonds, planants, c'est toute sa richesse. Dans ce cadre et cette richesse d’ensemble, ma voix de mezzo-alto n’est jamais la plus facile, car elle met en valeur les autres. Les chœurs reprennent ce qu'un soliste vient d'exposer ou bien l'accueillent, en restant dans les ambiances des différents passages. Soit nous sommes vraiment très ensemble dans des rythmes qui demandent de sentir une énergie unique, ou bien ce sont des réponses pétillantes. J’interviens notamment dans le passage où le chœur pince et titille le poète fou, puis au moment où nous saluons Phébus dans un caractère très solennel (ce qui rappelle un peu Charpentier), très grandiose et menant à un passage que j'adore : le “Hush no more”, sans un bruit, où le soliste fait une exposition très douce, reprise par le chœur. C’est un passage incitant au calme, versant dans la berceuse.”
Nos 10 épisodes vous présentent les personnages de The Fairy Queen par leurs interprètes et rendez-vous au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne