Robert le Diable à l’Opéra de Bordeaux : portrait en série #AirduJour
“Une grande Fresque, le Lawrence d’Arabie ou Star Wars de l’Opéra.”
C’est ainsi que Marc Minkowski annonce Robert le Diable pour présenter les dimensions et les qualités de cette œuvre. Marc Minkowski dirige cette version de concert mise en espace à l’Auditorium, qui ouvre en grande pompe sa dernière saison comme Directeur de l’Opéra National de Bordeaux.
Notre série de présentation explore chaque jour un personnage de Robert le Diable (vous ferez ainsi plus ample connaissance avec Robert, Isabelle, Bertram, Alice, Raimbaut, le Héraut d'armes, le Maître de Cérémonie, Alberti) mais, tout comme le dernier épisode sera consacré à un personnage multiple et particulier, ce premier Air du Jour commence par le commencement, le chef vous présentant l'ouverture et plus généralement l’œuvre et son orchestre, qui sont véritablement un personnage, unique :
“Robert le Diable m’a immédiatement fasciné par son univers, décadent, à la limite du sérieux et pourtant dans la magnificence, le paroxysme des dimensions et de la sensibilité (voire même de l’intimité avec le trio a cappella au troisième acte : il n’existe rien de tel, nulle part ailleurs car même dans Les Huguenots, Meyerbeer ajoute une clarinette basse pour un morceau similaire).”
BERTRAM
Fatal moment, cruel mystère ! Profitons bien de sa douleur ! D'où vient que mon trop faible cœur Frémit d'un trouble involontaire ? Du danger où je le vois courir Rien ne pourra le garantir !
ALICE
Fatal moment, cruel mystère ! Il est plongé dans la douleur ! Peut-être une secrète horreur Cause ce trouble involontaire, Et du danger qu'il va courir, Hélas ! je ne puis l'avertir !...
ROBERT
J'ai tout perdu sur cette terre ! Je m'abandonne à ma douleur ! D'où vient qu'une secrète horreur Me cause ce trouble involontaire ? Bertram seul peut me secourir, Ou je n'aurai plus qu'à mourir.
Les qualités de l’œuvre et de cet orchestre qui devient un personnage par son écriture et ses échanges avec les solistes lyriques, se déploient dès l’ouverture : “L’écriture orchestrale assez brute déploie un génie dans la simplicité et l’efficacité des thèmes. Le motif de l’invocation diabolique de Bertram qui ouvre l'œuvre est pour moi à l’égal des plus grandes pages de Gounod, Massenet et de tous les autres. L’ouverture se déploie ensuite sur le contrepoint, une atmosphère résolument noire mais aussi majestueuse (avec des moyens qui paraissent basiques).”
“De même, dans le ballet des nonnes, un magnifique solo de violoncelle plonge dans le romantisme le plus total et une atmosphère de mélancolie décadente on ne peut plus parisienne, comme si Chopin était présent. Et cet épisode suit pourtant une Bacchanale, comme Rossini n’a pas osé en composer d’aussi nerveuses et frétillantes.
Le chœur psalmodié qui clôt cette Bacchanale et cet acte rappelle d’ailleurs la fameuse marche "Dans l'Antre du Roi de la Montagne" du Peer Gynt d’Edvard Grieg (dans la version avec chœur).”
C’est ainsi l’opéra même Robert le Diable et son compositeur qui sont devenus des personnages dans l’histoire de la musique, dans leurs relations aux autres artistes. Cette relation résonne avec le parcours personnel de Marc Minkowski, depuis plusieurs décennies et jusqu’à cette dernière saison bordelaise :
“J’étais à Salzbourg en 1998 pour diriger L’Enlèvement au Sérail et je me réjouissais car on m’avait proposé de diriger la saison suivante mon premier Tristan, à Dortmund. Soudainement, je reçois un appel du Staatsoper Unter den Linden de Berlin (je me vois encore recevoir cet appel) me proposant de diriger Robert le Diable, exactement aux mêmes dates que Tristan. J’ai écouté la version Rockwell Blake - Samuel Ramey - June Anderson de l'opéra de Meyerbeer et cela a confirmé combien cette musique est mon univers et combien j’avais envie de lui apporter. J’ai donc choisi Robert au lieu de Tristan."
Une sacrée ironie de l’histoire, étant donné combien Tristan est considéré comme un sommet (voir le sommet du grand répertoire lyrique) et quand on connaît la haine exprimée par Wagner contre Meyerbeer (même si son œuvre musicale lui rend aussi hommage).
"Meyerbeer est aussi un continuateur et père orchestral de tous les romantiques : il est un fils de Rossini et de Gluck (mariage étonnant), un carrefour d’influence et un grand modèle pour la suite, tout en étant totalement lui-même. Il est incroyable que ses ouvrages aient ainsi disparu de notre culture, eux qui ont de telles qualités et qui ont été si populaires.”
Nous présenterons ainsi tous les personnages de cet opéra que vous pouvez d’ores et déjà écouter en captation intégrale sous la baguette de Marc Minkowski à Berlin en 2000 :
Pour naviguer parmi les Airs du jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- L'ouverture et l'orchestration
2- Robert le Diable
3- Princesse Isabelle
4- Bertram
5 - Alice
6- Raimbaut
7- Le Héraut d'Armes
8- Maître des Cérémonies
9- Chevalier et prêtre
10- Choeur