L'Espagne et l'Opéra - 2. Espagnolade et espagnolisme
2. Espagnolade et espagnolisme
Dans le XIXe siècle français passionné par ce qui recouvrait une aura d’exotisme, l’Espagne de cette époque est perçue comme une terre encore sauvage avec ses vertus supposées : honneur, grandeur d’âme, comme dans ses excès, violence et archaïsme. L’auteure et musicologue Marie-Christine Vila distingue cette vision française du XIXe siècle de l’Espagne entre espagnolade (reprise superficielle de motifs espagnols à travers l’utilisation de tambourin, de castagnettes...) et espagnolisme (néologisme de Stendhal forgé sur une re-découverte de l’Espagne autour des années 1830 avant tout portée par des artistes).
Tombée dans un certain discrédit avec la philosophie des Lumières, la culture espagnole est redécouverte par le mouvement romantique qui y voit une civilisation non pervertie par la culture bourgeoise. Néanmoins, chez les musiciens, seul Emmanuel Chabrier réalise un fameux voyage en Espagne quand beaucoup d'artistes d'autres disciplines s'y rendent et y redécouvrent notamment la grande peinture espagnole du Siècle d'Or.
Hernani de Victor Hugo est un autre exemple fameux de cette inspiration espagnole, au théâtre puis à l'opéra. Les espagnolades et espagnolismes en France sont également favorisés par les vagues d’exil d’espagnol en France causées par les soubresauts politiques du pays. Des musiciens apportent alors avec eux leur musique populaire qui entre dans les salons, populaire également dans l'évocation d'une sorte d’orientalisme arabisant. Avec la présence espagnole, les expositions universelles sont également l'occasion de découvrir la musique ibérique, comme celle des gitans du fond de l'Andalousie, cette musique qui donnera notamment le flamenco. Dans les œuvres lyriques qui découlent de cet air du temps qui prend à l'Espagne des rythmes, des modes, des instruments, des formes comme le Boléro, la Malagueña ou la Séguedille, des couleurs, une humeur espagnole... on peut citer entre autres, Le Cid, Don Quichotte et La Navarraise de Massenet, la Carmen de Bizet basée sur une nouvelle de Prosper Mérimée écrite en 1845 ou Les Brigands d’Offenbach qui contient son « air espagnol ». Plus tôt, on trouve déjà l’intégration « d’espagnolades » pour faire authentique, comme chez Auber avec sa Muette de Portici en 1828, dans son Domino noir en 1837, ou encore dans La Juive de Jacques-Fromental Halevy en 1835.
Au début du XXe siècle, c’est à Paris que se réinvente aussi la musique moderne espagnole avec des compositeurs comme Granados, Manuel de Falla ou Albeniz qui s'y installent, mais également des musiciens comme le violoncelliste Pablo Casals ou le pianiste et compositeur
Joaquín Turina. Ils influencent les compositeurs français qui les côtoient, comme Debussy, et surtout Ravel, à l’image de son Heure espagnole créée en 1911 à l’Opéra Comique, sans parler de son célébrissime Boléro.
Florent Laconi interprète ici « Ya des gens qui se disent Espagnols » tiré de l’opérette Les Brigands de Jacques Offenbach :
Rendez-vous demain pour un nouvel épisode de cette série d’#Airdujour sur l’Opéra et l’Espagne.