Vocabulaire allemand d'opéra : Mezzosopran et Alt
Koloratur-Mezzosopran : Marianne Crebassa
Comme les sopranos coloratures, les mezzo-sopranos portant cet adjectif arborent une voix légère et virtuose, caractérisée par une large souplesse et grande étendue vocale (registre grave riche et stable). Ce type de voix est particulièrement présent dans l'opéra baroque, où il peut facilement prendre la place d'un castrat. Par ailleurs, on en trouve dans les opéras de Mozart, Gluck et autres opus de XVIIIe siècle, jusqu'à Gioachino Rossini et l'opéra italien.
Voici un extrait de La Cenerentola (Cendrillon) de Rossini, dans l'interprétation de la mezzo-soprano colorature française Marianne Crebassa au Palais Garnier (mise en scène de Guillaume Gallienne et direction musicale Evelino Pidò).
Cet air "Nacqui all'affanno... Non più mesta" arrive à la fin de l'opéra où Angelina (la Cendrillon) revoit son enfance dans la pauvreté, et sa désormais vie de princesse. Elle pardonne tous les méchancetés causées par sa famille et la cour entière affirme sa dignité princière.
Lyrischer Mezzosopran / Spielalt : Teresa Berganza
La voix de la mezzo-soprano lyrique, autrement appelé Spielalt (l'alto mélodique), porte expressivité et tendresse, ainsi que la luminosité de son timbre. Les chanteuses de ce "fach" sont généralement aptes à porter les grandes lignes mélodiques et parcourir les vocalises. On la nomme aussi "soprano courte" en raison d'un registre aigu moins développé que chez les sopranos. Cependant, une mezzo-soprano lyrique peut éventuellement passer soprano au fil du temps.
Voici la célèbre mezzo espagnole, Teresa Berganza interprétant l'air de Dorabella du premier acte de Cosi fan tutte, "Smanie implacabili". Sincèrement attristée par le départ de son fiancé pour la guerre, Dorabella se laisse toutefois convaincre de s'amuser un peu avec Guglielmo, le fiancé de sa sœur Fiordiligi déguisé en Albanais pour tester sa fidélité. La supercherie révélée, elle se remet avec Ferrando.
Dramatischer Mezzosopran : Anita Rachvelishvili
La mezzo-soprano dramatique offre de grands rôles lyriques, portant une puissance sonore qui dépasse l'orchestre, l'autorité dans le registre grave et central, le timbre métallique dans les hauteurs. Les rôles écrits pour cette voix exigent souvent une grande endurance : les personnages phares du répertoire sont : Dalila, Carmen, Eboli (Don Carlos de Verdi) ou Didon (Les Troyens de Berlioz).
Voici une grande mezzo-soprano d'aujourd'hui, l'artiste géorgienne Anita Rachvelishvili interprétant la fameuse mélodie de Dalila "Mon cœur s'ouvre à toi". Dans l'acte II, Dalila attend Samson dans sa demeure, persuadée qu’il viendra la rejoindre et tombera entre ses griffes pour que s’accomplisse sa vengeance. Le Grand-Prêtre de Dagon la retrouve et lui demande son aide pour vaincre Samson : Dalila lui offre de lui livrer Samson, non pour répondre à sa demande mais pour assouvir sa propre vengeance, elle que Samson a repoussée par trois fois. Pourtant, une fois seule, elle doute de la venue de son amant.
Peu après, Samson s’approche de la demeure, réclamant en vain l’aide de Dieu pour résister à la tentation. L’apercevant, Dalila et rejoint et tombe dans ses bras, l’enivrant de mots d’amour (« C’est toi ! Mon bien-aimé », « Mon cœur s’ouvre à ta voix »). Une fois Samson dans ses filets, elle réclame de lui qu’il révèle le secret de sa force, comme gage de son amour. Devant le refus de Samson, Dalila le renvoie violemment et rentre chez elle. Après une hésitation, Samson l’y suit. Peu après, Dalila appelle les soldats philistins : Samson comprend trop tard qu’il est trahi.
Dramatischer Alt : Hanna Schwarz
Il s'agit d'une voix rare à l'opéra (contralto dramatique), mais aux couleurs riches et au registre grave puissant. Les personnages dédiés à ce type sont hautement dramatiques et stylistiquement ne diffèrent pas beaucoup de la mezzo-soprano dramatique (la hauteur est dissemblable). Elle est d'habitude chantée avec la voix de poitrine ou voix mixte, exploitant les sonorités sombres.
Dans l'extrait présenté, Hanna Schwarz incarne Erda (Déesse-mère de la Terre) dans l'opéra L'Or du Rhin de Wagner. Elle est la déesse ayant engendré le monde et possédant un savoir éternel et omniscient. Elle sort de son sommeil pour mettre en garde Wotan contre le crépuscule des Dieux, bien avant l'apparition de la dynastie des humains. Son discours est en réalité vain puisque le destin de Wotan est déjà scellé par la malédiction de l'anneau. Le leitmotiv de la déesse-mère, lui-même issu du motif du Rhin, donnera celui du crépuscule des dieux par inversion mélodique. Symbolisant l'élément de la Terre, le caractère atemporel et immuable de cette divinité est figuré par le registre le plus grave de la voix féminine, celui de contralto.
Tiefer Alt : Ortrun Wenkel
Le contralto grave trouve encore moins d'emploi dans la littérature vocale d'art lyrique. Nous le retrouvons dans certains opus de Wagner et Strauss, ainsi que dans les créations contemporaines. Ses caractéristiques sont la richesse du registre bas et la puissance sonore. La largesse de son étendue grave coïncide souvent avec la tessiture d'une voix masculine.
La contralto allemande Ortrun Wenkel, spécialisée dans son répertoire national (donc wagnérien et straussien notamment) interprète ici Gaea dans Daphne de Richard Strauss. Cette "tragédie bucolique en un acte" est inspirée des Métamorphoses d'Ovide et propose un duo entre Gaea et sa fille Daphné qui ne souhaite pas participer à la festivité en l'honneur au dieu Dionysos, étant malheureuse de ne pas pouvoir aimer son ami Leukippos en retour. Elle a perdu l'intérêt pour l'amour humain.