ROCCO DANS « FIDELIO » : UNE PRISE DE RÔLE RÉUSSIE POUR LUIGI DE DONATO !
Luigi De Donato est bien connu du public français, qui l’a déjà applaudi à plusieurs reprises : dans l’ Orfeo (à Versailles, Nancy, Bordeaux), L’Italienne à Alger (Rennes, Versailles, Toulon), La Cambiale di matrimonio (Tourcoing, Paris), Tancrède (Beaune), Don Giovanni (Vichy), Les Noces de Figaro (Nice, Antibes), etc.
Alidoro dans La Cenerentola
C’est la deuxième fois qu’il se produit à Tourcoing avec les forces de L’Écurie et la Chambre du Roy, après un Contrat de mariage de Rossini en février 2017. Quelques minutes seulement après la seconde représentation de Fidelio donnée au Théâtre Raymond Devos, Luigi De Donato se prête très volontiers au des questions/réponses face à un public qui lui est déjà fidèle.
Dans un français impeccable et avec un naturel et une gentillesse qui conquièrent immédiatement l’auditoire, Luigi De Donato explique la conception qu’il a du rôle de Rocco, qu’il interprète pour la première fois.
« Il y a deux sphères de personnages dans Fidelio, qui sont d’ailleurs définies musicalement par Beethoven, avec un langage musical spécifique pour chacune d’entre elles : les héros, et les simples hommes. Rocco appartient à la seconde sphère. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit dépourvu de qualités. J’ai souhaité que Rocco échappe à une conception assez traditionnelle du personnage, qui en fait quelqu’un de prosaïque, trivial, presque vulgaire, uniquement préoccupé par l’argent. Je le vois plutôt comme un père faisant tout ce qu’il peut pour que sa fille, qui grandit dans un univers assez horrible (une prison d’état), soit heureuse. S’il chante l’importance de l’argent (« Hat man nicht auch Gold beineben » / « Si l’on n’a pas de l’or aussi »), c’est parce qu’il sait qu’un couple de jeunes amoureux n’a pas forcément beaucoup de sens pratique ; aussi Rocco se préoccupe-t-il tout simplement des choses matérielles à leur place. Mais ce n’est pas de la vénalité.
Rocco est un homme juste, honnête : il ne disparaît pas face à l’adversité, mais il fait tout ce qu’il peut dans les limites que sa fonction lui assigne. Notamment, il fait le bon choix, au bon moment : il refuse de tuer Florestan (il est incapable de tuer qui que ce soit, non par lâcheté mais par humanisme), et c’est lui qui œuvre à la libération de Florestan, en dévoilant son identité au ministre. J’aimerais donner de Rocco l’image d’un père aimant, confronté à des problèmes qui le dépassent, mais qui essaie de trouver des solutions à ces problèmes par ses propres moyens – et qui y parvient.
Le rôle de Rocco est, musicalement, très intéressant. Ses confrontations avec Pizzaro ont une intensité, un dramatisme quasi verdiens ! Bien sûr, l’écriture de Beethoven participe encore dans une certaine mesure du classicisme ; mais elle anticipe néanmoins le romantisme, et même le romantisme tardif, tout cela dans un monde encore très largement dominé par le génie de Mozart. C’est extraordinaire… La musique de Fidelio, en tout cas, est constamment au service du drame ; Beethoven n’a écrit qu’un opéra, mais il possédait pourtant, selon moi, un sens du drame remarquable. »
Haendel, Le Messie
Pour terminer cette rencontre, Luigi De Donato évoque les deux rôles qu’il adorerait interpréter : Don Giovanni, et le Philippe II de Don Carlo. Pour l’heure, c’est Don Carlos qui se profile, et sans Philippe II mais avec le Grand Inquisiteur : ce sera à Hambourg, en mai-juin prochains :
https://www.staatsoper-hamburg.de/en/playing_schedule/play_cast.php?AuffNr=151348
D’ici là, Luigi De Donato aura également interprété Argante dans Rinaldo à Côme et Pavie, Neptune dans Le Retour d’Ulysse dans sa patrie à Hambourg et Ariodante dans Serse à Modène.