Le REQUIEM de VERDI version "camp de Terezin" dimanche 2 décembre à Bordeaux
Salvatore Caputo, chef de chœur à l’Opéra National de Bordeaux, humaniste engagé dans les luttes contre toutes formes de discriminations, est à l’origine d’un très beau projet : le Requiem de Verdi, dans sa version dite « de Terezín », sera interprété le dimanche 2 décembre 2018 en la Basilique Saint-Seurin.
Theresinstadt est un camp de concentration mis en place par la Gestapo dans les Sudètes (aujourd’hui en République tchèque), dans lequel furent enfermés de très nombreux intellectuels, artistes (peintres, écrivains, musiciens, cinéastes,…) et universitaires (le poète Robert Desnos y mourut). Afin de faire taire les rumeurs concernant l’existence de camps de la mort, Theresinstadt fut présenté par les nazis comme une colonie juive modèle. La Croix Rouge fut même invitée à y tourner un film, Theresienstadt. Ein Dokumentarfilm aus dem jüdischen Siedlungsgebiet (Un documentaire sur la zone de peuplement juif), encore appelé parfois Der Führer schenkt den Juden eine Stadt (Le Führer offre un village aux Juifs) : un monument de cynisme qui mystifiera de très nombreuses personnes. En réalité, Theresinstadt est un camp aux conditions de vie effroyables : sur les quelque 144 000 personnes (parmi lesquelles des dizaines de milliers d’enfants) qui y furent déportées, 33 000 moururent sur place de faim, de maladie ou furent assassinées, et 88 000 furent déportées à Auschwitz ou d’autres camps.
Dans cet enfer, deux musiciens pourtant sont parvenus à tenir momentanément la barbarie à distance : le musicien tchèque-allemand Hans Krása qui y fit représenter son opéra pour enfants Brundibár ; mais aussi Rafaël Schächter, compositeur, pianiste et chef d’orchestre tchécoslovaque, arrivé au camp de Terezín en novembre 1941 et qui réussit à y faire jouer plusieurs œuvres musicales : Hubička de Smetana, ou encore Les Noces de Figaro ou La Flûte enchantée de Mozart.
Mais son action la plus extraordinaire fut de parvenir, en à peine dix-huit mois (il est déporté à Auschwitz en octobre 1944), à faire apprendre, répéter et exécuter le Requiem de Verdi à un chœur amateur de 120 détenus. Devant se soumettre aux ordres des nazis et à des conditions matérielles assez misérables (pas plus d’une heure de musique, pas d’orchestre mais deux pianos), Schächter adapte l’œuvre en n’en conservant que certaines pages, et l’interprète pour la première fois en septembre 1943. Au lendemain de la représentation, tous les chanteurs, exceptés les solistes, furent déportés à Auschwitz et exécutés dans les chambres à gaz...
Impossible de concevoir par l’esprit la grandeur tragique de ce spectacle : des musiciens juifs chantant devant leurs propres bourreaux une messe ressortissant au culte catholique, et opposant la toute-puissance de l’art aux ressorts les plus noirs de l’âme humaine …
Le concert proposé par Salvatore Caputo avec l’Ensemble Vocal d’Aquitaine rappellera le souvenir de cet acte de foi en l’art, et sonnera comme un hommage aux détenus juifs de la seconde guerre mondiale, aux victimes de l’attentat antisémite de Pittsburgh – et, au-delà, aux victimes de toute forme d’intolérance.
A LIRE :
Josef Sbor, Le Requiem de Terezin (Livre de Poche)