JOHANNES PRAMSOHLER, NAHUEL DI PIERRO : German Cantatas with Solo Violon
Avec son CD Cantates allemandes avec violon solo (Audax records), Johannes Pramsohler propose un programme musical passionnant servi par des artistes talentueux et inspirés !
C’est un programme non seulement très beau mais aussi d’un grand intérêt que nous propose l’Ensemble Diderot dans ce CD paru chez Audax Records. Ces cantates allemandes, composées par des musiciens de la fin du XVIIe siècle (Heinrich Ignaz Franz Biber, Johann Christoph Bach, Nicolaus Bruhns, Daniel Eberlin, Johann Pachelbel) présentent la particularité de faire intervenir un violon solo, à qui est accordée une importance égale – ou peu s’en faut – à celle de la voix. Le programme retenu par Johannes Pramsohler (le fondateur de l’Ensemble Diderot) est riche, original, varié : habilement conçu, il s’ouvre et se ferme par deux pièces magistrales de Biber (le Nisi Dominus et le Laetatus sum) puis fait alterner des ambiances très différentes, de la colère révoltée à la prière recueillie, du chant de grâce à la supplique ardente.
Johannes Pramsohler
On pouvait compter sur l’Ensemble Diderot, qui officie ici dans son répertoire de prédilection, pour proposer un continuo idoine, sur lequel se déploient les lignes violonistiques et vocales des solistes. Les rôles dévolus au violon sans ces pièces sont multiples : bien loin de se contenter d’accompagner la voix, le violon la précède, étaye le discours, l’anticipe, le conclut, le prolonge, à l’aide d’une rhétorique qui lui est propre et entre constamment en résonance avec le texte. Plusieurs cantates présentent pour le violoniste de redoutables difficultés techniques, dont Johannes Pramsohler se joue avec une maîtrise stupéfiante, sans que jamais la virtuosité pure l’emporte sur la musicalité ou l’expression. Que le violon questionne la voix humaine, lui réponde, s’entrelace à elle, c’est toujours à un dialogue que nous avons affaire, et jamais nous n’avons l’impression d’entendre une simple juxtaposition, ou une simple superposition de deux lignes mélodiques, indifférentes l’une à l’autre.
Les parties vocales sont assurées par Andrea Hill, dont la voix fruitée au médium consistant rend justice aussi au soprano de la cantate de Pachelbel « Christ ist erstanden » (Andrea Hill y cisèle de délicates montées vers l’aigu et des vocalises qui sont autant de manifestations de réjouissance devant la résurrection du Christ) qu’à la partie plus grave de « Ach dass ich Wassers gnug hätte » (Johann Christoph Bach). Le ténor Jorge Navarro Colorado prête son timbre extrêmement frais et clair et sa diction limpide à la cantate de Daniel Eberlin : « Ich will in aller Not » : il confère à sa prière une forme d’assurance juvénile mais néanmoins déterminée. Christopher Purves intervient quant à lui dans la dernière cantate (Heinrich Ignaz Franz Biber : Laetatus sum »), à laquelle il prête son timbre un peu rugueux et l’autorité de ses accents. Il y chante en duo avec la basse Nahuel Di Pierro, qui interprète également toutes les autres cantates du CD.
Nahuel Di Pierro
Cette jeune basse, dont la carrière est en constante expansion (il faisait partie, il n’y a guère, de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris) se signale avant tout par la noblesse de son chant, due à la qualité du timbre, égale sur toute la tessiture, la pureté du style, la sûreté du goût. Les qualités techniques sont évidentes (facilité des vocalises, belles tenues de souffle permettant à de longues et gracieuses volutes de se déployer sans effort apparent). Les qualités de l’interprète ne sont pas en reste, portées par une diction claire et expressive ; capable de tendresse comme de fermeté dans l’accent (écoutez le contraste entre le « Surgite » et le « panem doloris » dans la première cantate de Biber !), pouvant suggérer tour à tour le recueillement (« Ich dacht, du würdest mich… » dans la première cantate de Johann Christoph Bach), une assurance joyeuse (Nicolaus Bruhns : « Mein Herz ist bereit ») ou emplie de fierté : « Aber du Herr bist der Schild für mich » (deuxième cantate de Pachelbel), un désespoir glaçant (seconde cantate de Johann Christoph Bach), le chanteur sait conférer à chaque cantate une couleur propre qui la fait valoir et dégage sa singularité.
Un disque d’un très grand intérêt musicologique et artistique !