LE FESTIVAL DE LINIERES : UNE EXPERIENCE ARTISTIQUE ET HUMAINE EXCEPTIONNELLE !
Rencontre avec trois artisans majeurs de l’édition 2019 du Festival : Julien Ostini (metteur en scène et créateur du festival), Marie Gautrot (interprète d’Azucena dans Le Trouvère proposé au public cette année) et le chef Frédéric Rouillon.
Tout commence par un coup de cœur entre Julien Ostini, sa femme Véronique et le Château de Linières. Le château, fort ancien (son premier propriétaire connu vivait au XIVe siècle) est en ruines mais qu’importe, ils en font l’acquisition : ils le retaperont petit à petit, ils en feront un cadre idéal pour y faire grandir leurs enfants, et surtout, Julien, metteur en scène de son état, y voit déjà un très fort potentiel artistique. Armé d’une forte dose de courage, de ténacité et aussi sans doute de la nécessaire part de folie sans laquelle aucun projet ambitieux ne se fait, il décide d’y monter un festival d’opéra.
Julien Ostini et sa femme Véronique
Outre le cadre du château qui lui semble tout indiqué pour monter des opéras, Julien Ostini trouve également sa motivation dans le fait que les environs immédiats sont coupés de toute action culturelle :
« Les villes les plus proches (Laval, Sablé-sur-Sarthe) sont assez éloignées, il n’y a pas de théâtre et encore moins d’opéra dans les environs. Les personnes éventuellement intéressées par cet art en sont tout simplement privées – et que dire de celles qui ne connaissent pas mais qui pourraient être intéressées si elles avaient tout simplement l’occasion d’en faire la découverte ? »
Se pose alors une double gageure : comment séduire un public a priori éloigné de l’art lyrique, et comment financer l’événement ? Julien Ostini va faire d’une pierre deux coups : afin de réduire les frais mais aussi d’intéresser les habitants au projet, il va les impliquer directement dans l’élaboration des spectacles : figuration, construction des décors, des costumes,…
Julien Ostini présente la maquette du décor du Trouvère
« Il ne sert à rien de mettre à la portée des gens une porte qu’il suffit d’ouvrir pour accéder à l’opéra : beaucoup ne l’ouvriront pas d’eux-mêmes, par crainte de ne pas posséder les clés de cet art, parfois même de ne pas savoir comment se présenter au spectacle. Le plus efficace a été de rendre les gens directement acteurs du projet, et l’opéra a ceci d’extraordinaire qu’il sollicite une multitude de métiers. Un électricien venu tout simplement pour poser une prise peut très bien être surpris par une voix, un air entendu pendant la répétition, s’arrêter de travailler, s’approcher pour essayer d’en savoir plus, se laisser séduire… »
Au festival de Linières tout est basé sur le bénévolat, y compris pour les artistes musiciens et chanteurs, lesquels ne sont pas rémunérés mais sont hébergés et nourris par les habitants !
Et cela fonctionne : dès la première édition du festival, Carmen a attiré… 1600 spectateurs ! De quoi mettre du baume au cœur et conforter Julien dans son désir de poursuivre et d’approfondir l’expérience.
« L’ambiance de ce festival est vraiment très particulière, et pour tout dire assez extraordinaire : les gens viennent en famille, entre amis, avec des enfants parfois très jeunes…
− … qui peuvent s’endormir, ou qui n’hésitent pas à se lever pour venir voir de plus près : c’est ainsi qu’Amneris s’est soudain retrouvée avec un enfant de deux ans face à elle l’an dernier ! », se souvient la mezzo Marie Gautrot qui chantait ce rôle en 2018 et qui revient cet été pour interpréter Azucena dans Le Trouvère.
Marie Gautrot
Qui dit festival populaire ne dit pas art au rabais : Julien Ostini vise haut, en programmant les grands titres du répertoire et les exécutant comme ils le seraient dans un théâtre ou un festival de renom : un orchestre (et non pas un ensemble instrumental ou une réduction pour piano) et de vrais chœurs, lesquels se forment et se reforment chaque année à l’occasion du festival.
« Les conditions de travail sont très particulières pour le chef, qui travaille avec des musiciens qui pour la plupart ne se connaissent pas et se rencontrent pour la première fois à l’occasion des répétitions », remarque le chef d’orchestre Frédéric Rouillon.
Mais Julien Ostini explique que le projet est à ce point fédérateur que très vite, un véritable esprit d’équipe règne entre tous les artistes, qu’ils soient professionnels ou amateurs.
Marie Gautrot, le chef Frédéric Rouillon et Julien Ostini sont d’accord pour dire qu’une telle entreprise possède une dimension sinon politique – au sens noble du terme –, du moins militante mais aussi pédagogique : ces passionnés ont à cœur de rendre l’art accessible à tous et de l’y porter là où il ne se trouve pas. Pour ces trois artistes, la question du bénévolat n’en est même pas une tant ils sont portés par leur envie de transmettre et de partager. Et tous trois de se mettre déjà à rêver à d’autres lieux où il serait possible de présenter les spectacles du Festival de Linières. Marie Gautrot et Frédéric Rouillon songent à Dieppe, où ils habitent, et où le Festival de Linières serait tout à fait transférable.
Le chef Frédéric Rouillon
Ils ont eux-mêmes conçu un projet en vue du bicentenaire de la mort de Saint-Saëns, originaire de la ville et mort en 1921 : Samson et Dalila, sur les grandes pelouses du front de mer, là où, du vivant de Saint-Saëns, fut donnée Mireille. Le projet est basé également sur le bénévolat et nécessitait de ce fait un budget plus que raisonnable. Des actions éducatives étaient également prévues à destination des jeunes des quartiers défavorisés. Malheureusement, soumis au service culturel de la municipalité, il n’a rencontré aucun écho…
Julien Ostini regrette également que le Festival de Linières, malgré son succès indéniable, rencontre aussi peu de soutien de la part des communes ou du département… L’amour de l’art, le besoin impérieux de partager et de faire connaître, la passion sont l’énergie qui alimente et fait vivre les spectacles proposés par ces trois artistes. Il n’empêche : il n’est guère compréhensible que des projets d’une telle qualité artistique et aux visées, ose-t-on dire, humanistes ne fassent pas l’objet d’un soutien appuyé de la part des instances culturelles locales !
FESTIVAL DE LINIERES 2019
Verdi, Le Trouvère
Marc Laho, Chrystelle di Marco, Marie Gautrot, Kristian Paul
Direction : Frédéric Rouillon
Mise en scène : Julien Ostini
18 et 20 juillet 2019
Prix : 10 et 15 euros, gratuit jusqu'à 21 ans.
Informations et réservations: https://www.linieres.fr/