En Bref
Création de l'opéra
Gabriel Fauré et l’opéra
Gabriel Fauré fut hanté, comme tous les compositeurs français de son époque, par le théâtre lyrique. Auteur de nombreuses mélodies, la plupart réunies sous forme de cycles (Mélodies dites de Venise, Le Jardin clos, l’Horizon chimérique…), il élaborera à plusieurs reprises des projets relevant tant du drame lyrique que de l’opéra-comique ou de l’opéra. Mais aucune tentative n’aboutira. Il écrivit toutefois plusieurs musiques de scène pour le théâtre, notamment pour le drame symboliste de Maurice Maeterlinck Pelléas et Mélisande présenté à Londres en 1898 dans une orchestration signée de son élève Charles Koechlin. La création de sa tragédie lyrique en trois actes avec texte parlé, Prométhée en août 1900 aux Arènes de Béziers, au-delà de sa démesure (2 orchestres, 15 harpes…) et de la présence d’interprètes de qualité comme le célèbre tragédien Edouard de Max dans le rôle-titre, ne s’avéra guère concluante. Les tentatives pour la reprise ultérieure de l’ouvrage, même dans le cadre d’une orchestration réduite établie par Jean-Roger Ducasse supervisée par Gabriel Fauré, notamment à l’Opéra de Paris en 1917 (4 représentations) ne parvinrent pas à maintenir durablement Prométhée au répertoire.
La genèse de Pénélope et la création de l’ouvrage.
La commande de Pénélope émane de la future créatrice de l’ouvrage, la soprano Lucienne Bréval lors d’une rencontre à Monte-Carlo en février 1907. D’origine suisse, cette dernière triomphe alors tant au Palais Garnier (créatrice de Kundry de Parsifal en janvier 1914) qu’à l’Opéra Comique, notamment dans les ouvrages de Jules Massenet (Ariane, Bacchus, Grisélidis). Soprano dramatique, elle était célèbre pour sa vaillance, la qualité de sa voix, son tempérament scénique. Elle dominait à l’Opéra de Paris le répertoire wagnérien (Eva, Brünnhilde, Vénus). Elle sollicite donc de Gabriel Fauré la composition d’un opéra à son intention sur un sujet antique comme le souhaitait le compositeur. Elle lui recommande un jeune dramaturge, René Fauchois qui travaille déjà pour elle sur un projet d’une Pénélope d’après l’Odyssée d’Homère. Les deux hommes s’entendent, même si Fauré demande à René Fauchois de réduire à trois actes le projet primitif qui en comportait cinq et lui impose de larges coupures dans le texte jugé trop bavard à son gré. En effet, Gabriel Fauré, alors âgé d’un peu plus de 60 ans, se trouve déjà fort accaparé par ses fonctions de directeur du Conservatoire de Musique de Paris. De fait, le personnage de Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, est supprimé. Fauré enthousiasmé, sans même avoir encore en mains la totalité du livret, débute la composition de l’ouvrage en avril 1907. Il lui faudra cinq ans de labeur durant les mois d’été, seules périodes vraiment disponibles, pour finaliser les travaux. Le Poème lyrique (nom alloué à l’ouvrage) est achevé en août 1912 seulement. Gabriel Fauré en sort véritablement épuisé -sa correspondance avec son épouse en atteste-, mais confiant du résultat. Le directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, le tout puissant Raoul Gunsbourg, accepte de monter Pénélope, sans réellement apprécier et comprendre l’ouvrage, ce pour trois représentations seulement. La création de l’ouvrage sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo a lieu le 4 mars 1913 sous la baguette du chef maison Léon Jehin. La distribution apparaît de grande qualité : Lucienne Bréval (Pénélope), Alice Raveau superbe contralto et incomparable interprète d’Orphée de Gluck (Euryclée), le ténor Charles Rousselière (Ulysse), le baryton Jean Bourbon (Eumée). L’accueil assez tiède ne s’avère pas à la hauteur des espérances des protagonistes. Il faudra attendre la création parisienne le 10 mai 1913 sur la scène du tout nouveau Théâtre des Champs-Élysées pour que l’ouvrage s’impose. Lucienne Bréval y reprend le rôle de Pénélope avec à ses côtés le ténor Lucien Muratore, très à l’aise en Ulysse, Cécile Thevenet, Blancard, le chef Louis Hasselmans dirigeant l’orchestre. Gabriel Astruc, toujours dispendieux, proposa une mise en scène fastueuse qui contribua au triomphe remporté par l’ouvrage. Hélas, la faillite survint rapidement pour Astruc et son ambitieux projet théâtral périclita. Pénélope fut présentée à l’Opéra Comique en 1919 avec Germaine Lubin puis en 1927 avec Suzanne Balguerie. L’ouvrage de Fauré fit son entrée au Palais Garnier en mars 1943 avec Germaine Lubin et le ténor Georges Jouatte. Régine Crespin, éminente interprète du rôle notamment au Théâtre Colon de Buenos Aires, ne se vit malheureusement pas offrir de l’incarner le Palais Garnier.