En Bref
Création de l'opéra
40 ans d’élaboration
Le dramaturge Copi, de son vrai nom Raúl Damonte Botana est mort en 1987. Les téléspectateurs français le connaissent pour avoir joué travesti dans une publicité pour Perrier, entonnant le célèbre “Perrier, c’est fou !” Exilé en France après les Coups d’État en Argentine, il continue d’écrire en espagnol, sa langue maternelle. En 1977, il achève une pièce de théâtre intitulée L’Ombre de Venceslao. Cette pièce est traduite en français par Jorge Lavelli en 1997 et, lorsqu’elle devient un opéra en 2016 avec la musique de Martin Matalon (lui aussi né en Argentine), c’est son traducteur qui en signe le livret et la mise en scène.
Un nouvel éco-système pour l’Opéra
L’Ombre de Venceslao a été produite dans le contexte économique et politique du XXIe siècle, où il s’agit de mutualiser les moyens et les actions culturelles. Les commandes d’opéra peuvent être onéreuses pour certains théâtres et elles sont trop rarement rejouées. De fait, c’est une large collaboration mondiale qui s’est constituée autour de cette œuvre : le Centre Français de Promotion Lyrique, les Opéras d’Avignon, Bordeaux, Clermont-Auvergne, Marseille, Reims, Rennes, Toulon, Toulouse, Montpellier, Buenos Aires, Santiago du Chili avec le soutien du Fonds de Création Lyrique, de la Fondation Orange et de la Caisse des Dépôts et Consignations, du Ministère de la Culture et de la Communication, en partenariat avec France 3, France Musique et Télérama !
Clés d'écoute de l'opéra
Un drame antique transporté dans l’Amérique du Sud moderne
Les thèmes de cet opéra rappellent les drames de la Grèce Antique : l’Amour incestueux de demi-frères et sœurs (comme pour la nymphe Byblis avec son frère jumeau Caunos, qui a donné son nom à l'amour “caunien”). L’errance, la perte et la mort, les infidélités, un animal humanisé (le perroquet) sont d’autres motifs habituels, tout comme le spectre qui revient des morts pour donner la morale de l’histoire. Les références aux drames ne sont pas qu’antiques : le Coup d’État qui a lieu dans la pièce est ainsi une référence à l'État de siège décrété en 1955 lors du renversement du Général Perón (une allusion donc contemporaine pour la pièce écrite en 1977).
Un orchestre enrichi
L’effectif instrumental de cet opéra rappelle un orchestre de Mozart avec l’adjonction de quatre bandonéons (instrument emblématique du tango, proche de l’accordéon) et de l’électronique (pour prolonger le son des instruments et faire les bruits de ville, de la nature, des explosions, fusillades…). Puisqu’il est question de tango dans l’œuvre, les bandonéons sont bien entendu du bal, apportant la couleur argentine et enrichissant d’autant l’orchestre classique. En outre, la bien réelle chanteuse flamenco Tita Merello est au coeur de l'intrigue, incitant la fille de Venceslao à un voyage initiatique tragique.
Une forme structurée
Tandis que les opéras sont traditionnellement divisés en Actes et en scènes contenant des airs et des récitatifs, cet opus est divisé en 34 sections (dans un esprit qui rappelle l’opéra Wozzeck de Berg où chacune des scènes tout au long des trois actes est construite selon un thème : une forme musicale, un tempo, un rythme, une note, un accord). Une ouverture initie l’œuvre qui compte également un intermède, en plus des 32 scènes. Chaque scène a ses propres caractéristiques de couleur, instrumentation, rythme, dynamique, durée. Chacune des scènes reprend un des paramètres de la scène précédente, renforçant la transition et le lien entre elles.
Une thématique baroque
Cet opéra retrouve un esprit baroque, notamment dans son scénario : Venceslao est un Don Quichotte et son voyage un roman picaresque, de l'espagnol pícaro qui signifie "misérable et futé", ce genre littéraire qui a fleurit dans l'Espagne du XVIe siècle en présentant l'autobiographie d'un miséreux confronté à des aventures rocambolesques à travers le monde et les classes sociales. En cela un voyage à travers l’Argentine, ce nouveau Monde de l’Espagne, est une sorte d’absolu picaresque.
Le baroque repose aussi sur l’association des contraires, comme dans cette pièce faite de grotesque et de nostalgie à la fois dans cette évocation de la très humide Mésopotamie argentine, cadre des scènes rurales, en contraste avec celles qui se déroulent à Buenos Aires.